Question de M. RUELLE Jean-Luc (Français établis hors de France - Les Républicains-R) publiée le 08/05/2025

Question posée en séance publique le 07/05/2025

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Ruelle, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Luc Ruelle. Faut-il recevoir des terroristes à l'Élysée ? Pour le Président de la République, la réponse est manifestement oui. Emmanuel Macron reçoit en effet aujourd'hui Ahmed al-Charaa, nouvel homme fort de Damas. Cela nous renvoie à la tente bédouine de Kadhafi dans les jardins de l'hôtel Marigny en 2007.

M. Rachid Temal. Sous Sarkozy !

M. Jean-Luc Ruelle. Rappelons simplement les faits d'armes de celui qui s'est autoproclamé président à titre transitoire de la République arabe syrienne. Il est l'un des chefs militaires de l'État islamique d'Irak, futur Daech, fondateur du front Al-Nosra, qui a prêté allégeance à Al-Qaïda, et le commandant en chef du groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham, tombeur du régime de Bachar el-Assad.

Tel est le pedigree sulfureux d'une véritable star du djihadisme mondial, présent sur ses listes de sanctions pour terrorisme et pour qui Emmanuel Macron a dû demander exceptionnellement à l'ONU une exemption de quelques heures pour lui permettre de se déplacer à Paris.

Ahmed al-Charaa dit avoir remisé son turban de djihadiste. On ne peut que douter de ce soudain repentir : persécutions et massacres de minorités alaouites et druzes tolérés ou encouragés par ses milices ; nomination de proches à des postes de pouvoir, contrairement à la promesse d'ouverture de son gouvernement ; distribution de passeports syriens aux « anciens » djihadistes étrangers.

Ahmed al-Charaa n'a rien d'un modéré. Il incarne l'islamisme radical qui ensanglante notre pays. Le recevoir, c'est légitimer ce pouvoir violent ; c'est trahir les morts, les minorités et tous ceux qui espéraient un autre avenir pour le Levant.

Par ailleurs, je souhaiterais vous faire part d'un regret plus personnel. Samedi dernier s'est tenu à Libreville l'investiture de Brice Oligui, élu président pour deux années d'une transition réussie, marquant le rétablissement de l'ordre constitutionnel et le retour du Gabon dans le concert des nations.

Des liens avaient été noués ici même, au Sénat. Dès 2024, le président Larcher, précurseur dans la reprise du dialogue avec le Gabon, avait reçu la présidente du Sénat gabonais, Paulette Missambo. Le Président de la République était donc grandement attendu à Libreville. Il y a brillé par son absence.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Luc Ruelle. Je ne puis m'empêcher de remettre en perspective ce rendez-vous manqué et la réception ce jour d'Ahmed al-Charaa.


Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe publiée le 08/05/2025

Réponse apportée en séance publique le 07/05/2025

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'Europe.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Monsieur le sénateur Ruelle, vous m'interrogez sur deux sujets différents. Je vous répondrai donc de manière distincte.

Tout d'abord, j'ai eu l'honneur de représenter la France et le Président de la République à l'investiture du président Oligui ce week-end au Gabon. J'ai transmis personnellement les félicitations et un message d'amitié et de respect du Président de la République au président Oligui.

Vous l'avez rappelé, la transition est réussie, et les liens d'amitié entre nos deux pays sont forts. Nous souhaitons approfondir la coopération avec le Gabon. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Président de la République a adressé une invitation au président Oligui, qui se rendra en visite officielle à Paris dans les prochains mois.

Nous sommes donc clairement aux côtés du peuple gabonais dans cette transition réussie.

Ensuite, j'ai déjà évoqué la Syrie en réponse à la question du sénateur Hervé. Sur ce sujet, nous n'avons qu'une seule boussole : la défense de nos intérêts, en particulier la sécurité des Français.

À la suite de la visite du ministre de l'Europe et des affaires étrangères à Damas, nous avons obtenu de la part du gouvernement de transition syrien un certain nombre d'engagements, par exemple sur la lutte contre la dissémination des armes chimiques, ce qui a été partiellement fait. Le dialogue avec nos alliés kurdes dans la lutte contre le terrorisme a été engagé. Et la promesse d'intégrer les différents groupes ou communautés qui composent la Syrie au sein d'un gouvernement représentatif a été tenue.

À présent, il s'agit d'aller plus loin. Le dialogue est extrêmement exigeant. Nous le menons sans aucune naïveté, avec réalisme et lucidité, pour défendre nos intérêts.

Si M. Ahmed al-Charaa est reçu aujourd'hui à Paris, c'est d'abord pour s'assurer que les responsables des massacres qui ont été commis sur la côte occidentale de la Syrie  vous y avez fait référence  contre les communautés chrétiennes, alaouites ou druzes soient traduits devant la justice. C'est aussi pour continuer et approfondir notre coopération dans la lutte contre le terrorisme de Daech, qui est notre priorité depuis dix ans.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué. En effet, si la Syrie se fracturait et s'effondrait, un tapis rouge serait déroulé au retour de Daech.

M. le président. Il faut vraiment conclure !

M. Benjamin Haddad, ministre délégué. C'est notre seule boussole. Notre pays a une responsabilité dans ce dialogue.

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