Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE-K) publiée le 15/05/2025
M. Fabien Gay attire l'attention de M. le ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie sur l'utilisation du crédit d'impôt recherche (CIR) par le groupe Nokia Networks France.
Dans le cadre des travaux de la commission d'enquête sénatoriale consacrée à « L'utilisation des aides publiques par les grands groupes et leurs sous-traitants », il a été saisi par l'intersyndicale de Nokia Networks France d'un sujet concernant les engagements et l'évolution des effectifs de recherche et développement (R&D) de cette entreprise sur le territoire national.
Lors du rachat des activités d'Alcatel-Lucent en 2016, le groupe s'était engagé à maintenir en France 2 500 postes d'ingénieurs jusqu'au 1er juin 2020. Douze jours après l'échéance de cet engagement, la direction du groupe annonçait un plan de suppression de 1 233 postes, affectant notamment les activités de recherche et développement, pourtant essentielles à la stratégie industrielle et technologique en termes de 5G.
Dans le même temps, Nokia Networks France continue de percevoir chaque année du crédit d'impôt recherche, à hauteur de 50 millions d'euros annuels, auxquels s'ajoutent d'autres dispositifs d'aides publiques. Depuis 2016, le montant total de ces aides s'élèverait à plus de 430 millions d'euros.
De plus, des éléments suggèrent qu'une part importante de ces fonds aurait été transférée à la maison mère située en Finlande via un mécanisme de prix de transfert, soulevant des interrogations quant à l'utilisation effective des aides publiques françaises.
Par ailleurs, en mai 2023, à l'occasion du sommet « Choose France », le Gouvernement annonçait la création de 500 emplois nets dans les activités de R&D de Nokia Networks France, sur un horizon de 5 à 8 ans.
Toutefois, selon l'intersyndicale, la direction de Nokia Networks France a récemment déclaré que cet engagement relevait de la seule initiative gouvernementale et ne l'engageait pas formellement. D'ailleurs, force est de constater qu'aucun plan de renforcement des effectifs n'a été présenté à ce jour, et qu'au contraire, la réduction des emplois dans la R&D perdure.
Au regard de l'ampleur des aides publiques mobilisées, de l'importance stratégique de la filière des télécommunications et de la nécessité de préserver un tissu industriel et technologique performant en France, il l'interroge donc sur différents points :
Quels contrôles ont été effectués par l'administration sur l'utilisation du CIR par Nokia Networks France depuis 2016, en particulier au regard de la création ou du maintien des emplois dans la R&D ?
Quelles sont les garanties exigées du groupe en matière de transparence sur l'utilisation des aides publiques reçues par son entité française, et quels moyens sont mis en oeuvre pour vérifier le respect de ces engagements ?
Sur quelles bases le groupe Nokia a-t-il été sélectionné comme lauréat du plan « Choose France 2023 », alors même que plusieurs engagements sociaux antérieurs n'ont pas été respectés ?
Enfin, des évolutions du cadre réglementaire ou contractuel sont-elles envisagées par le Gouvernement pour conditionner plus étroitement l'octroi des aides publiques à des résultats concrets en matière d'investissement et d'emploi sur le territoire national ?
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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie publiée le 28/08/2025
Pour rappel, les activités de R&D du groupe Nokia en France, regroupées sous l'entité Nokia France, sont issues du rachat des activités R&D d'Alcatel Lucent. Le groupe Nokia, finlandais, se classe parmi les principaux équipementiers télécom au niveau mondial. Nokia, acteur européen, maitrise donc l'ensemble des technologies nécessaires pour les infrastructures de connectivité fixe et mobile, un des éléments clés pour notre souveraineté numérique, d'autant plus stratégique dans un contexte de numérisation des différents pans économique du pays. Les activités R&D de Nokia sur le sol français contribuent à cet objectif et le Gouvernement encourage le développement de ses activités en France. Concernant l'évènement Choose France, il ne s'agit pas d'un appel à projets mais d'un forum privilégié au cours duquel des entreprises étrangères annoncent leurs ambitions d'investissement en France. À l'occasion de Choose France 2023, Nokia France a annoncé sa volonté de renforcer ses effectifs de R&D en France en créant 500 nouveaux emplois étalés sur les 5 à 8 prochaines années, sur les deux sites du groupe (Paris-Saclay et Lannion) pour le développement de la 5G avancée et la 6G. Choose France n'étant pas un dispositif de financement mais un forum d'échanges, les annonces qui y sont faites reflètent et relèvent des ambitions des entreprises les proclamant, et le Gouvernement s'est félicité, à l'occasion de ce sommet, des annonces de Nokia. Nokia a effectivement pu bénéficier de dispositifs de soutien financier ces dernières années pour accompagner ses travaux de recherche et développement en France. Il s'agit d'abord du crédit d'impôt recherche (CIR) qui bénéficie à toutes les