Question de M. DARNAUD Mathieu (Ardèche - Les Républicains) publiée le 01/05/2025
Question posée en séance publique le 30/04/2025
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le Premier ministre, vous avez ouvert, lundi dernier, une série de concertations sur l'introduction du scrutin proportionnel. Si nous saluons toujours la concertation, pourquoi cet empressement ? Pourquoi vouloir de ce poison électoral, dans une période où les tensions géopolitiques exacerbent les difficultés et où les Français s'inquiètent pour leur avenir ?
On peut reconnaître votre constance sur le sujet, mais force est de constater que, sous la Ve République, et bien avant, la proportionnelle n'a engendré que de l'instabilité gouvernementale et un régime des partis politiques. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
Et puis, de quelle proportionnelle parlez-vous ? S'agit-il d'une proportionnelle intégrale ou d'une proportionnelle départementale ? Selon le mode de scrutin retenu, on peut s'inquiéter pour la représentation des Français qui vivent dans la ruralité ou en outre-mer.
Le vrai sujet n'est-il pas de se concentrer sur l'essentiel, à savoir préparer un budget sans hausses d'impôts, s'attacher à défendre le pouvoir d'achat des Français, donner plus de liberté à nos entreprises et assurer la sécurité pour tous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 01/05/2025
Réponse apportée en séance publique le 30/04/2025
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le président Darnaud, vous savez que la réponse que je m'apprête à vous livrer est amicale. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Un sénateur du groupe Les Républicains. Ça commence bien !
M. Yannick Jadot. C'est sûrement parce que vous faites partie de la même majorité !
M. François Bayrou, Premier ministre. Je viens d'entendre votre charge contre le scrutin proportionnel : vous affirmez qu'il est un poison pour la démocratie et la cause de toute instabilité. Ai-je besoin de rappeler que le scrutin proportionnel est celui par lequel sont élus 75 % des sénateurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes SER et UC.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Pas par le même corps électoral !
M. François Bayrou, Premier ministre. Pour ma part, je n'ai pas le sentiment que ce mode d'élection ait été un poison destructeur de la société démocratique ou qu'il ait suscité de l'instabilité. Il suffit de regarder les travées de cet hémicycle pour mesurer, au contraire, qu'il est un facteur de stabilité.
Mme Cécile Cukierman. Rien à voir !
M. François Bayrou, Premier ministre. Bien sûr que si, madame ! C'est une règle absolument démocratique. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)
Je veux rappeler que tous les pays de l'Union européenne, sans exception, ont adopté ce mode de scrutin. (Applaudissements sur des travées du groupe GEST.)
Je vais vous dire pourquoi j'ai décidé d'ouvrir des concertations très larges sur ce sujet. Premièrement, au-delà de la constance que vous avez bien voulu me reconnaître - en effet, au cours de ma vie politique, j'ai passé beaucoup de temps à militer pour changer les règles concernant le mode d'élection -, je pense que la proportionnelle est le scrutin du pluralisme.
Vu la société dans laquelle nous vivons - le président du Sénat a rappelé à quel point elle était fragmentée, éclatée, opposée, archipélisée -, Dieu sait que nous avons besoin d'apaiser la réalité du pluralisme.
Deuxièmement, le scrutin majoritaire obéit à une règle simple : on est soit pour, soit contre. Or les problèmes que nous avons à régler exigent des prises de conscience plus élaborées et concertées, plutôt que l'affrontement systématique.
Enfin, la proportionnelle est la garantie pour tous les grands courants politiques du pays, c'est-à-dire pour tous les citoyens, d'être représentés à mesure de leur engagement et de leur vote.
Je rappellerai à votre groupe que, au moment de la Libération, le général de Gaulle, alors à la tête des institutions du pays, a choisi la proportionnelle comme mode de scrutin. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Peut-être pourrions-nous réfléchir à tous ces facteurs ? (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour la réplique.
M. Mathieu Darnaud. Force est de constater que le scrutin proportionnel n'a pas été concluant puisque, en 1958, le même général de Gaulle est revenu sur ce choix ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - MM. Franck Menonville et Jean-François Longeot applaudissent également.)
Je vous rappelle de façon tout aussi amicale que, pour l'élection des sénateurs, la proportionnelle est un mode de scrutin départemental et que les plus petits départements ont un mode de scrutin majoritaire.
Puisque vous aimez les grands auteurs, permettez-moi de conclure en citant Alain : « La proportionnelle est un système éminemment raisonnable et évidemment juste ; seulement, partout où on l'a essayée, elle a produit des effets imprévus et tout à fait funestes, par la formation d'une poussière de partis, dont chacun est sans force pour gouverner, mais très puissant pour empêcher. C'est ainsi que la politique devient un jeu des politiques. » (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)
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