Question de M. MELLOULI Akli (Val-de-Marne - GEST) publiée le 08/05/2025
M. Akli Mellouli attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur les disparités de moyens alloués à l'aide sociale à l'enfance sur le territoire.
L'Assemblée nationale, à l'issue de sa commission d'enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l'enfance, dresse un constat alarmant de l'action de l'État à l'égard des jeunes confiés à l'aide sociale à l'enfance : les moyens sont insuffisants, de nombreux mineurs sont laissés à l'abandon, les services manquent de personnel et les agents encore en poste sont à bout, en détresse face à leur impuissance.
Dans le département du Val-de-Marne, les services alertent sur une situation d'urgence. La grève, survenue en mars 2025, en est un symbole. Elle résulte d'un budget insuffisant pour mener à bien leurs missions, d'une fatigue généralisée et d'une charge de travail écrasante due au manque de personnel.
Dans ce même département, 1 500 informations préoccupantes sont en attente de traitement, dont 481 mesures avec éléments de danger, non prises en charge faute de moyens suffisants. Derrière ces chiffres, se cache une réalité inquiétante pour la protection de nos jeunes. Comment prétendre les protéger si nous ne disposons pas des moyens nécessaires pour les extraire d'un environnement dangereux, première étape indispensable à leur reconstruction ?
Le conseil départemental du Val-de-Marne, contraint par une logique de restrictions budgétaires imposées par l'État qui réduit progressivement ses financements, a voté un budget de 166,83 millions d'euros pour 2024, insuffisant au regard des besoins réels du terrain. Le Gouvernement porte une part importante de responsabilité dans cette insuffisance : selon le rapport de la commission d'enquête, sur les 10 milliards d'euros alloués à l'aide sociale à l'enfance (ASE), l'État ne contribue seulement qu'à hauteur de 3 % du budget total. Les départements sont ainsi sommés de faire davantage alors qu'ils ne disposent pas de ressources propres suffisantes pour assumer pleinement leurs prérogatives.
À cela s'ajoutent des disparités territoriales préoccupantes qui soulèvent des interrogations sur la cohérence de la politique nationale. Chaque département applique une politique de protection de l'enfance avec des budgets très disparates. Il est révoltant de constater des inégalités de chances entre enfants, selon le territoire dans lequel ils sont pris en charge. Ces inégalités contreviennent au principe constitutionnel d'égalité des droits.
Ces écarts ne s'expliquent ni par des différences idéologiques, ni par des spécificités territoriales. Selon la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) en 2023, dans le Val-de-Marne, le budget consacré à l'aide sociale à l'enfance, hors dépenses de personnel, s'élevait à 100,319 millions d'euros pour 3 356 enfants confiés ou placés. Dans le Val-d'Oise, département de même sensibilité politique, pour 3 357 enfants, ce budget atteignait 171,647 millions d'euros.
Avec seulement un enfant de plus, le Val-d'Oise bénéficie donc d'un budget supérieur de 71,328 millions d'euros. Cette différence choquante confirme les alertes de la Cour des comptes et de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale. De telles inégalités compromettent l'objectif d'une prise en charge équitable sur l'ensemble du territoire.
Face à cette urgence, et dans un souci de protection de tous les jeunes confiés à l'aide sociale à l'enfance, il lui demande quelles mesures le gouvernement entend mettre en place pour mettre fin à ces inégalités et garantir un accompagnement de qualité uniforme sur l'ensemble du territoire national.
