Question de Mme OLLIVIER Mathilde (Français établis hors de France - GEST) publiée le 29/05/2025
Mme Mathilde Ollivier attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la situation préoccupante des quelque 60 000 retraités français résidant en Italie, confrontés depuis 2021 à une double imposition de leurs pensions de retraite.
La Convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 1989, complétée par l'échange de lettres du 20 décembre 2000, établit un régime d'imposition partagée pour les pensions de sécurité sociale. Selon le bulletin officiel des finances publiques (BOI-INT-CVB-ITA-10-20-20130909), l'État de résidence du bénéficiaire a le droit d'imposer ces revenus « en second » mais doit éliminer la double imposition en accordant un crédit d'impôt correspondant à l'impôt payé à la source. L'échange de lettres du 20 décembre 2000 liste précisément les régimes concernés, notamment le régime général de la sécurité sociale et les régimes complémentaires obligatoires (AGIRC, ARRCO).
Depuis 2021, l'administration fiscale italienne applique toutefois une interprétation différente de ces dispositions conventionnelles, imposant les pensions françaises sans accorder le crédit d'impôt prévu. Cette pratique génère des redressements rétroactifs importants (jusqu'à 54 000 euros sur six ans pour certains retraités) assortis de pénalités et de mesures coercitives, notamment de saisies bancaires et d'hypothèques sur des biens, en particulier immobiliers, touchant ainsi des milliers de retraités français établis en Italie. Cette évolution interpelle d'autant plus qu'elle intervient sans information préalable des contribuables concernés, alors que l'Italie n'exigeait pas de déclaration de ces revenus jusqu'en 2021.
Un collectif de retraités français a activé les mécanismes de la directive (UE) 2017/1852 sur les différends fiscaux, déposant des demandes de règlement amiable en août 2023 et mars 2024. Une plainte a également été déposée auprès de la Commission européenne en 2024.
Dans ce contexte, elle souhaite savoir quelles démarches le Gouvernement a entrepris auprès des autorités italiennes pour clarifier l'application de la convention fiscale concernant les pensions de retraite et s'il envisage d'engager la procédure amiable prévue à l'article 25 de la convention pour résoudre ce différend d'interprétation. Elle aimerait connaître les mesures prévues pour soutenir les contribuables français dans le cadre des procédures ouvertes sous l'égide de la directive (UE) 2017/1852 et si un moratoire sur les redressements fiscaux en cours peut être obtenu en coordination avec les autorités italiennes pendant la résolution de ce différend, ou si des instructions ont été données aux services fiscaux français concernant les demandes italiennes d'assistance au recouvrement au titre de la directive 2010/24/UE dans ce contexte litigieux. Elle souhaite également savoir si le Gouvernement envisage une renégociation de l'article 18 de la convention, à l'instar de la solution adoptée avec la Grèce en 2022 pour un problème similaire. Elle demande enfin un bilan des échanges diplomatiques menés sur ce dossier et un calendrier des actions envisagées pour résoudre cette situation qui affecte un nombre important de nos compatriotes retraités.
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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 26/06/2025
La France et l'Italie sont liées par une convention fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune signée le 5 octobre 1989. Celle-ci fixe les règles de répartition du droit d'imposer entre les États contractants en fonction des catégories de revenus concernées et des situations des contribuables, et précise les modalités d'élimination des doubles impositions. En son article 18, la convention franco-italienne stipule que les pensions de retraite du régime général versées à un résident d'un État au titre d'un emploi antérieur ne sont en principe imposables que dans cet État. Cela étant, conformément au 2 de l'article 18 de la convention, les pensions de sécurité sociale, lorsqu'elles sont versées au titre d'un emploi antérieur privé, font l'objet d'une imposition partagée et non exclusive. Dans ce cas, la France et l'Italie sont alors toutes deux fondées à imposer ces pensions de sécurité sociale, à charge pour l'État de résidence d'éliminer la double imposition pouvant en résulter. Ces stipulations conventionnelles opèrent de façon réciproque, de telle sorte que la France impose ses propres résidents percevant des pensions de sécurité sociale de source italienne. De même et par voie de conséquence, les résidents d'Italie qui perçoivent des pensions de sécurité sociale de source française doivent déclarer ces revenus à l'administration italienne, qui les soumettra à imposition, en déduisant des impôts établis en Italie un crédit d'impôt correspondant à l'impôt sur le revenu payé en France, dans la limite de l'impôt italien. D'une façon générale, les résidents d'Italie doivent s'assurer eux-mêmes auprès de l'administration fiscale italienne de leurs obligations déclaratives en Italie, qu'ils déclarent et payent des impôts en France ou non. L'interlocuteur des résidents d'Italie à cet égard, y compris lorsqu'ils sont ressortissants français, est l'administration fiscale italienne (l'Agenzia delle Entrate). Reconnaissant les difficultés pouvant naître de la méconnaissance de ces règles par nos ressortissants, le site de l'Ambassade de France en Italie a été enrichi d'une fiche explicative intégrant toutes les coordonnées utiles (https://it.ambafrance.org/Fiscalite-11468) et qui énonce clairement, à l'instar des pages intitulées « Je ne suis pas résident de France mais j'ai des intérêts en France » à la rubrique « International » du site impots.gouv.fr, l'obligation de déclaration de ces pensions auprès des services fiscaux des deux pays : « les résidents d'Italie qui perçoivent de telles pensions doivent aussi déclarer ces revenus à l'administration italienne, qui les soumettra à imposition en déduisant de l'impôt établi en Italie un crédit d'impôt correspondant à l'impôt sur le revenu payé en France, dans la limite de l'impôt italien ». Les services fiscaux italiens se sont engagés à publier également ces informations dans un souci partagé de faciliter la compréhension de la règle fiscale (https://www.agenziaentrate.gov.it/portale/web/english/special-cases - en anglais). Consciente des difficultés rencontrées par les retraités résidant en Italie et percevant des pensions de source française, l'administration fiscale française a pris l'attache de l'Agenzia delle Entrate pour la sensibiliser sur cette question et mieux comprendre les enjeux. Pour autant, il n'appartient pas à l'administration fiscale française de se prononcer sur l'annulation des sanctions et pénalités notifiées par l'administration fiscale italienne ni d'intervenir dans les procédures de contrôle et de recouvrement d'un pays partenaire. Il incombe aux seuls contribuables concernés de suivre la procédure interne italienne pour faire valoir leurs droits éventuels auprès du fisc italien. S'agissant de la tenue de nouvelles négociations tenant à adopter un avenant modifiant la convention, il convient de souligner que les règles actuellement prévues par la convention garantissent bien l'absence de double imposition. Enfin, les administrations fiscales française et italienne ont renforcé leur dialogue dans un objectif de meilleure diffusion de l'information auprès des usagers. À cette fin, les autorités des deux pays ont mobilisé les services concernés sans nécessité de mise en place d'un interlocuteur dédié à l'ambassade de France à Rome, l'application des dispositions fiscales entre nos deux pays ne posant pas de difficultés par ailleurs, et les deux administrations étant parfaitement inscrites dans les dispositifs d'échanges d'information européens et instances de dialogue internationales.
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