Question de Mme SOLLOGOUB Nadia (Nièvre - UC) publiée le 27/03/2025

Mme Nadia Sollogoub attire l'attention de M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation sur les modalités comptables d'intégration des digues domaniales dans l'actif des collectivités compétentes en matière de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI).
Bien que l'État reste propriétaire des digues domaniales, le transfert de gestion aux collectivités concernées implique leur intégration dans l'actif de ces dernières. Les services décentralisés de l'État, s'appuyant sur l'avis n° 2023-03 du 19 octobre 2023 du Conseil de normalisation des comptes publics relatif au traitement comptable des digues domaniales, appellent les collectivités à procéder à l'amortissement de l'immobilisation que constituent ces ouvrages. Certaines digues ont une valeur comptable de plusieurs dizaines de millions d'euros. Bien que l'amortissement comptable d'un tel ouvrage puisse se réaliser sur une période centenaire, l'écriture annuelle de l'amortissement met en péril l'équilibre budgétaire et financier des collectivités concernées. Cette situation interpelle. En effet, ces amortissements, par leur ampleur, sont totalement décorrélés de la capacité budgétaire des collectivités. Par ailleurs, l'article R. 2321-1 du code général des collectivités territoriales fixant les amortissements obligatoires n'inclut pas les ouvrages en question. Il semble également que les digues transférées n'aient pas été l'objet d'amortissement de la part de l'État et que la valeur nette comptable communiquée soit celle estimée à l'origine de la création de l'ouvrage et de surcroît actualisée. Enfin, il faut rappeler que l'avis du Conseil de normalisation des comptes publics n'est pas opposable. Si l'on comprend la nécessité de prévoir, régulièrement, des crédits d'investissement dans une perspective de gestion durable des ressources et des infrastructures, ces affectations budgétaires, dans le cadre de l'amortissement, ne peuvent se conduire au détriment de l'équilibre financier des collectivités.
Pour toutes ces raisons et face à une telle situation, elle demande ce que le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour adapter le traitement comptable de l'intégration des digues domaniales dans l'actif des collectivités afin de le rendre réaliste et supportable.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé du logement publiée le 30/04/2025

Réponse apportée en séance publique le 29/04/2025

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, auteur de la question n° 414, adressée à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Mme Nadia Sollogoub. Madame la ministre chargée du logement, vous n'êtes pas sans savoir que, dans le cadre de l'exercice de la compétence dite Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations), le transfert de la gestion des digues domaniales entraîne l'inscription de ces ouvrages à l'actif des collectivités concernées, communes ou établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Voilà qui pose un énorme problème comptable, car certaines de ces digues ont une valeur qui peut s'élever à plusieurs dizaines de millions d'euros. Quid, dès lors, de l'amortissement de ces biens qui doivent être inscrits, je l'ai dit, à l'actif des collectivités ?

Nous comprenons parfaitement la logique qui préside à une telle inscription comptable : il s'agit d'assurer l'entretien dans le temps de ces ouvrages. Cependant, l'écriture annuelle de l'amortissement risque de déséquilibrer complètement la comptabilité des collectivités concernées.

J'appelle donc l'attention du Gouvernement sur ce problème majeur, qui doit nous alerter et auquel il faut trouver une solution.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Létard, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement. Madame la sénatrice Nadia Sollogoub, permettez-moi d'excuser mon collègue François Rebsamen ; je vais vous livrer la réponse qu'il a préparée à votre attention.

Le principe de la mise à disposition à titre gratuit de digues domaniales à la commune ou à l'EPCI compétent en matière de défense contre les inondations et contre la mer est effectif depuis janvier 2024.

Si la mise à disposition des digues domaniales aux collectivités implique pour ces dernières les droits et obligations rattachés à la gestion de ces ouvrages, notamment en matière d'entretien et d'investissement, elles n'ont pas l'obligation d'amortir les dépenses d'investissement qu'elles leur consacrent.

En effet, le périmètre d'amortissement obligatoire applicable aux collectivités du bloc communal, à l'exception des métropoles, est précisé par le code général des collectivités territoriales : il n'inclut pas les digues. Pour ce qui est des métropoles, je précise qu'elles disposent de la faculté de neutraliser cette opération d'amortissement pour annuler les effets de la dépense afférente sur le plan budgétaire, comme cela est prévu par l'article D. 5217-21 du code général des collectivités territoriales.

De manière plus générale, l'avis du Conseil de normalisation des comptes publics n'a pas de valeur normative, mais contient des préconisations en matière de gestion. En l'occurrence, ce sont les dispositions de droit commun, et donc l'absence d'obligation d'amortissement, qui continuent de s'appliquer aux collectivités exerçant notamment la compétence Gemapi.

Ainsi, comme vous pouvez le constater, madame la sénatrice, les dispositions en vigueur permettent aux collectivités de s'adapter aux enjeux comptables du transfert de la gestion des digues.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.

Mme Nadia Sollogoub. Je vous remercie beaucoup, madame la ministre : je pousse un ouf de soulagement.

Reste qu'il faudrait clarifier les choses. Je vous renvoie à un tout récent communiqué de presse de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, daté du mois d'avril 2025 : « Le transfert de la gestion des digues domaniales aux intercommunalités illustre bien cette situation que l'AMF dénonce. » L'État n'avait pas procédé à l'amortissement dont il est question ; après vous avoir entendue, je comprends mieux pourquoi.

« Un an après ce transfert, les collectivités concernées rencontrent toujours autant de difficultés de gestion », conclut l'AMF. Elles se retrouvent dans un flou assez important concernant en particulier l'inscription des digues domaniales à leur actif et l'obligation d'amortissement. Il semblerait que la réponse à cette question ne soit pas claire pour tout le monde : il convient que le Gouvernement adopte en la matière une doctrine claire, susceptible de rassurer les communes et de ne pas mettre en péril leur comptabilité.

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