activités de R&D réalisées sur le sol national par des entreprises françaises ou étrangères. Il s'agit d'un dispositif reconnu, qui favorise la recherche en France et participe à l'attractivité du pays en y attirant la création de centres de R&D. Ainsi, de nombreuses entreprises déclarent qu'elles n'auraient pas pu réaliser leur projet de R&D en l'absence de CIR, qui diminue le coût de la R&D d'environ 25 % (sans le CIR, les chercheurs en France seraient les plus onéreux au monde derrière les États-Unis). Le montant des aides fiscales est calculé en prenant en compte les dépenses de personnels travaillant en France. De plus, l'attribution reste encadrée par un process strict, permettant notamment de s'assurer du nombre de personnels déclarés, de la nature des activités et de leur localisation. La direction générales des finances publiques est en charge de la gestion de ce crédit d'impôt, ainsi que du contrôle du respect des règles d'éligibilité de l'entreprise, avec l'assistance des experts du ministère de la recherche. En cas d'irrégularité, les sommes perçues sont remboursées. Par ailleurs, de multiples pénalités et majorations d'impôt sont associées à toute violation du droit fiscal ; il est même possible de lancer une procédure pénale à leur encontre. Les aides fiscales dont a bénéficié Nokia ont respecté ce même processus. Par ailleurs, Nokia a été lauréate de la stratégie d'accélération 5G et réseaux du futur issu du plan d'investissement France 2030. Pour rappel, ce plan a pour objectif de soutenir massivement le développement de pans entiers de l'économie française. La sélection des projets de R&D de Nokia a suivi un processus classique de sélection via un appel d'offre dont découle une sélection effectuée par des experts indépendants sélectionnés par la BPI qui s'assurent de la pertinence du projet et du bon respect du cahier des charges disponible publiquement. La validation relève d'un comité de pilotage ministériel opérationnel qui soumet l'octroi du financement public à la décision du premier ministre. Par la suite, le soutien financier est apporté par tranche, avec un processus d'audit opérée par BPI pour s'assurer du bon déroulement des projets validés. Pour rappel, dans le cadre de ce plan, l'État ne finance qu'une partie des montants des projets de R&D, l'autre partie étant financée par l'entreprise. Les taux d'aide étatiques maximum pour les projets des grandes entreprises, détaillé publiquement dans le cahier des charges de l'appel à projets, sont de 50 % dans le cadre d'activité de recherche industrielle (65 % dans le cas d'un projet collaboratif) et 25 % dans le cas d'activités de développement expérimental (40 % dans le cas de projet collaboratif). Toutes les aides octroyées doivent faire l'objet d'une une double publication : Sur le site dédié de la Commission (Transparency Award Module - TAM) européenne, des informations relatives aux aides d'un montant supérieur ou égal à un certain seuil (en général 100 000 euros), dans les 6 mois de la date d'octroi. Sur ce site internet de la Commission, le public a accès aux aides octroyées et peut rechercher les aides allouées à une entreprise par chaque Etat membre (Public Aid Award Search Results) Il convient de préciser que : les montants renseignés sur le site de la Commission sont des montants octroyés et ils ne correspondent pas aux aides versées ; ces informations ne tiennent pas compte des éventuelles révisions à la baisse des aides, ou des abandons (partiels) de projets Enfin, de manière générale sur les aides versées aux entreprises : pour rappel le CIR est une réduction fiscale sur la base des dépenses déjà engagées par l'entreprise pour ses activités de R&D sur le sol national. L'octroi des aides du CIR est donc conditionné par nature au bon déroulement d'activités de R&D sur le territoire. Une baisse de l'intensité de l'activité de R&D d'un groupe en France, au sens tant du nombre de personnes, que de l'expertise des personnes employés (estimée sur la base du salaire), se traduirait de facto par une baisse des aides fiscales. Les aides financières du plan France 2030, elles, visent à soutenir des projets de R&D spécifiques, sur lesquels des attentes concrètes en termes de travaux et de réalisations sont contrôlés par la BPI avant versement de la tranche d'aide correspondante. Les modalités de mise en oeuvre du contrôle et des évaluation ex post sont prévues dans le contrat d'aide. Il existe généralement des dispositifs de récupération clawback qui permettent de récupérer jusqu'à la totalité de l'aide nominale versée et capitalisée sur la base d'un taux de référence défini par l'UE en cas de retour à meilleure fortune d'une entreprise bénéficiaire de l'aide (ex : elle génère des résultats supérieurs à ce qui est attendu). A ce stade, les projets de France 2030 étant encore en phase d'exécution, la clause de claw-back n'a pas encore été activée, mais des instructions sont données aux opérateurs en charge de la gestion de ces aides pour qu'elle soit mise en oeuvre le moment venu (après la période de financement durant 5 ans).
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