Question de M. BUIS Bernard (Drôme - RDPI) publiée le 15/05/2025
M. Bernard Buis attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur les conditions de reconnaissance du permis de conduire ukrainien en France.
Selon l'article R. 222-1 du code de la route, les permis de conduire d'un État n'appartenant pas à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen ne sont reconnus que pendant un délai d'un an après l'acquisition d'une résidence normale en France de son titulaire, sauf accord de réciprocité en ce domaine entre les deux États. Or, la France ne disposant pas d'un tel accord avec l'Ukraine, les ressortissants Ukrainiens réfugiés dans notre pays ne peuvent plus, à l'issue de leur période de protection temporaire ou d'un changement de statut, conduire légalement avec leur permis de conduire ukrainien.
Certes, ces personnes peuvent se présenter à l'examen du permis de conduire en France. Néanmoins, une telle situation représente un obstacle souvent insurmontable pour des réfugiés en cours d'intégration, qui ne maîtrisent pas encore parfaitement la langue française, constituant de fait un réel frein pour accéder à un emploi, notamment dans les secteurs où la mobilité est indispensable.
Cette problématique a déjà été soulevée par de nombreux collègues parlementaires, notamment la sénatrice Nadia Sollogoub, sénatrice de la Nièvre et présidente du groupe d'amitié France-Ukraine à l'occasion d'une question orale publiée le 17 octobre 2024. En dépit des réponses du Gouvernement sur l'utilité du dispositif de protection temporaire, force est de constater que les difficultés persistent pour ces réfugiés selon les témoignages de l'association « Solidarité Ukraine en Rhône-Crussol ». En effet, ce régime de protection temporaire n'est que transitoire et la guerre en Ukraine s'inscrit malheureusement dans la durée. Ainsi, de nombreuses personnes s'installent désormais durablement en France et cette absence de reconnaissance permanente du permis ukrainien en France menace leur autonomie et leur insertion professionnelle.
De surcroît, la liste des États et autorités dont les permis de conduire nationaux sont susceptibles de faire l'objet d'un échange contre un permis de conduire français, en vertu d'accords bilatéraux et de pratiques réciproques d'échanges des permis de conduire, concerne plus d'une centaine de pays, dont la Russie. Autrement dit, les ressortissants Russes peuvent continuer d'échanger leur permis de conduire en vertu d'un accord bilatéral toujours en vigueur tandis que les réfugiés Ukrainiens en sont privés, alors que ces derniers conduisent depuis trois ans en France, ont acheté des véhicules et souscrit des assurances.
À l'occasion d'un déplacement à Paris en mars 2025 du ministre ukrainien de l'Unité nationale, M. Oleksiy Tchernyshov, le ministère français de l'intérieur s'est engagé à envoyer des émissaires en Ukraine afin d'évaluer les modalités de délivrance du permis de conduire dans ce pays.
Dans ce contexte, il lui demande si le Gouvernement pourrait réévaluer la possibilité d'un accord avec les autorités ukrainiennes dans le cas où les conclusions de cette évaluation seraient positives et à défaut, si le Gouvernement pourrait prendre de nouvelles mesures transitoires afin de permettre aux réfugiés ukrainiens de continuer à conduire avec leur permis au-delà du délai d'un an et ainsi ne pas compromettre leur intégration en France.
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Transmise au Ministère de l'intérieur
Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'intérieur publiée le 05/11/2025
Réponse apportée en séance publique le 04/11/2025
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, auteur de la question n° 535, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Bernard Buis. Madame la ministre, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur les difficultés rencontrées par les réfugiés ukrainiens en France pour faire reconnaître leur permis de conduire.
Selon l'article R. 222-1 du code de la route, les permis de conduire d'un État n'appartenant pas à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen sont reconnus pendant un délai d'un an maximum après l'acquisition par son titulaire d'une résidence normale en France, sauf accord de réciprocité entre les deux États.
Un tel accord de réciprocité n'existe pas entre la France et l'Ukraine.
