Question de Mme SILVANI Silvana (Meurthe-et-Moselle - CRCE-K) publiée le 01/05/2025

Question posée en séance publique le 30/04/2025

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Mme Silvana Silvani. Monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'automne dernier, ArcelorMittal annonçait la fermeture de ses sites de Reims et de Denain. En février, la direction française du groupe confirmait la délocalisation de 150 emplois support vers l'Inde. Les syndicats, lucides, y ont vu le signal d'une restructuration plus lourde, et ils avaient raison.

Aujourd'hui, c'est une véritable saignée industrielle qui s'engage : 636 emplois supprimés dans les cokeries et aciéries du groupe, à Dunkerque, à Mardyck, à Desvres, à Basse-Indre, à Mouzon, à Montataire et à Florange.

Pendant ce temps-là, ArcelorMittal engrange les profits : 36 milliards d'euros cumulés depuis 2019, près de 12 milliards d'euros consacrés à des rachats d'actions pour satisfaire ses actionnaires, et 298 millions d'euros d'aides publiques pour la seule année 2023.

Cette situation apparaît d'autant plus indécente que l'acier est au coeur de toutes les transitions : dans le secteur ferroviaire, les énergies renouvelables, la construction et les équipements industriels, partout où l'on veut produire, transformer ou bâtir, le métal est là.

Monsieur le ministre, à ces suppressions directes d'emplois s'ajoutent encore des victimes collatérales, comme les travailleurs de la centrale DK6 à Dunkerque. Au total, 15 000 salariés en France s'inquiètent pour leur avenir, comme de l'horizon de la taxation de l'acier carboné prévue en 2030.

Afin de garantir la pérennité des emplois et des savoir-faire, quelles mesures comptez-vous prendre pour contraindre ArcelorMittal à engager la décarbonation de ses sites, quitte à envisager une évolution législative permettant d'imposer au groupe le remboursement des aides publiques perçues ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie publiée le 01/05/2025

Réponse apportée en séance publique le 30/04/2025

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l'industrie et de l'énergie.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Madame la sénatrice Silvani, vous avez raison de rappeler que l'acier, que la sidérurgie est une industrie absolument essentielle à notre souveraineté, parce qu'elle intervient en amont de nombreuses autres filières industrielles.

À ce titre, maintenir une production d'acier sur notre sol, sur le sol français, représente une absolue nécessité. Je tiens à le dire et à le rappeler.

Je souhaite également exprimer mon soutien aux salariés concernés par cette restructuration, au nombre de plus de 600, qui vivent aujourd'hui dans l'angoisse. Je leur assure que les services de l'État se tiendront évidemment à leurs côtés pour accompagner cette évolution.

Nous devons agir afin d'assurer la pérennité de la production et de la fabrication d'acier sur notre territoire.

Comment atteindre cet objectif ? Il nous faut tout d'abord travailler collectivement avec l'ensemble des acteurs concernés. J'ai ainsi eu l'occasion d'échanger avec les élus directement touchés par les restructurations annoncées par ArcelorMittal sur les sept sites concernés ainsi qu'avec les directions française et européenne du groupe ArcelorMittal.

Pour répondre précisément à votre question, madame la sénatrice, il ressort clairement de ces échanges que, pour engager les investissements absolument nécessaires à la pérennité de nos emplois, nous devons mobiliser plusieurs leviers d'action.

Le premier est celui de la protection commerciale.

Le deuxième concerne les coûts de l'énergie, auxquels nous sommes extrêmement sensibles, notamment dans le cadre des négociations actuellement menées avec EDF.

Le troisième, enfin, porte sur les aides destinées à accompagner la décarbonation. Je souhaite le souligner, madame la sénatrice : aucune aide n'est versée, à ArcelorMittal ou à toute autre entreprise, sans contrepartie. (Vives protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Cécile Cukierman. Vous mentez devant les parlementaires !

M. Marc Ferracci, ministre. Les aides publiques ne sont versées qu'en échange de la réalisation effective d'investissements ou de dépenses précises. En l'absence de ces éléments, ces aides sont reprises par l'État.

C'est précisément pour cette raison que les 850 millions d'euros d'aides publiques mis sur la table par l'État dans le cadre des investissements d'ArcelorMittal à Dunkerque n'ont pas été versés à ce jour, ces investissements n'ayant pas été réalisés.

Je vous confirme donc notre intention d'agir simultanément sur l'ensemble de ces leviers. Notre ambition demeure la pérennisation de tous ces sites industriels, afin d'éviter toute fermeture en France.

Mme Cécile Cukierman. Vous n'avez pas répondu à la question !

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour la réplique.

Mme Silvana Silvani. Monsieur le ministre, l'Italie et le Royaume-Uni ont repris le contrôle de leurs aciéries, tandis que vous persistez à croire au mythe du marché autorégulateur.

Il ne s'agit nullement de nationaliser dans la débâcle pour revendre ensuite en période de prospérité, mais bien de faire de la propriété publique un véritable outil de planification, de transition et de souveraineté.

Prises de participation, fonds souverain, livret dédié à la réindustrialisation, baisse drastique des quotas européens d'importation d'acier asiatique : les outils existent ; ce qui manque, c'est la volonté de rompre avec cette impuissance organisée ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)

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