Question de M. BASQUIN Alexandre (Nord - CRCE-K) publiée le 01/05/2025
M. Alexandre Basquin attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur le recours à l'intelligence artificielle dans le domaine cinématographique et plus précisément dans le doublage français.
Le doublage français, reconnu mondialement pour sa qualité, joue un rôle essentiel dans la diffusion de notre langue et de notre culture à travers le monde. L'émergence rapide de l'intelligence artificielle et l'absence d'encadrement juridique sur son recours suscitent des craintes légitimes auprès des acteurs concernés. Au-delà d'appauvrir la profondeur artistique et l'authenticité des oeuvres, l'utilisation non consentie de la voix des artistes soulève des questions éthiques majeures concernant le respect des droits des interprètes.
En 2022, le secteur du cinéma et de l'audiovisuel a contribué à hauteur de 11,2 milliards d'euros au produit intérieur brut français et emploie directement et indirectement 350 000 personnes, selon les données du centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Le recours à l'intelligence artificielle risque certes d'entraîner une dégradation de la qualité des oeuvres mais aussi la suppression de très nombreux emplois. Il est impératif d'agir dès maintenant pour préserver la qualité de notre cinéma mondialement reconnu et les emplois qui en dépendent.
Il lui demande ce qu'elle envisage de faire pour protéger les droits des artistes dans le domaine du doublage et du cinéma face à l'émergence de l'intelligence artificielle.
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Réponse du Ministère de la culture publiée le 29/05/2025
Les comédiens de doublage participent, au travers de leurs interprétations fines des oeuvres, à la richesse culturelle de la France ; le public français est d'ailleurs très attaché aux oeuvres en version doublée. Si l'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) n'est pas nouvelle dans le secteur audiovisuel et cinématographique, la période actuelle est celle d'une intensification très forte de son utilisation. Cette intensification, qui touche le secteur du doublage, soulève des préoccupations légitimes, tant en matière de protection des droits des artistes-interprètes que d'évolution des métiers et des emplois. Pour y répondre, un certain nombre de mesures et d'actions ont déjà été mises en oeuvre aux niveaux national et européen. En premier lieu, un travail d'objectivation des évolutions des usages a été mené par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Ce dernier a ainsi mis en place un observatoire de l'IA conduisant à la publication, en juin dernier, d'une étude permettant de mieux comprendre les utilisations actuelles de l'IA par les professionnels de la filière et la perception par ces derniers de ses impacts sur les métiers et les emplois. Elle présente l'état d'adoption des technologies de l'IA pour le secteur du doublage, et les opportunités et défis qui y sont attachés, notamment s'agissant du développement de voix numériques et de la synchronisation labiale. Deux nouvelles notes de conjoncture sont prévues en 2025 ; l'une portant sur les « storyboarders », l'autre très spécifiquement sur les doubleurs. Enfin, un état des lieux des formations IA dans la filière vient aussi d'être lancé. Deuxièmement, compte tenu des évolutions que cette intensification entraîne en matière de métiers et d'emploi, le ministère de la culture s'est engagé pour encourager toutes discussions entre les professionnels concernés. Celles-ci devraient faciliter la mise en place de pratiques vertueuses, permettant de placer les outils numériques au service de la création humaine et de pourvoir aux besoins de formation. Les services du ministère et le CNC sont en lien permanent avec le secteur du doublage, dont les représentants ont été reçus à plusieurs reprises. Enfin, le règlement européen sur l'intelligence artificielle (RIA) de 2024 a permis de marquer un premier jalon en matière de régulation de l'IA. En application de celui-ci, les contenus de synthèse générés par IA doivent faire l'objet d'un marquage. Par ailleurs, les fournisseurs d'IA doivent se doter d'une politique de respect du droit d'auteur, et ce compris les droits voisins des artistes-interprètes, et publier un résumé détaillé des sources qu'ils utilisent pour entraîner leurs modèles. Pour permettre aux auteurs et artistes-interprètes de comprendre effectivement comment et à quelles fins les oeuvres qu'ils concourent à créer sont utilisées pour entraîner l'intelligence artificielle générative, ces avancées doivent désormais être concrétisées dans les textes d'application de ce règlement. C'est la raison pour laquelle le ministère de la culture a confié au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique deux missions, dont les conclusions viennent d'être publiées ou sont sur le point de l'être. La première a vocation à peser au niveau européen sur les modalités de mise en oeuvre de l'obligation de transparence prévue par le RIA afin de s'assurer qu'elle permette aux auteurs et aux artistes interprètes de disposer des informations indispensables à l'exercice des droits. La seconde, plus prospective, étudie la façon dont l'utilisation des contenus culturels par les modèles d'IA pourrait être rémunérée.
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