Question de Mme JOSENDE Lauriane (Pyrénées-Orientales - Les Républicains) publiée le 03/04/2025
Mme Lauriane Josende attire l'attention de Mme la ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics sur la situation préoccupante de double imposition qui vise plusieurs agents de l'Hôpital de Cerdagne. Créé en septembre 2014 par un accord entre la France et l'Espagne avec un statut d'établissement médical transfrontalier, unique en dans l'Union européenne, l'Hôpital de Cerdagne se compose d'un personnel pour moitié français et pour moitié espagnol. Depuis l'automne 2023, 32 salariés de nationalité espagnole mais résidant en France se voient réclamer, par l'administration fiscale espagnole, le paiement rétroactif de l'impôt sur le revenu des non-résidents à hauteur de 19 % de leur rémunération, alors même qu'ils s'acquittent déjà de l'impôt sur le revenu en France par le prélèvement à la source. Cette situation entraîne pour eux une double imposition manifeste, contraire à l'esprit de l'accord bilatéral entre nos deux pays. Début mars 2025, leurs démarches en réclamation menées par leurs avocats ont été rejetées par les autorités espagnoles, qui demandent désormais des intérêts de retard en plus de leurs exigences initiales. L'ensemble de l'administration française, saisie depuis plus d'un an, est informée de cette situation et une procédure amiable a ainsi été initiée. Un moratoire avait été annoncé, et une rencontre était prévue fin 2024 entre les services de Bercy et les autorités fiscales espagnoles. Or, au 10 mars 2025, ces travailleurs ont reçu de nouvelles relances du fisc espagnol, les plongeant dans un climat d'incertitude et de grande anxiété financière. Le risque est désormais que ce contentieux s'élargisse à d'autres salariés de l'établissement dans des situations similaires. Aussi, elle lui demande de faire un point sur l'état d'avancement concret de la procédure engagée auprès des autorités espagnoles, et de préciser les actions que le Gouvernement entend mener très prochainement pour garantir une issue rapide et juste pour ces salariés, qui sont des contribuables à part entière de notre Pays.
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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics publiée le 09/04/2025
Réponse apportée en séance publique le 08/04/2025
M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende, auteure de la question n° 439, adressée à Mme la ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics.
Mme Lauriane Josende. Madame la ministre, depuis 2023, trente-deux salariés de l'hôpital transfrontalier de Cerdagne, résidant en France et de nationalité espagnole, subissent une situation aussi absurde qu'injuste. Ils sont imposés deux fois : par la France, où ils vivent, et par l'Espagne. Au motif que l'hôpital, bien que transfrontalier, se situe de son côté de la frontière, l'Espagne leur réclame l'impôt sur le revenu dû par les non-résidents, à hauteur de 19 % de leur salaire, de surcroît de manière rétroactive, depuis 2020. Cette double imposition est une violation manifeste de l'accord qui lie nos deux pays.
Malgré des mois de démarches et de promesses de traitement du dossier par les autorités françaises, rien n'a changé depuis désormais deux ans. Pis, la situation s'aggrave. Ces salariés reçoivent relance sur relance du fisc espagnol, la dernière datant du 10 mars dernier. Des intérêts de retard leur sont même désormais réclamés !
L'administration française est pourtant informée depuis longtemps de cette situation. Une procédure amiable a été ouverte, un moratoire annoncé et une réunion avec les autorités fiscales espagnoles prévue à la fin de l'année 2024. Concrètement, ces initiatives n'ont débouché sur aucune avancée réelle, sur aucune solution, pas même sur une protection temporaire.
À présent, l'administration espagnole va encore plus loin : elle vient d'écrire, fin mars, à la direction de l'hôpital, laissant entendre que l'établissement pourrait être tenu pour responsable du paiement de l'impôt de ses salariés.
Madame la ministre, cet hôpital transfrontalier est unique en son genre dans l'Union. À l'heure où nous parlons d'intégration et d'Europe de la défense, des travailleurs volontaires qui jouent le jeu de l'intégration européenne se retrouvent à devoir payer deux fois l'impôt sur leur salaire, ce qui les met en grande difficulté. Ce n'est pas l'idée que nous nous faisons d'une union européenne !
Où en est précisément la procédure amiable avec l'Union européenne ? Pourquoi les relances continuent-elles malgré le moratoire annoncé ? Surtout, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre dans les jours, et non dans les mois, qui viennent pour mettre fin à cette situation inacceptable ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Madame la sénatrice, vous attirez mon attention sur la situation effective de double imposition que subissent des travailleurs transfrontaliers de l'hôpital de Cerdagne à la suite d'opérations de contrôle fiscal menées par les autorités espagnoles.
Il y a un an, la direction générale des finances publiques a été informée que les services fiscaux espagnols avaient émis des avis de redressement à l'encontre de plusieurs membres du personnel hospitalier ayant une résidence fiscale en France et un domicile situé à moins de vingt kilomètres de la frontière.
L'administration fiscale leur réclame le paiement de l'impôt sur le revenu des personnes physiques en Espagne et considère qu'ils ne peuvent pas bénéficier du régime fiscal des travailleurs transfrontaliers, situation qui conférerait le droit d'imposition à la France.
L'Espagne s'appuie sur l'article 19 de la convention fiscale franco-espagnole, qui stipule que « les rémunérations [...] payées par un État contractant ou l'une de ses collectivités territoriales, ou par l'une de leurs personnes morales de droit public [...] ne sont imposables que dans cet État ».
Néanmoins, mes services, la direction de l'hôpital et les salariés sont dans leur bon droit de considérer que cet article ne s'applique pas à une personne morale partagée par les deux États, telle que l'hôpital de Cerdagne, qui est, comme vous l'avez dit, un groupement européen de coopération territoriale.
Saisi de la situation par les intéressés et en lien avec la direction de l'hôpital, le service chargé de la résolution des différends internationaux de la DGFiP, qui se trouve sous mon autorité, a pris attache avec son homologue espagnol afin de trouver au plus vite une solution à cette situation que je qualifierai d'inacceptable.
Il est important que nous prenions en compte les discussions qui ont déjà eu lieu entre les administrations fiscales française et espagnole lors de très nombreuses réunions bilatérales et au travers de l'échange d'un certain nombre de notes et de positions techniques en application de la convention de 1995.
Néanmoins, à ce jour, il subsiste toujours une divergence profonde dans l'analyse du régime applicable. La situation de blocage ayant été constatée sur le plan administratif, il a été décidé que cette question serait portée au plus haut niveau. Notre ambassadrice à Madrid écrira prochainement à la ministre des finances espagnole pour insister sur la nécessité de trouver une solution rapidement et de conclure un accord afin de mettre un terme à cette situation insupportable de double imposition.
Si cette démarche n'aboutit pas, je prends ici l'engagement devant vous, madame la sénatrice, de m'impliquer personnellement auprès de mon homologue espagnol afin de régler ce problème absurde.
M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende, pour la réplique.
Mme Lauriane Josende. Madame la ministre, je vous remercie de vous engager personnellement. La situation est ubuesque. Elle justifie que nous réfléchissions à un statut de salarié pour ce GECT spécifique.
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