- page 2266
Réponse du Ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles publiée le 26/06/2025
Dans un contexte de situation préoccupante du système de protection de l'enfance et des enfants en situation de danger en attente d'un accueil et d'un accompagnement, le Gouvernement sait la nécessité d'une attention renforcée à la protection de l'enfance par les départements et les services de l'État. La refondation de la politique nationale de la protection de l'enfance constitue une des priorités du ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles qui porte aujourd'hui un plan ambitieux de refondation de l'Aide sociale à l'enfance (ASE), fondé sur les besoins réels des enfants et élaboré en concertation avec les professionnels du secteur et les acteurs du terrain. Ce plan s'appuie pleinement sur les recommandations formulées par la commission d'enquête parlementaire sur les manquements de la politique publique de protection de l'enfance, et s'articule autour de sept priorités : - prévenir et éviter le placement chaque fois que possible, en renforçant la prévention dès la périnatalité grâce à des dispositifs de détection et d'accompagnement précoces, en suivant un plan de soutien à la parentalité ciblé sur les situations de vulnérabilité sociale et familiale et en poursuivant la contractualisation à la prévention entre l'Etat et les départements ; - permettre de grandir dans un cadre familial et stable, en facilitant l'adoption des enfants sans possibilité de maintien de liens familiaux, en faisant évoluer le cadre des pouponnières et en y limitant la durée de placement, en renforçant les capacités d'accueil à caractère familial, notamment d'assistants familiaux, et en ayant recours plus largement aux tiers de confiance et à l'accueil durable et bénévole. L'amélioration des conditions de prise en charge passe en effet par une transition du modèle ; vers un accueil plus familialisé - garantir la santé des enfants, en généralisant des parcours de soins coordonnés des enfants protégés pour un accompagnement global de la santé et en soutenant la création de centres d'appui à l'enfance, ainsi que de 25 nouvelles unités d'accueil pédiatriques enfants en danger en 2025 ; - permettre aux enfants en double vulnérabilité de grandir dans un endroit adapté à leurs besoins en mobilisant le plan « 50 000 solutions » et en développant l'accueil familial thérapeutique - ouvrir le champ des possibles par l'éducation, et en mobilisant les entreprises pour mener à bien des actions concrètes : stages, mentorat, présentations de métiers, accès à la culture ; - préparer à l'âge adulte pour réussir son insertion et ses projets, en facilitant l'accès aux études supérieures, à la formation et à l'emploi, en accompagnant l'accès au logement et à l'autonomie, en redéfinissant les conditions d'allocation du pécule et en travaillant avec les départements à une meilleure prise en charge des mineurs non accompagnés ; - refonder la gouvernance de la protection de l'enfance en installant les instances nécessaires et en renforçant la présence de l'Etat au niveau local, afin de garantir l'égalité et la qualité de prise en charge sur tout le territoire. Pour mettre en oeuvre ces priorités sur le terrain, les services de l'État s'appuieront sur le cadre renouvelé de la contractualisation avec les départements, axé sur la prévention et la protection de l'enfance. Ce cadre pluriannuel permettra de structurer des actions dans la durée, en mobilisant plusieurs leviers financiers : - des crédits du fonds d'intervention régional pour renforcer la prévention dès la périnatalité, notamment durant les mille premiers jours de l'enfant ; - 50 millions d'euros de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie médico-social pour développer, en lien avec les agences régionales de santé, des solutions adaptées aux enfants à double vulnérabilité et soutenir les professionnels de l'ASE ; - 117 Meuros de crédits du programme 304 pour encourager les interventions à domicile et les formes d'accueil à dimension familiale, au coeur de la contractualisation 2025-2027. Afin de garantir un accompagnement de qualité sur l'ensemble du territoire, l'Etat entend par ailleurs pleinement assumer ses responsabilités en matière d'inspection et de contrôle, conformément à l'instruction du 10 juillet 2024. Ainsi, dans le respect des compétences du Président du conseil départemental (PCD) en charge de l'autorisation, de la tarification et du contrôle des établissements de protection de l'enfance, les préfets ont pour mission de : - s'assurer que chaque département met en place une stratégie de prévention des risques de maltraitance et un plan de contrôle des structures de protection de l'enfance ; - veiller à la mise en place de procédures de signalement des incidents graves et suivre les réponses apportées par les départements ; - appuyer les contrôles engagés par le PCD, en particulier dans les foyers de l'enfance et les structures non autorisées accueillant des mineurs protégés et des jeunes majeurs de moins de 21 ans ; - se substituer au département pour la réalisation de contrôle, en cas de carence manifeste de ce dernier. Cette mobilisation s'inscrit en complémentarité et cohérence des compétences en la matière dévolues à l'autorité judiciaire, telles que rappelées par le garde des sceaux dans sa circulaire du 28 avril 2025. L'État entend prendre sa part dans cette refondation, tant en matière de coordination nationale que de contrôle sur le terrain, aux côtés des départements. Cette mobilisation commune vise à garantir à chaque enfant, où qu'il vive, une protection effective, équitable et adaptée à ses besoins.
- page 3724
Page mise à jour le