Question de M. COURTIAL Édouard (Oise - UC) publiée le 03/04/2025
M. Édouard Courtial attire l'attention de M. le ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur sur le phénomène préoccupant que constitue le trafic transfrontalier de déchets.
En effet, l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) publiait en janvier 2022 son vingt-deuxième rapport, lequel faisait état d'une statistique alarmante. En 2021, 30 % de l'ensemble des flux de déchets en Europe seraient illicites, un trafic qui représenterait 10 milliards d'euros de manière annuelle à l'échelle européenne. Les revenus générés par l'exportation illégale de déchets sont tels que cette activité est en plein essor, attirant autant de véritables réseaux de la criminalité organisée qu'une « criminalité en col blanc », agissant pour faire des économies à l'échelle d'entreprises. Et pour cause, si les transports transfrontaliers de déchets sont régulés, notamment par la Convention de Bâle, le fait d'envoyer des détritus illégalement vers des pays tiers où le coût de retraitement des déchets est moins cher attire un nombre important d'entreprises désireuses de réaliser des économies. D'autant plus lorsque les transferts transfrontaliers de déchets non-valorisables sont réalisés sous l'étiquette « valorisable » ou ne sont même pas notifiés, permettant aux entreprises criminelles de ne pas s'acquitter de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Ainsi en 2023 et en 2024, respectivement 95 348 et 62 141 tonnes de déchets ont été interceptées par les douanes françaises ! Les exemples à ce sujet sont nombreux. Les scandales Ecorecept et Greenrecup ont notamment illustré l'importance des flux illégaux de déchets vers l'Espagne, pays où le traitement de 20 tonnes de détritus permettrait de réaliser en moyenne 3 000 euros de bénéfice par rapport au traitement des mêmes déchets en France, et plus encore lorsque les déchets sont enfouis sans être traités. La ville de Rédange, en Moselle, a été victime d'un vaste trafic de déchets illégaux transportés depuis la Belgique avant d'être enfouis sur son sol entre 2019 et 2021. De nombreuses enquêtes font également état de dépôts illégaux d'ordures depuis la Suisse vers la France.
De tout évidence, le trafic illégal de déchets doit être régulé le plus rapidement possible, tant il constitue un danger pour l'environnement. Lutter efficacement contre ce fléau permettrait également de diminuer le manque à gagner pour l'État français que constitue le non-acquittement de la TGAP. Ainsi, il lui demande comment le Gouvernement entend renforcer son dispositif de lutte contre le trafic transfrontalier de déchets.
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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics
Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics publiée le 19/06/2025
Le Gouvernement entend renforcer son dispositif de lutte contre le trafic transfrontalier de déchets. Ainsi, dans le cadre des politiques prioritaires du Gouvernement (PPG), renforcer la lutte contre les atteintes à l'environnement a été fixé comme l'un des 150 chantiers prioritaires, c'est-à-dire comme un des leviers ou un des défis justifiant un suivi particulier pour atteindre les objectifs fixés, à savoir : - le renforcement des contrôles se traduisant par une augmentation des inspections aux points de passage frontaliers, une utilisation de technologies avancées comme la surveillance par drones, et l'utilisation de scanners et de bases de données partagées pour détecter les cargaisons suspectes ; - la coordination inter-agences avec la mise en place de cellules de coordination entre la douane, la police, la gendarmerie, les agences environnementales et judiciaires, pour un échange rapide d'informations et une action concertée, à travers le comité opérationnel de lutte contre la délinquance environnementale (COLDEN) ; - la coopération internationale avec les pays voisins et les organisations internationales ou européennes (Interpol, Europol, OLAF) pour échanger des renseignements, harmoniser les législations et organiser des opérations conjointes contre les réseaux criminels ; - le renforcement de la législation et des sanctions consistant en un durcissement des peines encourues en cas de trafic illégal, incluant la possibilité de saisie des avoirs criminels ; - la sensibilisation et la formation par des campagnes d'information destinées aux entreprises, transporteurs, et au grand public pour mieux identifier les déchets dangereux et les obligations réglementaires, ainsi que des formations spécialisées pour les agents en charge du contrôle ; - l'amélioration de la traçabilité par le développement de systèmes numériques pour suivre les déchets depuis leur production jusqu'à leur élimination ou valorisation, afin de détecter rapidement toute anomalie ou déviation. L'administration des douanes est l'un des acteurs du plan d'inspection national des transferts transfrontaliers de déchets, pilotés par le ministère de la transition écologique. De ce fait, elle collabore étroitement avec le Pôle national des transferts transfrontaliers de déchets (PNTTD), autorité compétente pour l'application de la réglementation. La lutte contre les transferts transfrontaliers illicites de déchets est exercée par la douane à deux niveaux. Ses services interviennent tout d'abord au moment des formalités de dédouanement (importation exportation) et à la circulation intracommunautaire, afin d'empêcher les trafics et les pollutions. Leur positionnement stratégique sur le territoire national, notamment dans les places portuaires, allié à l'analyse de risques et au ciblage, permet d'assurer une surveillance constante des flux de déchets. Dans le cadre de la mission de contrôle des transferts transfrontaliers de déchets, les agents des douanes répartis sur le territoire national au sein des bureaux et des brigades peuvent recourir à l'usage de moyens de détection. Enfin, des services spécialisés participent quotidiennement à la lutte contre les trafics transfrontaliers de déchets : l'office national anti-fraude (ONAF), qui dispose d'agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires, notamment en matière de grande criminalité environnementale, la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), qui dispose d'un département dédié à la protection du consommateur et de l'environnement ou encore le service d'analyse de risque et de ciblage (SARC), qui réalise des analyses de risque et oriente l'action des services douaniers, en définissant les critères de sélection des déclarations en douane. Ainsi, en 2024, la mobilisation des services douaniers a permis l'interception de 62 141 tonnes de déchets, soit le second plus haut niveau atteint lors des cinq dernières années.
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