Question de M. BENARROCHE Guy (Bouches-du-Rhône - GEST) publiée le 13/03/2025
M. Guy Benarroche attire l'attention de M. le Premier ministre sur l'absence de la France comme État observateur au traité sur l'interdiction des armes nucléaires.
Le 7 juillet 2017 à la suite d'un long processus de négociations le traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN) est adopté par une écrasante majorité des États membres des Nations unies. Ouvert à la signature le 20 septembre 2017, le TIAN est entré en vigueur le 22 janvier 2021 et dispose à la date du 1er février 2025 de 73 États parties (dont des États de l'Union européenne) et 25 autres États ont lancé leur processus de ratification.
Des conférences périodiques sont réalisées (la première en juin 2022, la seconde en décembre 2023) pour suivre les avancées de l'universalisation et de mise en application de cette nouvelle norme juridique internationale qui renforce la non-prolifération nucléaire et met en oeuvre le désarmement nucléaire.
Sa troisième réunion s'est tenue du 2 au 5 mars 2025, au siège des Nations unies à New York.
Ce traité donne la possibilité aux États non-parties d'être présent sous le titre « d'État observateur ». C'est la posture adoptée par certains de nos alliés comme l'Allemagne, la Norvège, la Belgique. L'objectif de ce statut est de donner un moyen de participation aux États non-membres et aux États qui s'interrogent sur les objectifs de ce traité. La France a par le passé adopté cette posture dans différents types de traités internationaux et notamment (au début des années 1990) lors des conférences liées au traité de non-prolifération nucléaire (TNP).
La France est un État doté au sens du TNP, affirme être un État nucléaire responsable et dispose de responsabilité particulière en raison de son statut de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Enfin, avec raison, sa diplomatie ne cesse d'affirmer l'importance du multilatéralisme.
Aussi, il lui demande pourquoi la France n'a pas assumé ses responsabilités d'État nucléaire en ne participant pas au titre « d'État observateur » à la troisième réunion du traité sur l'interdiction des armes nucléaires.
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Transmise au Ministère de l'Europe et des affaires étrangères
Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 17/07/2025
La France est engagée avec détermination en faveur de la poursuite du désarmement nucléaire. Le Président de la République l'a réaffirmé dans son discours à l'Ecole de Guerre le 7 février 2020. Outre notre bilan national sans équivalent, nous nous sommes donnés pour la suite un agenda clair et ambitieux, progressif et réaliste avec notamment : l'entrée en vigueur rapide du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, la négociation d'un Traité interdisant la production de matières fissiles pour les armes ou encore la poursuite des travaux sur la vérification du désarmement nucléaire et sur la réduction des risques stratégiques. S'agissant du Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN), la France a refusé, comme ses Alliés, de prendre part aux négociations de ce traité. L'approche de ses promoteurs n'est pas compatible avec notre approche réaliste et progressive du désarmement nucléaire, qui suppose de tenir compte de l'environnement stratégique. Or, celui-ci est marqué depuis plusieurs années par la multiplication des menaces à la sécurité et la stabilité internationales. Il suffit de regarder notre environnement : les crises de prolifération nucléaire se renforcent, en Corée du Nord ou en Iran, la Russie remet en cause toute l'architecture internationale de la maîtrise des armements, les arsenaux nucléaires de certains Etats dotés augmentent. L'actualité de la guerre en Ukraine le démontre avec acuité et gravité plus encore chaque jour. Par ailleurs, il est important de souligner que le TIAN est incompatible avec le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qui constitue depuis 50 ans le pilier de la non-prolifération et du désarmement nucléaires et qui permet, de manière équilibrée, à la fois de lutter contre la prolifération nucléaire - on en voit l'acuité avec la crise iranienne - et de favoriser l'accès aux usages pacifiques de l'atome. Enfin, il ne résultera en l'élimination d'aucune arme nucléaire : ni les Etats dotés et possesseurs d'armes nucléaires ni les Etats proliférants n'y souscriront. Le Président de la République a rappelé pour cette raison le 7 février 2020 que nous ne pouvions « donner à la France comme objectif moral le désarmement des démocraties face à des puissances, voire des dictatures qui, elles, conserveraient ou développeraient leurs armes nucléaires. ». Avec le retour de la guerre sur le continent européen, la dissuasion nucléaire demeure la garantie de notre indépendance et de notre souveraineté. Pour ces raisons, la France n'entend pas participer aux réunions des Etats parties du TIAN. De nombreux Etats européens qui avaient participé aux négociations du traité et à la première réunion des Etats parties ont depuis pris leurs distances avec ce traité et n'ont pas renouvelé leur participation. A ce titre, en 2025, aucun Allié n'a participé à la réunion des Etats parties au TIAN, preuve que ce traité est incompatible avec les intérêts stratégiques européens et incohérent avec l'environnement actuel. Dans ce contexte, notre priorité est la défense et le renforcement du TNP, pierre angulaire du régime international de non-prolifération. La France s'efforcera de travailler avec ses partenaires au succès de la conférence d'examen de 2026 et à la promotion d'une approche réaliste et progressive, du désarmement, la seule qui permettra d'avancer vers l'objectif ultime d'un monde sans armes nucléaires.
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