Question de Mme NOËL Sylviane (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 10/04/2025

Mme Sylviane Noël attire l'attention de M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins sur les conséquences de la situation frontalière sur l'offre de soins infirmiers en Haute-Savoie et les moyens envisagés pour y remédier.

La situation des infirmiers libéraux en Haute-Savoie est alarmante. Alors que le département forme 309 étudiants en soins infirmiers par an, seuls 250 obtiennent leur diplôme, et encore moins s'installent en exercice libéral.

Résultat : la densité d'infirmiers libéraux chute dramatiquement, atteignant 79,6 pour 100 000 habitants, plaçant la Haute-Savoie en 89e position sur 101 départements français.

Pire encore, sur le pourtour frontalier, les chiffres sont accablants : 27 à 56 infirmiers pour 100 000 habitants à Annemasse, Gaillard, Ville-la-Grand ou Cruseilles. Ces villes deviennent de véritables déserts médicaux, où les patients se voient refuser des soins faute de professionnels disponibles.

Cette situation s'explique par l'attractivité du marché suisse, mais aussi par la dégradation des conditions d'exercice : pénurie de locaux, explosion des charges, difficultés à trouver des remplaçants et, depuis la réforme de 2022, une baisse des indemnités kilométriques qui a amputé jusqu'à 20 % du chiffre d'affaires des infirmiers libéraux en zone montagneuse.

Faute d'action concrète et immédiate, les patients les plus vulnérables, notamment les personnes âgées et dépendantes, seront très prochainement privés de soins à domicile.

Aussi, compte tenu des spécificités géographiques et économiques de la Haute-Savoie, elle souhaiterait savoir si le Gouvernement envisage de mettre en place une majoration de 30 % des rémunérations des infirmiers libéraux en zone frontalière, sur le modèle des grilles indiciaires des outre-mer. Par ailleurs, elle lui demande s'il compte donner des consignes aux organismes de sécurité sociale pour rétablir un régime d'indemnités kilométriques plus juste, prenant en compte les contraintes du terrain, pour éviter l'abandon de ces professionnels indispensables.

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Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins publiée le 30/04/2025

Réponse apportée en séance publique le 29/04/2025

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 457, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.

Mme Sylviane Noël. Monsieur le ministre, le ratio d'infirmiers libéraux en Haute-Savoie est très préoccupant : il est de 79,6 pour 100 000 habitants, ce qui place le département en 89e position sur 101 départements français. Cette densité est encore plus faible lors des saisons touristiques d'hiver et d'été, durant lesquelles la population peut presque doubler. À titre de comparaison, la densité moyenne s'élève en France à 143,7 infirmiers pour 100 000 habitants, soit près du double.

Pire encore, sur le pourtour frontalier, les chiffres sont accablants : 27 à 56 infirmiers pour 100 000 habitants à Annemasse, à Gaillard, à Ville-la-Grand ou à Cruseilles. Ces villes deviennent de véritables déserts médicaux, où les patients se voient refuser des soins faute de professionnels disponibles.

Cette situation s'explique, certes, par l'attractivité du marché suisse, mais aussi par la dégradation des conditions d'exercice côté français : pénurie de locaux, explosion des charges, difficulté à trouver des remplaçants et fait important baisse depuis 2022 des indemnités kilométriques. Celle-ci a amputé jusqu'à 20 % du chiffre d'affaires des infirmiers libéraux exerçant en zone de montagne.

Faute d'action concrète et immédiate, les patients les plus vulnérables, notamment les personnes âgées et dépendantes, seront très prochainement privés de soins à domicile. Comment le Gouvernement compte-t-il revaloriser la profession et mettre fin à ce déclin ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Noël, je connais bien cette situation, que vous avez parfaitement décrite. Ayant été pendant six ans vice-président de la région, chargé des formations sanitaires et sociales, je n'ai eu de cesse de discuter avec mes homologues des cantons de Vaud et de Genève pour régler ce problème. La région Auvergne-Rhône-Alpes forme des infirmiers et des professionnels paramédicaux, puis ceux-ci partent exercer en Suisse du fait de conditions financières bien meilleures.

Le sujet est important : la Haute-Savoie compte 81 infirmiers libéraux pour 100 000 habitants, ce qui pose de gros problèmes. À Saint-Julien-en-Genevois, le chiffre tombe à 49 pour 100 000 habitants et même à 12 à Bons-en-Chablais.

Grâce à l'avenant 10 à la convention nationale des infirmiers libéraux, l'État a revalorisé de 10 % l'indemnité forfaitaire de déplacement en janvier 2024. Une adaptation territoriale est nécessaire. D'ailleurs, vous avez vous-même proposé, comme pour l'outre-mer, un coefficient géographique.

Toutes ces pistes sont à travailler, mais il faut aussi qu'une discussion très claire s'engage sur la globalité des relations entre la Haute-Savoie et la Suisse, notamment Genève emploi, pouvoir d'achat, transport, formations paramédicales. Ce département ne saurait être seulement le lieu de formation des infirmiers qui exerceront en Suisse !

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.

Mme Sylviane Noël. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, même si elle ne me satisfait pas pleinement. Vous avez évoqué la distorsion de concurrence que nous subissons, mais elle n'est pas la seule cause du manque d'infirmiers libéraux.

Cette profession est véritablement abandonnée depuis plusieurs années par les pouvoirs publics : le tarif des soins n'a pas été revalorisé depuis 2007, soit dix-huit ans ! De plus, les infirmiers sont soumis à un système de tarification complètement ahurissant : le premier des soins réalisés chez un patient est payé à 100 %, le deuxième à 50 % et le troisième est gratuit...

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Sylviane Noël. Quelle autre profession accepterait de travailler ainsi ? Il y a vraiment urgence à réformer !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre. Le 5 mai prochain, le Sénat examinera la proposition de loi sur la profession d'infirmier. Comme je l'ai fait à l'Assemblée nationale, je prends ici l'engagement d'ouvrir des négociations conventionnelles pour revaloriser ce métier. J'en ai déjà fait part aux principaux syndicats infirmiers, car je partage vos conclusions, madame la sénatrice.

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