Question de Mme JOUVE Mireille (Bouches-du-Rhône - RDSE) publiée le 20/03/2025

Mme Mireille Jouve appelle l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les résidus de pesticides qui contaminent les fleurs coupées.
À l'occasion de la Saint-Valentin de 2025, l'association de consommateurs UFC-Que choisir a testé des roses, gerberas et chrysanthèmes achetés aussi bien en boutique, qu'en grande surface ou en ligne. Les analyses en laboratoire y ont révélé la présence systématique de pesticides. Elles en ont détecté plusieurs dizaines : jusqu'à 46 différents pour un seul bouquet. En moyenne, chacun contenait 12 résidus de substances suspectes ou avérées dangereuses pour la santé (cancérogène, mutagène, toxique pour la reproduction ou perturbateur endocrinien). Plus alarmant encore, les deux tiers des bouquets renfermaient un total de 33 résidus différents de pesticides interdits dans l'Union européenne (UE) en raison de leur dangerosité pour la santé ou l'environnement.
Il faut dire qu'environ 80 % des fleurs commercialisées en France proviennent de pays extracommunautaires (Kenya, Éthiopie, Colombie, Équateur...) où ces substances peuvent encore être utilisées. On y pratique une « fertilisation » intensive à base de produits phytosanitaires, dont certains interdits dans l'UE. Aucun contrôle sur la teneur en pesticides n'est ensuite effectué à l'arrivée en France, car il n'existe pas de réglementation sur les limites de taux résiduels, dans la mesure où nous ne mangeons pas les fleurs.
Le fonds d'indemnisation des victimes des pesticides a pourtant reconnu le lien entre la leucémie d'une petite fille et l'exposition professionnelle de sa mère fleuriste à ces toxiques durant sa grossesse.
C'est pourquoi elle lui demande comment évaluer les risques encourus non seulement par les professionnels, mais aussi par les consommateurs, et fixer en conséquence une limite maximale de résidus de pesticides pour les fleurs ou même interdire l'importation de fleurs traitées à bases de substances prohibées dans l'UE.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 18/09/2025

