Question de M. RAMBAUD Didier (Isère - RDPI) publiée le 24/04/2025
M. Didier Rambaud attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur les dysfonctionnements du dispositif « responsabilité élargie du producteur » dit REP bâtiment.
Depuis mai 2023, le secteur du bâtiment est pleinement soumis à la responsabilité élargie du producteur introduite par la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Ce dispositif avait pour ambition d'améliorer le recyclage des déchets de chantier, notamment en garantissant une reprise gratuite et simple des matériaux, en contrepartie d'une éco-contribution. Elle impose ainsi aux producteurs de matériaux de construction (fabricants, distributeurs, importateurs) de financer la collecte et le recyclage des déchets de chantier, afin de lutter contre les dépôts sauvages et améliorer la gestion des déchets dans un secteur très générateur de déchets (environ 46 millions de tonnes par an).
Mais deux ans après sa mise en oeuvre, le constat est sévère : la promesse d'un système vertueux est loin d'être tenue. La performance de collecte des déchets de catégorie 1 est équivalente à celle observée avant la REP, et seuls 7 % des déchets de catégorie 2 (bois, métal, plâtre) ont pu être repris. L'essentiel des volumes n'est pas concerné par les points de collecte existants, et les dispositifs de reprise sur chantier ou en entreprise sont embryonnaires.
Pire : les entreprises paient aujourd'hui des contributions élevées à des éco-organismes privés, sans réelle contrepartie de service. Ces structures, qui échappent à tout contrôle effectif, augmentent leurs tarifs sans préavis ni transparence, rendant toute anticipation impossible pour les artisans et les entreprises du secteur.
Face à cette situation, la fédération du bâtiment et des travaux publics (BTP) de l'Isère, comme d'autres en France, exprime une exaspération croissante. Elle appelle à une véritable remise à plat du dispositif, dans la transparence, avec une gouvernance rééquilibrée, associant les acteurs de terrain.
Le ministère a annoncé en mars 2025 un moratoire et une « refondation » de la REP bâtiment. Mais à ce stade, les professionnels redoutent une réforme purement cosmétique, tandis que les rares avancées en cours sont déjà gelées.
Aussi, il lui demande quelle réforme d'ampleur envisage réellement le Gouvernement pour rétablir la confiance dans ce dispositif, garantir la transparence sur l'usage des éco-contributions, et surtout permettre enfin une reprise efficace et opérationnelle des déchets de chantier, comme le législateur l'avait prévu.
- page 1983
Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'intelligence artificielle et du numérique publiée le 11/06/2025
Réponse apportée en séance publique le 10/06/2025
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, en remplacement de M. Didier Rambaud, auteur de la question n° 492, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je pose cette question au nom de mon collègue Didier Rambaud, empêché ce matin.
Il souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur les dysfonctionnements du dispositif de la responsabilité élargie du producteur (REP) dans le secteur du bâtiment.
Depuis mai 2023, ce secteur est pleinement assujetti à cette fameuse « REP », en vertu des dispositions de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite loi Agec. L'objectif de ce dispositif est vertueux : il s'agit d'améliorer le recyclage des déchets de chantier en assurant notamment une reprise gratuite et simple des matériaux, en contrepartie d'une écocontribution.
La REP impose aux producteurs de matériaux - fabricants, distributeurs et importateurs - de financer la collecte et le recyclage de ces déchets, dans un secteur qui en génère près de 46 millions de tonnes par an.
Toutefois, madame la ministre, force est de constater aujourd'hui que le système vertueux qui avait été promis ne correspond pas à la réalité du terrain : d'une part, les performances de collecte pour les déchets de catégorie 1 sont identiques à celles qui prévalaient avant la mise en place de la REP ; d'autre part, seuls 7 % des déchets de catégorie 2, qui incluent le bois, le métal et le plâtre, sont effectivement repris.
Par ailleurs, la majorité des volumes ne sont couverts ni par les points de collecte existants ni par les dispositifs de reprise sur chantier.
Plus inquiétant encore, les entreprises qui versent des contributions élevées à des éco-organismes privés estiment ne bénéficier d'aucune réelle contrepartie en termes de service rendu. Or ces structures augmentent leurs tarifs sans préavis ni transparence, ce qui rend toute anticipation impossible pour les artisans et les entreprises.
Dans ce contexte, la fédération du bâtiment et des travaux publics (BTP) de l'Isère appelle à une correction en profondeur du dispositif, fondée sur la transparence et sur une gouvernance équilibrée associant les acteurs de terrain.
Malgré un moratoire, malgré plusieurs annonces relatives à la refondation de la REP et en dépit de l'adoption par le Sénat, le 15 mai dernier, d'une proposition de loi introduisant un critère d'écomodulation pour les produits et matériaux biosourcés renouvelables, les professionnels craignent une réforme purement cosmétique.
Madame la ministre, quelle réforme le Gouvernement pourrait-il envisager pour rétablir la confiance dans ce dispositif, garantir la transparence de l'usage des écocontributions et permettre enfin une reprise effective et opérationnelle des déchets de chantier ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, vous nous alertez sur les difficultés rencontrées par les acteurs de la filière REP des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment.
Cette filière a été créée par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire en vue de répondre à un triple objectif : lutter contre les dépôts sauvages en créant un réseau de points de collecte ; développer le recyclage ; développer l'écoconception des matériaux de construction pour en faciliter le réemploi ou le recyclage.
Cette filière était très attendue, notamment par les collectivités territoriales, qui supportent un coût non négligeable pour la gestion des déchets - les dépôts sauvages, à eux seuls, représentent une charge d'environ 400 millions d'euros par an.
Le déploiement de la filière repose sur la gratuité de la reprise des déchets lorsqu'ils sont triés et sur le développement d'un maillage resserré de points de collecte. Pour assurer cette gratuité, les éco-organismes soutiennent financièrement les opérateurs qui collectent les déchets afin de couvrir les coûts de ces opérations. Toute personne qui en fait la demande peut bénéficier de ce soutien, sans discrimination, dès lors qu'elle accepte de souscrire aux contrats types élaborés par les éco-organismes.
Toutefois, en dépit de cette ambition, la mise en oeuvre de la filière à responsabilité élargie du bâtiment s'est heurtée à des difficultés qui ont dégradé la maîtrise des coûts et ralenti le déploiement des points de collecte.
Le 20 mars dernier, ma collègue Agnès Pannier-Runacher a donc annoncé un moratoire sur les mesures qui devaient entrer en vigueur en 2025, que vous avez rappelées. Elle a également lancé une consultation de l'ensemble des acteurs de la filière.
Le périmètre exact du moratoire et les orientations de la refonte du cahier des charges seront précisés à la fin du mois de juin. L'objectif est de mettre en place un nouveau cahier des charges avant la fin de l'année.
- page 6266
Page mise à jour le