Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE-K) publiée le 24/04/2025
M. Fabien Gay interroge M. le ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports sur l'ouverture à la concurrence du réseau de bus, jusqu'ici exploité par la régie autonome des transports parisiens (RATP).
À l'origine de cette privatisation des transports publics en Île-de-France, une directive européenne qui impose progressivement la mise en concurrence des services de transports publics dans tous les États membres de l'Union européenne. La loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports (dite loi ORTF), encadre cette ouverture à la concurrence pour les réseaux franciliens.
Le réseau bus est le premier concerné par ce calendrier d'ouverture à la concurrence et touchera à terme l'ensemble du réseau, toutes les lignes du Transilien, du RER et du métro de Paris, soit un processus qui s'étale sur 20 ans.
Dès 2021, le réseau de bus de la grande couronne (Seine-et-Marne, Yvelines, Essonne et Val-d'Oise) a été attribué à des compagnies privées. Cette décision avait engendré un grand mouvement social durant plusieurs mois. 4 ans après, aucun bilan n'a été effectué mais aucune démonstration n'a été faite d'une amélioration du service rendu pour les usagers ou pour l''amélioration des conditions de travail. De plus, il semblerait que les pertes cumulées par les nouveaux opérateurs soient très importantes.
C'est dans ce contexte que le jeudi 10 avril 2025, le conseil d'administration d'Ile-de-France Mobilités (IDF Mobilités) vient de décider du sort de 37 lignes de Paris et de la petite couronne.
Pour rappel, l'ensemble des douze lots à attribuer représente au total, 315 lignes, soit près de 4 800 bus pour plus d'un milliard de voyages (2018) et concernent près de 19.000 travailleurs.
Transdev, opérateur privé, vient de remporter un marché estimé à 100 millions d'euros annuels et gérera dès mai 2026 deux dépôts de bus et 19 lignes de bus de Paris et Seine-Saint-Denis. Près de 2000 agents vont être transférés.
18 autres lignes (dont 5 Noctiliens) au sud des Hauts-de-Seine (Issy-les-Moulineaux, Clamart, Malakoff, Meudon) ont été attribuées à un opérateur italien (ATM), basé à Milan et qui, pour l'heure, ne dispose que « d'un bureau de liaison » à Paris.
Ces attributions posent question en termes de souveraineté puisque Transdev vient d'être racheté par industriel allemand Rethmann et que ATM est un groupe italien.
Les critères de décision semblent avoir privilégié le moins disant social en termes d'effectifs et de salaires. Sous prétexte d'amélioration du service rendu, il s'agit d'un dumping social qui va s'opérer et qui risque de peser à la fois sur les salariés et sur les usagers.
Le Président directeur général de la RATP a lui-même émis des doutes sur cette ouverture à la concurrence. Lors de son audition devant les parlementaires en octobre 2024 pour sa reconduction à la tête de l'entreprise, il avait appelé à la création d'un « observatoire indépendant sur les conditions de mise en oeuvre de l'ouverture à la concurrence ».
Aussi, il lui demande s'il entend intervenir afin de permettre au réseau historique RATP de garder son périmètre en lui accordant les moyens financiers et humains lui permettant d'assurer ses missions pour l'exploitation du réseau des transports franciliens, sa maintenance, la qualité de service et l'information et la sécurité des voyageurs.
Il lui semble essentiel de mettre un terme à la vente à la découpe de la RATP et au contraire de réaffirmer son statut public. Les transports publics ne doivent pas basculer dans la sphère privée, soumis aux appétits financiers et de rentabilité, dans une volonté de réduire les coûts.
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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé de la ruralité publiée le 21/05/2025
Réponse apportée en séance publique le 20/05/2025
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, auteur de la question n° 488, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, depuis le début du processus de privatisation de la RATP, il a été constaté, sans surprise, une dégradation de la qualité du service et des conditions de travail des agents et agentes.
Plutôt que de tirer les enseignements de cette première vague de privatisation délétère, le conseil d'administration d'Île-de-France Mobilités avance coûte que coûte. Il a voté le 10 avril dernier une nouvelle vague qui concernera trente-sept lignes de bus au profit de Transdev et d'ATM, dans un processus concernant au total 350 lignes.
À Paris et dans mon département, territoire où la question des services publics est cruciale, Transdev vient de remporter le marché et gérera dès mai 2026 deux dépôts de bus et dix-neuf lignes.
Alors que Jean Castex s'était déclaré favorable lors d'une audition au Sénat à la création d'un observatoire visant à rétablir une base de données sur les impacts de ce processus de privatisation, ce voeu est resté lettre morte. Le projet continue sans évaluation sérieuse et sans égard pour les 70 000 personnes qui ont déjà signifié leur opposition à cette privatisation en signant la pétition « Stop galère ». Ce projet coûtera, au bas mot, près de 5 milliards d'euros aux usagers et usagères.
Il n'existe pourtant aucune obligation d'effectuer cette privatisation, qui se fait sur le moins-disant social. Cette logique imposée par la force par le conseil d'administration d'Île-de-France Mobilités, qui reste sourd aux revendications des élus locaux, des salariés et des usagers, n'a qu'un but : brader nos services publics d'intérêt général.
Le pire reste donc à venir et nous ne pouvons nous y résoudre.
Madame la ministre, je vous poserai trois questions. Quel travail d'évaluation a été réalisé pour tirer les conséquences de la première vague de privatisation entamée en 2021 ? Que comptez-vous faire pour imposer la prise en compte des revendications des élus, des salariés et de la société civile qui s'opposent à la dégradation des conditions de travail et de l'offre de transport public ? Enfin, comptez-vous mettre un terme à la vente à la découpe de la RATP et réaffirmer son statut public ?
En bref, que comptez-vous faire pour imposer la suspension ou la cessation de cette privatisation, qui risque surtout d'affecter les villes et les quartiers les plus populaires, c'est-à-dire ceux où le service public tend à garantir une accessibilité et une égalité territoriale en matière de desserte ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur Fabien Gay, permettez-moi tout d'abord de vous présenter les excuses de M. le ministre Tabarot, retenu par la conférence Ambition France Transports.
Je rappelle, en premier lieu, que l'ouverture à la concurrence des transports collectifs franciliens découle des engagements européens de la France, auxquels nous ne saurions nous soustraire.
Je souligne également que des opérateurs privés de transport exploitent déjà depuis de nombreuses années des réseaux de transport collectif dans de grandes métropoles françaises. L'ouverture à la concurrence a permis aux opérateurs de transport français d'exporter leurs savoir-faire à l'international sur de nombreux nouveaux marchés, ce qui implique un principe de réciprocité.
En Île-de-France, l'organisation des transports urbains relève de la compétence de l'autorité organisatrice Île-de-France Mobilités et non de l'État. Île-de-France Mobilités s'est appuyée sur la première vague d'ouverture à la concurrence en grande couronne - réseau Optile -, notamment dans sa dimension sociale, pour préparer celle du réseau historique des bus parisiens - Paris et petite couronne. Il y a donc eu une sorte d'expérimentation.
Les décisions d'attribution des lots mis en concurrence par Île-de-France Mobilités sont prises sur la base de critères techniques, économiques et sociaux objectifs et ambitieux afin, notamment, de garantir la qualité de service pour les usagers.
L'État a également pris des engagements forts pour garantir un cadre social de haut niveau aux salariés de la RATP transférés aux nouveaux attributaires : la loi garantit notamment le maintien de la rémunération nette, la garantie d'emploi et le régime spécial de retraite de la RATP.
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