Question de Mme CANALÈS Marion (Puy-de-Dôme - SER) publiée le 15/05/2025
Mme Marion Canalès interroge M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice sur la communication publique du rapport d'évaluation des centres éducatifs fermés (CEF), visiblement rédigé par les services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) eux-mêmes et, à cette date, tenu confidentiel. En 2017, Emmanuel Macron avait fait du doublement du nombre de centres éducatifs fermés l'une de ses promesses de campagne. En octobre 2023, soit vingt ans après leur création, la Cour des comptes avait souhaité dresser un bilan. Il en ressortait que ces structures avaient été mises en place sans étude d'impact, par une efficacité supposée mais non démontrée. A fortiori, la volonté présidentielle de créer 22 nouveaux centres avait été jugée dispendieuse, le coût d'investissement de chaque unité ayant été évaluée à 6 millions d'euros par la direction du budget en janvier 2023. Déjà en 2018, la Commission nationale consultative des droits de l'homme avait établi que « les CEF sont l'antichambre de la prison, alors que pour leurs promoteurs ce devait être l'antichambre de la réinsertion et de la rescolarisation ». En 2022, de façon transpartisane, une mission de contrôle sénatoriale sur la délinquance des mineurs avait recommandé une pause dans la création des CEF. Malgré ces différents éléments d'analyse et d'évaluation remettant en question la pertinence des CEF, le plan de construction des nouveaux CEF poursuit sa mise en oeuvre, alimenté de surcroit par une proposition de loi visant à durcir la justice des mineurs ultra-répressive et dont les CEF constituent l'un des piliers. Dans un contexte où toute dépense publique doit être envisagée sous l'angle de la pertinence de l'action auxquelles elle se rapporte et alors que l'enjeu premier de la justice des mineurs doit être celui de la non-récidive assorti d'une réinsertion réussie, elle lui demande sous quelle temporalité ce rapport d'évaluation sera rendu public, satisfaisant de fait à une question d'intérêt général.
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Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé du travail et de l'emploi publiée le 21/05/2025
Réponse apportée en séance publique le 20/05/2025
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, auteure de la question n° 529, adressée à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Marion Canalès. Madame la ministre, en 2017, Emmanuel Macron avait fait du doublement du nombre de centres éducatifs fermés (CEF) l'une de ses promesses de campagne.
Pourtant, en 2018, la Commission nationale consultative des droits de l'homme a établi que « les CEF sont l'antichambre de la prison, alors que pour leurs promoteurs ce devait être l'antichambre de la réinsertion et de la rescolarisation ».
En 2022, de façon transpartisane, une mission conjointe de contrôle sur la délinquance des mineurs, menée par le Sénat, a recommandé une pause dans la création des centres éducatifs fermés.
En octobre 2023, soit vingt ans après leur création, la Cour des comptes a souhaité dresser un bilan. Il en ressortait que ces structures avaient été « engagées sans étude d'impact » et justifiées par une efficacité « supposée mais non démontrée ».
A fortiori, la volonté présidentielle de créer vingt-deux nouveaux centres a été jugée dispendieuse, le coût d'investissement de chaque unité ayant été évalué à 6 millions d'euros par la direction du budget en janvier 2023.
Malgré ces différents éléments d'analyse et d'évaluation qui font douter de l'efficacité réelle des CEF, la mise en oeuvre du plan de construction des nouveaux établissements se poursuit : il y a de quoi s'interroger. Ce plan est de surcroît alimenté par une proposition de loi ultra-répressive qui vise à durcir la justice des mineurs, les centres éducatifs fermés constituant l'un des piliers de ce texte.
Dans un contexte où toute dépense publique doit être envisagée sous l'angle de la pertinence de l'action à laquelle elle se rapporte et alors que l'enjeu premier de la justice des mineurs doit être celui d'une non-récidive assortie d'une réinsertion réussie, pouvez-vous, madame la ministre, me donner des informations sur la récente étude diligentée par le ministère de la justice lui-même sur les centres éducatifs fermés et leur pertinence ? Il s'agit, selon moi, de répondre à une question d'intérêt général, alors que ce document demeure confidentiel.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Madame la sénatrice Marion Canalès, je vous rappelle, au nom de mon collègue Gérald Darmanin, que connaître le parcours des jeunes à l'issue d'une prise en charge par les structures de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) constitue un enjeu majeur. Cela paraît particulièrement important en ce qui concerne les placements en centres éducatifs fermés.
L'évaluation des CEF a fait l'objet de travaux récents de la Cour des comptes, laquelle recommande de « produire des données de suivi et d'évaluation permettant de calculer les taux de récidive et de réitération des jeunes sortant de CEF [...] et de les comparer aux autres dispositifs ». La mise en oeuvre de cette recommandation suppose de disposer, d'une part, de données permettant de tracer le parcours du jeune et l'intervention des professionnels, de l'autre, d'une méthodologie d'évaluation adaptée et robuste.
La disponibilité des données est à ce jour encore très partielle, mais elle s'améliore au fur et à mesure du déploiement du projet de système d'information de la justice des mineurs « Parcours ». Ce système est conçu pour assurer l'efficacité globale de la prise en charge d'un mineur - réactivité, personnalisation du projet éducatif, évaluation des parcours - concerné par une décision de justice civile ou pénale. Le ministère mène régulièrement des études sur les différents dispositifs, mais souvent sur des cohortes réduites qui peinent à être représentatives, en raison des difficultés à retracer le parcours des jeunes, d'où ce système d'information.
Pour amasser des connaissances robustes sur le parcours et la récidive des jeunes à l'issue d'une prise en charge en CEF, il est nécessaire que les appariements entre les différents systèmes d'information relevant du ministère de la justice, de l'éducation nationale ou de l'emploi soient plus poussés. L'objectif est d'élargir le champ des données.
En effet, la réitération ou la récidive ne peuvent être les uniques indicateurs d'efficacité ou points de comparaison entre structures, chaque dispositif répondant à des besoins différents selon les parcours des jeunes.
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour la réplique.
Mme Marion Canalès. Madame la ministre, je ne peux entendre que les cohortes ne seraient pas suffisantes. Il existe cinquante-deux centres éducatifs fermés accueillant chacun douze personnes : par nature, seuls 600 jeunes sont concernés, aussi votre argument n'est-il pas audible. Je me tournerai vers le ministre de la justice.
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