À l'issue de leur période de protection temporaire ou à l'occasion d'un changement de statut, les ressortissants ukrainiens réfugiés dans notre pays ne peuvent plus conduire légalement avec le permis de conduire qu'ils ont acquis dans leur pays.
Pour se déplacer, ces personnes sont dès lors contraintes d'obtenir un permis français, démarche particulièrement difficile pour des réfugiés en cours d'intégration, confrontés à des difficultés linguistiques et administratives, alors même que la mobilité est essentielle pour accéder à un emploi.
Si l'on peut saluer la mise en place du régime de protection temporaire, force est de constater que la guerre en Ukraine s'inscrit dans la durée et que nombre de réfugiés s'installent désormais durablement dans notre pays.
Cette situation est injuste, puisque les ressortissants russes peuvent continuer d'échanger leur permis de conduire en vertu d'un accord bilatéral toujours en vigueur.
En mars dernier, le ministère de l'intérieur s'est engagé à envoyer des émissaires en Ukraine afin d'évaluer les modalités de délivrance du permis de conduire dans ce pays.
Madame la ministre, quelles sont les conclusions tirées de cette évaluation ?
Dans quelle mesure le Gouvernement pourrait-il, en cas de conclusions positives, réévaluer la possibilité d'un accord avec les autorités ukrainiennes, à l'image de celui entre la France et la Moldavie, qui a été adopté, le 29 octobre dernier, par le Sénat ? En cas de bilan négatif, quelles mesures transitoires pourrait-on mettre en place pour permettre aux réfugiés ukrainiens de conduire légalement au-delà du délai d'un an, et ce afin de ne pas compromettre leur intégration en France ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Bernard Buis, vous attirez mon attention sur les conditions de reconnaissance du permis de conduire ukrainien en France.
Je vous en remercie, car ce sujet est d'importance pour le ministère de l'intérieur, notamment en matière de coopération dans le domaine de la sécurité routière.
Avant toute chose, il est primordial de souligner que différents régimes s'appliquent en fonction du statut des ressortissants ukrainiens en France.
Les Ukrainiens bénéficiaires de la protection temporaire peuvent conduire sur le territoire français avec leur permis ukrainien, sans aucune autre condition. Ce régime a récemment été prolongé jusqu'en mars 2027.
Comme vous le mentionnez justement, ceux qui ne bénéficient pas de la protection temporaire et qui sont en situation régulière sur le sol national peuvent conduire en France avec leur permis ukrainien, dans la limite d'un an suivant l'établissement de leur résidence normale en France.
Afin de pouvoir légalement continuer à conduire au-delà de cette période, ils doivent se présenter aux épreuves du permis de conduire français, tout en étant dispensés des vingt heures de formation obligatoires. Après une année passée sur notre territoire, l'obstacle de la langue, que vous avez évoqué, apparaît de surcroît moins rédhibitoire.
Pour les exempter de passer les épreuves, il convient de s'assurer que les conditions d'obtention du permis en Ukraine répondent aussi à nos exigences en matière de sécurité routière.
Effectivement, la délégation à la sécurité routière (DSR) s'est rendue en Ukraine en avril dernier. Elle confirme les progrès accomplis par les autorités ukrainiennes dans l'organisation des épreuves, aussi bien théoriques que pratiques, ainsi que dans la lutte contre la fraude.
Les travaux techniques se poursuivent actuellement, en étroite collaboration avec nos partenaires, en vue de la conclusion d'un accord, dont l'objectif est de garantir la sécurité sur nos routes, aussi bien pour les Ukrainiens que pour tous les autres usagers.
En outre, les permis ukrainiens sont reconnus sur l'ensemble du territoire européen. Un projet d'accord est en cours d'élaboration pour permettre l'échange des permis entre nos deux pays. Une déclaration d'intention a été signée en juin dernier entre la France et l'Ukraine, matérialisant cette volonté de conclure un tel accord.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, des efforts intenses que le ministère de l'intérieur continuera de déployer pour faciliter la reconnaissance des permis de conduire ukrainiens en France.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour la réplique.
M. Bernard Buis. Merci, madame la ministre, de votre réponse précise. Nous attendons maintenant l'accord que vous venez d'évoquer.
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