Question de M. GREMILLET Daniel (Vosges - Les Républicains) publiée le 01/05/2025
M. Daniel Gremillet interroge Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'urgence de la vaccination contre les épizooties.
Une crise sanitaire silencieuse frappe les élevages français : plus de 26 000 foyers de fièvre catarrhale ovine (FCO) ont été recensés début 2025, avec une explosion du sérotype 3 depuis août 2024. Portée par des moucherons Culicoides, cette maladie virale affecte ovins, bovins et caprins. Elle se manifeste chez les ovins par de la fièvre, la langue bleue, des boiteries, un amaigrissement, une baisse de production (lait, laine, croissance). Face à une diffusion rapide et des conséquences économiques dramatiques, la vaccination d'urgence apparaît comme la seule barrière efficace.
La conjonction de la FCO avec la maladie hémorragique épizootique inquiète le monde de l'élevage et alourdit la charge mentale des éleveurs pour assurer les soins nécessaires à leur troupeau. Ces maladies ne tuent pas que des animaux : elles épuisent aussi moralement des femmes et des hommes déjà fragilisés.
En 2025, trois sérotypes de FCO sont en circulation, les sérotypes 3 (nouveau), 8 (déjà connu) et 4 sont surveillés. Le sérotype 3 est le plus préoccupant. On a assisté à une explosion des foyers. Plus de 10 000 foyers de BTV-3 et 16 000 foyers de BTV-8 signalés, en France, début 2025. Début avril 2025, ce sont plus de 5 000 foyers en région Grand Est.
Selon la Chambre d'agriculture des Vosges, au niveau local, pour la période d'août à décembre 2024, les premières estimations révèlent une perte départementale de l'ordre de 7 160 973 euros pour les élevages laitiers, 1 481 127 euros pour les élevages bovins viande et de 4 921 074 euros pour les élevages ovins soit au total 13 563 174 euros pour les Vosges. En outre, la baisse de la productivité laitière est en moyenne de 6 % sur la période définie avec une baisse de la qualité du lait engendrant une baisse du prix payé à l'éleveur, une surmortalité des bovins et des ovins.
En dépit de l'ampleur de l'épizootie, les autorités ont levé les restrictions, en février 2025, le sérotype 3 a été déclaré enzootique entraînant la fin des restrictions de mouvements nationaux. Apparu en France en août 2024, ce sérotype a touché 10 498 foyers dans 62 départements au 20 mars 2025.
Les conséquences économiques sont particulièrement impactantes pour les éleveurs à travers des pertes directes et commerciales. Sa propagation européenne en Autriche, Allemagne, Pologne, inquiète au niveau européen. Par ailleurs, les conditions météorologiques favorisent la prolifération des moucherons vecteurs et représente un risque accru pour les années à venir.
Les mesures de vaccination sont indispensables. Elles sont sous la responsabilité des pouvoirs publics en termes d'approvisionnement y compris chez les vétérinaires. Si, une campagne de vaccination massive a été lancée par le Gouvernement en urgence, avec plus de 4,6 millions de doses gratuites distribuées, il y a toujours lieu de s'inquiéter en raison de l'indisponibilité manifeste des doses de vaccins ; de la sous-dotation des indemnisations de pertes directes ou indirectes (le fonds d'indemnisation des pertes directes de l'État d'un montant de 75 millions serait arrivé à son terme) ; par la rigidité administrative à laquelle les agriculteurs sont confrontés notamment lorsque le bétail meurt entre la naissance et le premier mois.
Face à l'urgence sanitaire et aux pertes économiques colossales, il appelle le Gouvernement à renforcer dès maintenant le stock de vaccins en anticipant les stéréotypes pour ne pas les subir, à rehausser le fonds d'indemnisation des pertes et à assouplir les démarches administratives. Seule une mobilisation forte et concertée, au niveau national et européen, garantira la résilience de nos élevages et la souveraineté sanitaire de la France.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 21/05/2025
Réponse apportée en séance publique le 20/05/2025
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, auteur de la question n° 500, adressée à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Daniel Gremillet. Madame la ministre, je connais votre attachement à l'élevage. Ce secteur, en France et en Europe, fait face à une importante épizootie : la fièvre catarrhale ovine (FCO).
