Question de M. RIETMANN Olivier (Haute-Saône - Les Républicains) publiée le 15/05/2025

M. Olivier Rietmann appelle l'attention de M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice sur l'article 1403 du code civil qui dispose que « chaque époux conserve la pleine propriété de ses (biens) propres ».

Cet article consacre le caractère quasi sacré de la notion de propriété protégée par les articles 544 et 545 du même code selon lesquels « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » et « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ».

Pour autant, l'article 757 du même code civil dispose que « si l'époux prédécédé laisse des enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille, à son choix, l'usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux et la propriété du quart en présence d'un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux. ».

Cet article ne différencie donc pas les biens issus de la communauté de ceux relevant des biens propres du défunt. Pourtant, la loi permet justement au propriétaire de disposer librement de ses biens propres au travers du choix du régime successoral de la séparation des biens ou encore au travers de donations consenties à ses descendants, sur des biens immobiliers par exemple.

Il remercie par conséquent le ministre de lui indiquer les raisons pour lesquelles la loi a prévu qu'un conjoint successible peut automatiquement recueillir une part des biens propres de son conjoint prédécédé, sauf disposition testamentaire contraire.

Par ailleurs, il lui demande de préciser son analyse sur l'opportunité de modifier la loi afin de gagner en cohérence et en clarté entre les articles 757 et 1043. Ainsi, il est raisonnable de penser que le choix de transmettre une partie de ses biens propres à son conjoint successible pourrait prendre la forme d'une disposition testamentaire spécifique. En effet, à ce jour, c'est la logique inverse qui prévaut, provoquant inévitablement des surprises juridiques mal venues après un décès et des situations conflictuelles potentielles entre grands-parents et gendre ou belle-fille par exemple.

- page 2363


Réponse du Ministère de la justice publiée le 21/08/2025

Dans tous les régimes matrimoniaux, chacun des époux peut, de son vivant, disposer librement de ses biens propres (articles 1428, 1497 et du code civil). Au moment du décès de l'un des époux, si le conjoint survivant peut en principe, sauf disposition testamentaire contraire, recueillir des biens propres de son époux, il existe néanmoins dans le code civil des règles spécifiques, destinées à assurer un équilibre entre les droits du conjoint survivant et ceux de la famille de l'époux décédé. Ainsi, lorsque le défunt n'avait pas d'enfants, ses parents ou ses frères et soeurs peuvent exercer un « droit de retour » pour récupérer certains biens propres du défunt, à savoir ceux qu'il a reçus par succession ou donation de ses ascendants (articles 738-2 et 757-3 du code civil). Par ailleurs, en l'absence d'accord entre les héritiers et le conjoint survivant sur l'attribution des biens, cette attribution a lieu par tirage au sort, de sorte qu'en l'absence de testament le conjoint n'est jamais assuré de récupérer les biens propres de son époux décédé. Enfin, les articles 757 et 1043 du code civil portent sur des questions différentes : le premier concerne les droits du conjoint survivant en présence ou en l'absence d'enfants communs, tandis que le second porte sur la caducité du testament lorsque l'héritier refuse le testament ou est dans l'incapacité de le recueillir. Il n'y a donc pas lieu de rechercher une cohérence particulière entre ces deux articles, qui ont deux objets bien distincts. En l'état de l'analyse, il apparaît que l'ensemble du dispositif ménage un équilibre entre droits du conjoint et droit de la famille du défunt et il n'est pas envisagé de le modifier.

- page 4631

Page mise à jour le