À titre liminaire, il est important de préciser que la plupart des travailleurs du secteur de la vente de fleurs ou de plantes relèvent du régime général de sécurité sociale et non du régime agricole. Un cadre législatif complet a été établi au sein de l'Union européenne (UE) instaurant des règles portant sur l'autorisation des substances actives utilisées dans les produits phytopharmaceutiques, l'utilisation de ces produits et les résidus de pesticides dans les aliments. L'application de produits phytopharmaceutiques sur les plantes ornementales, lorsqu'elles sont cultivées dans l'UE, doit respecter les conditions d'utilisation prévues par l'autorisation de mise sur le marché (AMM) des produits concernés et dans le respect des bonnes pratiques. Au sein de l'UE, l'évaluation des risques préalable à l'autorisation d'un produit phytopharmaceutique permet notamment de s'assurer qu'il ne présente pas d'effet néfaste pour les travailleurs. Concernant plus généralement l'usage de produits chimiques, incluant les produits phytopharmaceutiques, le cadre européen et national oblige les employeurs à prendre les mesures nécessaires pour la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, notamment celles relevant de la prévention des risques professionnels, de l'information et de la formation des salariés, ainsi qu'à mettre en place une organisation et les moyens nécessaires. Plus de 80 % des fleurs vendues en France proviennent de l'étranger dont une grande partie est cultivée hors d'Europe et principalement importée via les Pays-Bas. Dans la mesure où ces produits ne sont pas destinés à la consommation humaine ou animale, il n'existe pas actuellement de législation relative aux résidus de pesticides présents sur les fleurs coupées. Ainsi, aucune disposition législative ou réglementaire ne vient fixer des limites maximales en résidus (LMR) sur ces produits. Les seuls contrôles pouvant être diligentés par la direction générale de l'alimentation lors de l'importation portent sur l'éventuelle présence de nuisibles sur les végétaux. S'agissant en revanche des fleurs produites dans l'UE, les contrôles portent également sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, de la même façon que pour les cultures alimentaires : nature du produit utilisé (autorisation en cours de validité), enregistrement du traitement, respect des conditions d'utilisation prévues par l'AMM du produit (dose, fréquence, stade cultural, etc.) et par la réglementation (respect des distances de sécurité par rapport aux zones d'habitation, etc.). Constatant l'absence de cadre réglementaire concernant les fleurs importées depuis les pays tiers dans l'UE, les autorités françaises ont demandé, dès mars 2017, à la Commission européenne de considérer les enjeux à l'échelle européenne, seule approche efficace pour encadrer les importations. En 2018, plusieurs études ont mesuré la présence de résidus de produits phytopharmaceutiques sur des plantes ornementales non destinées à des fins alimentaires, révélant la présence de substances, dont certaines ne sont pas approuvées dans l'UE, à des niveaux parfois élevés. En mars 2022, de nouveau alertée par plusieurs publications, la Commission européenne a consulté les États membres sur des mesures permettant de réduire l'exposition des professionnels manipulant les fleurs coupées, telles que des recommandations de port d'équipements de protection individuelle. Cette consultation, à laquelle la France a répondu, n'a, à ce jour, pas été suivie d'action de la part de la Commission européenne. L'absence de législation européenne sur la présence de résidus sur des biens non destinés à l'alimentation constitue un facteur bloquant au niveau du comité permanent, qui traite des mesures d'exécution de la législation existante. Dans l'attente, les ministères chargés du travail et de l'agriculture ont co-saisi l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), en date du 10 décembre 2024, dans le but d'établir une analyse des risques pour les travailleurs du secteur relevant du régime général et du régime agricole, en lien avec l'exposition aux produits phytopharmaceutiques et à leurs résidus. Devant aboutir à des propositions de mesures de gestion adaptées au risque, voire d'évolutions réglementaires, l'étude se fera en plusieurs phases, allant de l'établissement d'un état des connaissances à l'évaluation des risques aux différentes étapes de la chaîne de valeur, en passant par l'acquisition de données potentiellement manquantes. Une ouverture sur l'évaluation des risques pour la santé des consommateurs a par ailleurs été demandée à l'Anses dans le cadre de cette saisine. Les autorités françaises continuent cependant d'alerter la Commission européenne sur ce sujet, notamment à la suite de la reconnaissance par le fonds d'indemnisation des victimes de pesticides (FIVP), en 2023, du lien de causalité entre l'exposition professionnelle (au cours de la période prénatale) aux produits phytopharmaceutiques d'une fleuriste relevant du régime général (au cours de la période prénatale) et la pathologie déclarée par son enfant. Sur ce point, il est important de rappeler que le FIVP n'est compétent que pour instruire des demandes de victimes professionnelles de pesticides qui ne répondent pas au principe de la réparation intégrale mais à celui d'une réparation forfaitaire. Si une telle réparation intégrale était envisagée, elle ne pourrait pas être assurée par le FIVP qui est financé par les contributions des branches accidents du travail et maladies professionnelles. Enfin, la promotion des fleurs locales et durables constitue une priorité pour le développement de la filière horticole. Créé en 2015, le label Fleurs de France, porté par l'interprofession Valhor et géré par l'association Excellence Végétale, garantit l'origine nationale des fleurs, plantes et végétaux produits en France. Il valorise les producteurs engagés dans une production locale et respectueuse de l'environnement, via l'une des quatre démarches permettant l'accès au label (Plante Bleue, Charte Qualité Fleurs, Agriculture biologique, label MPS). L'interprofession joue donc un rôle central dans la structuration de la filière et la promotion du label, notamment à travers des événements dédiés. À ce titre, la Journée de la fleur coupée française, organisée le 11 septembre 2024 lors du salon du Végétal à Angers, a contribué à mettre en relation les différents acteurs de la filière afin de valoriser la production nationale. L'interprofession Valhor a également mis en place une cellule de crise en interne, et une communication maîtrisée sur le sujet, avec un rappel de son engagement pour la santé des professionnels et des consommateurs. La filière a annoncé dès décembre 2024 s'engager dans une étude technique volontaire, qualitative et quantitative, visant à évaluer la présence de résidus de certains produits phytosanitaires sur les végétaux vendus. La filière salue la saisine de l'Anses et souhaite attirer l'attention de l'État et des pouvoirs publics sur la nécessaire proportion à conserver quant aux évolutions réglementaires qui pourraient être envisagées. Par ailleurs, les organisations de producteurs en horticulture peuvent bénéficier d'un soutien financier dans le cadre des programmes opérationnels cofinancés par des fonds européens, notamment via la mesure 5.1, qui accompagne la mise en place et le maintien de démarches de qualité, de labels nationaux ou européens et de certifications environnementales. À ce titre, une organisation de producteurs a obtenu un financement pour sa certification Fleurs de France en 2024.

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