Différents variants, dits sérotypes, frappent les élevages caprins, ovins et bovins laitiers. Les pertes sont énormes tant en production laitière qu'en production de viande ; les taux de mortalité aussi sont importants. De nombreux pays de l'Union européenne sont touchés.
La région Grand Est est énormément affectée, notamment les Vosges. La chambre d'agriculture de ce département a estimé à 13,5 millions d'euros les pertes indirectes liées, rien que sur l'année 2024, à la diminution de la production de viande et de lait, et au taux de mortalité.
J'aborderai trois enjeux, madame la ministre.
Premièrement, puisque le but de la vaccination est d'anticiper - mieux vaut anticiper les problèmes plutôt que de les subir -, il faut davantage de vaccins, aujourd'hui en nombre insuffisant.
Deuxièmement, il faut adapter les vaccins aux sérotypes qui se font jour. Pour ce faire, il nous faut une politique européenne plus offensive en la matière, d'autres pays étant concernés.
Troisièmement, malgré le fonds d'indemnisation, les éleveurs supportent des pertes terribles. Un mal-être s'empare des familles : on ne peut qu'être marqué par les maladies qui touchent ses animaux.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Daniel Gremillet, depuis mon arrivée à la tête du ministère de l'agriculture, je n'ai eu de cesse de gérer les crises sanitaires qui frappent les filières ovines, bovines et caprines : je pense aux variants de la fièvre catarrhale ovine et à la maladie hémorragique épizootique (MHE), ainsi qu'aux pertes directes et indirectes induites.
La disponibilité des vaccins diverge selon les variants.
Pour le traitement contre la FCO 3, les vaccins se trouvent sur le marché. Ils doivent être commandés par les vétérinaires. Les éleveurs savent qu'ils peuvent vacciner à loisir et je les invite à le faire. C'est la meilleure des préventions.
Pour le traitement contre la FCO 8, l'État a anticipé la situation en commandant en 2024, à ses frais, 14 millions de doses de vaccin pour un montant de 37 millions d'euros. Les commandes seront mises gratuitement à disposition de la filière ovine. Les vaccins sont déjà disponibles pour les éleveurs bovins, même si les pertes directes causées par le variant sont bien moins nombreuses pour cette filière.
Pour le traitement contre la FCO 1, l'État a pu obtenir des vaccins auprès d'un laboratoire étranger - la France n'est pas souveraine en matière de santé - de façon à prévenir l'arrivée de ce variant sur le territoire national en érigeant une barrière sanitaire.
Par ailleurs, le ministère a déployé dès mon arrivée un fonds d'indemnisation de 75 millions d'euros. Celui-ci a permis la couverture des pertes des filières ovine et bovine causées par différents sérotypes, notamment en raison de veaux mort-nés.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. L'État a donc largement pris en charge les pertes directes.
Pour les pertes indirectes, il a été convenu que la couverture relevait du fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE), financé à 65 % par l'État.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour la réplique.
M. Daniel Gremillet. La FCO accroît le taux de mortalité, que ce soit des ovins ou des caprins. Les bovins sont également touchés, ce qui n'avait pas été le cas jusqu'à présent.
Mme Annie Genevard, ministre. Ils ne le sont pas pour l'instant !
M. Daniel Gremillet. Ils le sont, madame la ministre, il n'est que de regarder les chiffres des équarrissages !
Mme Annie Genevard, ministre. Je les ai !
M. Daniel Gremillet. C'est un éleveur qui vous parle et je peux vous assurer que l'on s'en rend compte lorsque l'on est concerné directement !
Par ailleurs, le fonds d'indemnisation n'est pas à la hauteur. Ne faudrait-il pas une politique européenne plus offensive, de manière que l'État assume ses responsabilités ?
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