Question de Mme PONCET MONGE Raymonde (Rhône - GEST) publiée le 10/04/2025

Mme Raymonde Poncet Monge interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les engagements de la France après sa ratification du Traité de non-prolifération. Son article VI fait obligation aux États dotés d'armes nucléaires (ÉDAN) de « poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace ».

Depuis l'entrée en vigueur du traité en 1970, ils ne se sont jamais réunis pour appliquer l'article VI, faillant aux obligations de leurs signatures.
Mais le 3 janvier 2022, le ministère a publié une déclaration conjointe des chefs d'État et de gouvernement de la Chine, des EUAN, de la France, du Royaume-Uni et de la Russie affirmant « de leur responsabilité première d'éviter une guerre entre États dotés d'armes nucléaires et de réduire les risques stratégiques ».

« Nous affirmons qu'une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée. Compte tenu des conséquences de grande ampleur qu'aurait l'emploi des armes nucléaires, nous affirmons également que celles-ci, tant qu'elles existent, doivent servir à des fins défensives, de dissuasion et de prévention de la guerre. Nous sommes fermement convaincus de la nécessité de prévenir la poursuite de la dissémination de ces armes. »

« Nous réaffirmons l'importance de traiter les menaces nucléaires et soulignons la nécessité de préserver et de respecter nos accords et engagements bilatéraux et multilatéraux en matière de non-prolifération, de désarmement et de maîtrise des armements. Nous demeurons déterminés à respecter nos obligations en vertu du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), notamment celle qui figure à l'article VI. »

Cependant, le 24 février 2022, la Russie attaquait l'Ukraine, piétinant à la fois la déclaration conjointe, la Charte des Nations-Unies et le Mémorandum de Budapest de 1994.
Ainsi, loin de se laisser intimider par notre arsenal nucléaire, V. Poutine a agressé l'Ukraine puis a évoqué ses propres armes nucléaires, d'abord pour menacer quiconque se porterait aux côtés du pays envahi, puis pour « sanctuariser » ses propres conquêtes. Désormais, il est clair que les armes nucléaires ne servent pas « à des fins défensives, de dissuasion et de prévention de la guerre ».

Ces armes « fondamentalement dangereuses, extraordinairement coûteuses, militairement inefficaces et moralement indéfendables » (général US Lee Butler) sont criminelles et suicidaires. C'est pourtant à elles que la France confie sa sécurité et maintenant celle de l'Europe. Le Président de la République envisage de délivrer un « ultime avertissement », soit d'utiliser en premier l'arme nucléaire, pour défendre un allié européen.

Dès lors, elle souhaiterait s'assurer que le ministère des affaires étrangères : considère la déclaration conjointe du 3 janvier 2022 toujours pertinente ; fait sien « qu'aucune guerre nucléaire ne peut être gagnée ni ne doit être menée » ; souhaite appliquer l'article VI du TNP et se prononce pour qu'à ce titre tous les États dotés d'armes nucléaires, Parties ou non au TNP, et ceux qui en hébergent sur leur sol, se réunissent rapidement pour négocier et planifier l'élimination totale et strictement contrôlée des armes nucléaires et radioactives ; elle souhaite enfin son avis sur la proposition de la Chine d'un engagement de non-emploi en premier (No First Use) d'une arme nucléaire, par les État qui en sont dotés ou en hébergent, tant qu'il en existera.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 04/09/2025

La France oeuvre en faveur de la pérennité et de l'universalisation du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Notre priorité est la défense et le renforcement du TNP, pierre angulaire du régime international de non-prolifération et de désarmement nucléaires. La France est engagée avec détermination en faveur de la poursuite du désarmement nucléaire. Le Président de la République l'a réaffirmé dans son discours à l'Ecole de Guerre le 7 février 2020. La France défend une approche progressive et pragmatique du désarmement nucléaire que sous-tend l'article VI du TNP, sur la base du principe de sécurité non diminuée pour tous. Seule une approche progressive et pragmatique est susceptible de permettre des progrès concrets qui renforcent la stabilité et la sécurité internationales. La France agit de manière concrète en faveur du désarmement : elle a pris des mesures unilatérales sans précédent et sans équivalent dans les autres Etats dotés de l'arme nucléaire, pour certaines irréversibles ; elle a formulé des propositions ambitieuses pour la poursuite résolue du désarmement, et notamment du désarmement nucléaire, au niveau international. Le bilan de la France en matière de désarmement nucléaire est exemplaire : ratification du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) en 1996, démantèlement irréversible de ses sites d'essais nucléaires, réduction de son arsenal total de moitié en près de dix ans, et ce au niveau le plus bas compatible avec le contexte stratégique, réduction d'un tiers de sa composante aéroportée et sa composante océanique, démantèlement de la composante sol-sol ; moratoire sur la production de matières fissiles pour les armes nucléaires en 1992 pour le plutonium et en 1996 pour l'uranium, démantèlement irréversible de ses sites de production de matière fissile pour les armes nucléaires, etc. Outre notre bilan national sans équivalent, nous nous sommes donnés pour la suite un agenda clair et ambitieux, progressif et réaliste avec notamment l'entrée en vigueur rapide du TICE, la négociation d'un Traité interdisant la production de matières fissiles pour les armes (FMCT) ou encore la poursuite des travaux sur la vérification du désarmement nucléaire et sur la réduction des risques stratégiques. Après le comité préparatoire du Traité (28 avril-9 mai), la France s'efforce de travailler avec ses partenaires au succès de la Conférence d'examen de 2026 et à la promotion d'une approche réaliste et progressive, du désarmement, la seule qui permettra d'avancer vers l'objectif ultime d'un monde sans armes nucléaires. S'agissant de la déclaration des chefs d'Etats et de gouvernement P5 du 3 janvier 2022 sur la prévention de la guerre nucléaire et des courses aux armements, la France continue de s'y conformer et exhorte la Russie à honorer les engagements qu'elle a pris. La Russie adopte en effet une rhétorique nucléaire irresponsable, aux fins d'intimidation de l'Ukraine et de ses partenaires. La France condamne cette posture et appelle la Russie à réaffirmer les engagements qu'elle a pris dans la déclaration du 3 janvier 2022. Il est toutefois erroné de considérer que la Russie ne prend pas en compte notre statut d'Etat doté dans son calcul stratégique. La dissuasion entre puissances nucléaires fonctionne, comme l'a d'ailleurs illustré ce conflit. Concernant la politique de non-emploi en premier, il convient de noter que la France n'en a pas, car elle estime que cette doctrine n'est pas crédible et produit des effets déstabilisateurs (déclaration politique non contraignante réversible en cas de tensions, incitation aux agressions sous le seuil nucléaire). La France dispose néanmoins d'une doctrine nucléaire dont la vocation est exclusivement défensive et qui est fondée sur le principe de stricte suffisance, un calcul du nombre minimal d'armes nucléaires requises dans un environnement stratégique donné permettant d'assurer notre capacité d'infliger des dommages inacceptables à un potentiel adversaire étatique qui sous-estimerait la détermination de la France à protéger ses intérêts vitaux, en toutes circonstances. En outre, la France offre des garanties de sécurité à plus d'une centaine d'Etats non dotés respectant leurs obligations de non-prolifération, par lesquelles elle s'engage à ne pas employer, ni à menacer d'emploi d'armes nucléaires à leur encontre.

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