Question de M. ROUX Jean-Yves (Alpes de Haute-Provence - RDSE) publiée le 22/05/2025
M. Jean-Yves Roux interroge M. le ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification sur la protection fonctionnelle des directeurs généraux des services des collectivités locales.
Le nouveau régime de la responsabilité financière des gestionnaires publics (RFGP) est entré en vigueur le 1er janvier 2023, suite à l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022. Cette réforme a unifié le cadre juridique en matière de responsabilité financière des gestionnaires publics remplaçant ainsi les régimes antérieurs distincts pour les comptables publics et les ordonnateurs.
Deux ans après sa mise en oeuvre, une vingtaine d'arrêts rendus par la Cour des comptes et deux décisions de la Cour d'appel financière ont été rendus, nourrissant une jurisprudence significative. Il s'avère ainsi que, sans définition de faute grave, la condamnation des dirigeants territoriaux est quasi automatique.
Or la décision n° 497840 du Conseil d'État du 29 janvier 2025 a précisé que les gestionnaires publics mis en cause dans le cadre de ce régime ne peuvent bénéficier de la protection fonctionnelle, ce qui pourrait les exposer davantage en cas de poursuites. Il est par ailleurs précisé « qu'aucune disposition n'interdit à l'administration d'apporter un soutien à l'agent poursuivi, notamment sous la forme d'une assistance juridique ou technique, ce soutien relevant de sa seule appréciation et non d'une obligation légale. »
Concrètement, cette décision semble difficile à concrétiser, notamment en cas de contradiction interne, de conflit hiérarchique ou pour tenir compte de la territorialité et de la mobilité inhérentes à la fonction publique territoriale.
Certains agents en arrivent à adopter en conséquence une attitude très réservée, avec des courriers de décharge administrative, qui risque de mener dans certains cas à une paralysie administrative.
Il souligne ainsi que la protection fonctionnelle pourrait utilement être activée, selon la gravité de la faute constatée, afin de lever cette incertitude juridique.
Aussi, il lui demande s'il compte préciser les conditions d'exercice du nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics et en particulier concernant la protection fonctionnelle, pour l'adapter aux difficultés d'application rencontrées par les fonctionnaires territoriaux et équipes municipales concernés.
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Réponse du Ministère de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification publiée le 24/07/2025
Pour remédier aux limites des régimes de responsabilité des ordonnateurs et des comptables publics, un nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics, unifié entre ordonnateurs et comptables, est mis en place depuis le 1er janvier 2023. Les services des directions départementales des finances publiques ont accompagné sur les territoire le déploiement de cette réforme par des actions de communication, notamment auprès des gestionnaires territoriaux. Ce nouveau régime vise à favoriser la responsabilisation des gestionnaires publics, en sanctionnant les fautes graves aux règles d'exécution des recettes et des dépenses ou à la gestion des biens publics, ayant causé un préjudice financier significatif pour la collectivité. Ces infractions, applicables aux personnels, fonctionnaires ou contractuels, qu'ils relèvent de l'une ou l'autre des fonctions publiques, sont sanctionnées par des peines d'amendes plafonnées à six mois de rémunération annuelle ou à un mois pour les infractions formelles. La Cour des comptes, juge de première instance, les prononce de manière individualisée et proportionnée à la gravité des faits reprochés, à l'éventuelle réitération des pratiques prohibées ainsi que, le cas échéant, à l'importance du préjudice. L'article L.131-5 du code des juridictions financières précise que l'agent qui agit conformément aux instructions préalables de son supérieur hiérarchique et d'une personne habilitée n'est passible d'aucune sanction. La responsabilité du supérieur hiérarchique ou de la personne habilitée se substitue, dans ce cas, à la sienne. De plus, conformément à l'article L.131-6, l'agent n'est passible d'aucune sanction s'il peut produire un ordre écrit préalable d'une autorité territoriale, dès lors qu'elle a été dûment informée sur l'affaire ou d'une délibération de l'organe délibérant, dès lors que ce dernier a été informé sur l'affaire et que cette délibération présente un lien direct avec celle-ci. Par ailleurs, les possibilités de signalement de faits délictueux ont été élargies aux représentants de l'État dans le département ou aux directeurs des finances publiques en région ou en département, pour des faits ne relevant pas des services de l'État. La montée en charge de cette réforme se traduit dans la constitution progressive d'une jurisprudence, qui éclaire les règles à respecter pour les gestionnaires publics. La réforme a ainsi effectivement conduit à s'interroger sur une éventuelle extension du droit à la protection fonctionnelle, afin, par exemple, de prendre en charge des frais d'avocat de l'agent et des condamnations civiles prononcées contre lui en cas de faute de service, sans faute personnelle détachable. Dans sa décision n° 497840 du 29 janvier 2025, le Conseil d'Etat a jugé que les agents des trois fonctions publiques ne peuvent bénéficier de la protection fonctionnelle, dont les dispositions relèvent des articles L.134-1 et suivants du code général de la fonction publique. En effet, les sanctions financières prononcées par la Cour des comptes ne revêtent pas un caractère pénal mais relèvent d'un régime de responsabilité spécifique aux gestionnaires publics prévu par les articles L.131-1 et suivants du code des juridictions financières. De même, l'article L.125-2 du code général de la fonction publique dispose que sans préjudice de l'action pénale ou disciplinaire, la responsabilité financière d'un agent public peut être mise en cause devant la Cour des comptes à raison des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions, dans les conditions et selon les modalités définies au chapitre Ier du titre III du livre Ier du code des juridictions financières. Le Conseil d'État a néanmoins ajouté que si cette protection est inapplicable à un agent poursuivi devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes, il est toujours loisible à l'administration de lui apporter un soutien, notamment sous la forme d'une assistance juridique ou technique, ce soutien relevant de sa seule appréciation et non d'une obligation légale. A la lumière de cette décision, une circulaire du Premier ministre du 17 avril 2025 a précisé les formes et les modalités du soutien qui doit être apporté aux agents mis en cause devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes. Il appartient aux collectivités territoriales de préciser ces éléments au regard de leur propre organisation et également de développer des actions pour prévenir ce risque (mise en place d'un contrôle interne financier, cartographie des risques ).
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