Question de M. JOLY Patrice (Nièvre - SER) publiée le 15/05/2025

M. Patrice Joly attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les positions que la France entend défendre lors de la 4e Conférence des Nations Unies sur le financement du développement (FfD4), qui se tiendra à Séville du 30 juin au 3 juillet 2025.

Cette conférence intervient à un moment critique, marqué par une crise mondiale du développement, des pressions croissantes sur les finances publiques et un net ralentissement des efforts pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD) d'ici 2030. Alors que les besoins augmentent, la mobilisation de financements reste très en deçà des engagements initiaux.

Dans ce contexte, de nombreux acteurs internationaux, y compris au sein de la société civile, appellent à des avancées concrètes pour rendre la gouvernance financière internationale plus équitable, accroître l'aide publique au développement, engager une réforme de l'architecture de la dette, instaurer une fiscalité internationale plus juste et intégrer pleinement les enjeux de droits humains, d'égalité et de protection des biens communs dans les politiques financières.

Or, la décision du Gouvernement de réduire de plus de 2 milliards d'euros le budget de l'aide publique au développement en 2025, soit une baisse historique de près de 37 %, envoie un signal particulièrement préoccupant à quelques semaines de cette échéance majeure. La suppression du Fonds de solidarité pour le développement vient aggraver cette régression, en détournant vers le budget général les recettes affectées à la solidarité internationale.

Dans ce contexte, il souhaite connaître les positions concrètes que la France défendra à la FfD4. Il lui demande en particulier si elle s'engage à promouvoir une réforme ambitieuse de la gouvernance financière internationale, à réaffirmer ses engagements en matière d'aide publique au développement, à soutenir une restructuration de la dette des pays vulnérables et à défendre l'adoption d'une convention fiscale internationale sous l'égide des Nations Unies.

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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux publiée le 09/07/2025

Réponse apportée en séance publique le 08/07/2025

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 531, adressée à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Patrice Joly. Monsieur le ministre, l'aide publique au développement (APD) subit une baisse sévère, du côté tant européen qu'américain. Cette chute est lourde de conséquences pour la stabilité mondiale et la solidarité internationale.

De son côté, notre pays a réduit son aide de près de 2,3 milliards d'euros au cours des dernières années. Aux États-Unis, le repli atteint 83 % pour l'USAID. Cela pourrait entraîner concrètement plus de 14 millions de morts supplémentaires d'ici à 2030, dont 4,5 millions d'enfants.

Lors de la récente Conférence internationale sur le financement du développement, qui s'est tenue récemment à Séville, un plan global a été adopté pour alléger le fardeau de la dette des pays en développement et promouvoir des investissements durables. Ainsi, plus de cent nouvelles initiatives ont été définies, parmi lesquelles des modalités d'échange de dettes, une coalition visant à suspendre le paiement de la dette en cas de crise et une taxe de solidarité sur les jets privés et les vols en première classe.

La Conférence a également envoyé un message fort, selon lequel le repli national et la réduction de l'aide financière ne sont pas des solutions pour répondre aux défis globaux. Bien au contraire, ils participent de l'aggravation des crises humanitaires, sanitaires, climatiques et migratoires. Un appel à la coopération multilatérale et à l'innovation en matière de financement est plus que jamais nécessaire.

Monsieur le ministre, comment la France entend-elle traduire, dans ses politiques nationales et européennes, les engagements et la dynamique de la conférence de Séville, notamment en matière de conversion de dettes des pays les plus vulnérables, d'innovation fiscale et de mobilisation de financements privés ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le sénateur, cher Patrice Joly, comme vous l'avez souligné, la conférence de Séville s'est déroulée dans un contexte difficile : bouleversements du monde, multiplication des crises et des contraintes financières et budgétaires, explosion des besoins des pays en développement, ou encore insuffisance des ressources disponibles pour la solidarité internationale.

Les enjeux qui y ont été soulevés sont essentiels : transition énergétique, lutte contre les pandémies et indispensable réforme des systèmes de santé, conditions d'un commerce équitable juste, inégalités d'accès aux services de base, charge de la dette. Sur ces sujets, nous avons bien vu combien les clivages Nord-Sud étaient stériles ; seules comptent les solutions mises en oeuvre avec nos partenaires, dans un intérêt mutuel.

Le Président de la République s'est donc rendu à Séville pour porter la voix de la France, présentant en particulier trois priorités.

Tout d'abord, identifier et mobiliser de nouvelles ressources de financement, comme des droits de tirage spéciaux ou les taxes de solidarité internationale.

Ensuite, mieux utiliser l'argent public, notamment les fonds des institutions multilatérales et des banques de développement, et mobiliser des financements privés.

Enfin, promouvoir une logique partenariale, par exemple avec le concept de plateforme pays. Sur des sujets comme la transition énergétique ou la santé, les bailleurs, les investisseurs, les institutions internationales, la société civile et les autorités du pays concerné ont vocation à travailler ensemble pour renforcer les systèmes de gouvernance, coordonner les efforts et inventer des solutions concrètes.

La France a par ailleurs lancé, avec huit autres pays de l'Union européenne, une coalition sur la taxation du secteur de l'aviation civile. En vue de la COP30, l'objectif de cette coalition est d'harmoniser la taxation des billets d'avion pour les pays, comme la France, qui sont dotés d'un tel système, et d'enjoindre à d'autres pays de le mettre en place. Il sera ainsi possible de mobiliser davantage de ressources financières, y compris pour la solidarité internationale, dans un contexte budgétaire contraint.

En tout état de cause, je me tiens à votre disposition, monsieur le sénateur, pour travailler avec vous sur ces sujets auxquels je vous sais particulièrement attaché.

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour la réplique.

M. Patrice Joly. Je vous remercie de votre proposition, monsieur le ministre, à laquelle je souscris.

J'insiste toutefois sur le fait que, en réduisant la proportion du PIB français consacrée à l'aide au développement, nous n'avons fait qu'alimenter un repli populiste et des logiques nationalistes aussi illusoires que dangereuses. J'ajoute qu'aucune des grandes crises mondiales, qu'il s'agisse du climat, des migrations, de la santé ou de la sécurité, ne peut se résoudre au sein de nos seules frontières.

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