Question de M. MENONVILLE Franck (Meuse - UC) publiée le 22/05/2025
M. Franck Menonville attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur le développement des traitements de nouvelle génération de la dépendance aux opioïdes.
La consommation d'opioïdes en France est en forte croissance. Ce fléau frappe tous les territoires qu'ils soient ruraux ou urbains avec des dégâts humains et financiers majeurs. Les traitements de première génération comme le Subutex ou la méthadone pris en charge par la sécurité sociale, largement prescrits, démontrent leurs limites en matière de sevrage et leur trafic en forte progression est des plus inquiétant.
Dans le cadre des évolutions thérapeutiques du trouble de l'usage des opioïdes, de nouveaux traitements ont vu le jour. Le Buvidal (Buprénorphine d'Action Prolongée - BAP) introduit depuis 2021 en France, constitue une solution thérapeutique qui selon l'avis de nombreux addictologues de la fédération française d'addictologie, contribue à améliorer l'offre de soins dans ce domaine qui n'a pas connu d'innovation depuis 1995.
Ce traitement à libération prolongée permet aux patients de passer d'une prise quotidienne avec les médicaments de première génération comme le Subutex et la méthadone à une seule injection par semaine ou par mois en fonction du profil des patients.
Cette solution thérapeutique pour la prise en charge de la pharmacodépendance aux opiacés s'adresse aux adultes. La prescription non remboursée par l'assurance maladie est réservée aux médecins exerçants en centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) et aux médecins hospitaliers. Par ailleurs, l'administration des injections doit être obligatoirement effectuée par un professionnel de santé.
Le Buvidal est disponible et remboursé dans plusieurs pays, États-Unis, Canada, Australie et dans certains pays européens.
Selon l'étude OPALE 2, qui détermine les effets de l'utilisation du Buvidal, il permettrait en France d'éviter chaque année plus de 300 décès, plus de 5 000 hospitalisations et plus de 2 000 réincarcérations.
Néanmoins, le modèle de financement du traitement repose sur des crédits non reconductibles accordés par les agences régionales de santé.
Or, selon les régions l'accès à ce traitement est très inégalitaire, certaines, et notamment le Grand Est, le réserve uniquement aux patients en sortie de détention. Alors même qu'une nouvelle instruction de la direction générale de la santé permet de l'ouvrir à toutes les personnes en ayant besoin.
En effet, à ce jour, seuls 700 patients dépendants aux opioïdes y ont accès sur les 180 000 qui pourraient en bénéficier.
Il est difficile d'envisager des traitements à long terme sans accorder des crédits supplémentaires et pérennes aux structures qui les délivrent permettant ainsi un accès équitable.
Aussi, il souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement sur les perspectives de financement de ce médicament et ce qu'il entend mettre en place pour assurer son déploiement homogène sur l'ensemble du territoire.
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Transmise au Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins
Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins publiée le 11/06/2025
Réponse apportée en séance publique le 10/06/2025
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, auteur de la question n° 547, transmise à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
M. Franck Menonville. Monsieur le ministre, ma question porte sur le développement des traitements de nouvelle génération pour lutter contre la dépendance aux opioïdes. Ce fléau frappe tous les territoires, occasionnant des dégâts humains et financiers considérables.
Les traitements de première génération, comme le Subutex et la méthadone, démontrent leurs limites en matière de sevrage. Leur trafic est en forte progression, ce qui est des plus inquiétant.
Dans le cadre des évolutions thérapeutiques, de nouveaux traitements ont vu le jour. Le Buvidal, traitement à libération prolongée, contribue à améliorer l'offre de soins qui n'a pas connu d'évolution depuis 1995. Il permet de passer d'une prise quotidienne à une injection par semaine, voire par mois, selon le profil des patients. Cette dernière ne pouvant être effectuée que par un médecin, elle évite donc tout trafic.
Disponible et remboursé dans plusieurs pays européens, mais aussi aux États-Unis et en Australie, il permettrait, selon l'étude Opale 2, d'éviter chaque année en France plus de 300 décès, plus de 5 000 hospitalisations et plus de 2 000 réincarcérations.
Cependant, le modèle de financement du traitement repose sur des crédits non reconductibles accordés par les agences régionales de santé. Or, selon les régions, l'accès à ce traitement est très inégal. La région Grand Est réserve ce traitement aux seuls patients en sortie de détention, alors même qu'une nouvelle instruction de la direction générale de la santé l'ouvre à toutes les personnes en ayant besoin. Aujourd'hui, seuls 700 patients dépendants aux opioïdes y ont accès sur 180 000 personnes qui pourraient en bénéficier.
Ma question est simple, monsieur le ministre : quelles sont vos intentions pour déployer ce traitement sur tout le territoire et pour lui assurer un financement pérenne ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Menonville, je vous remercie pour votre question. Vous mettez le doigt sur une vérité dérangeante : la dépendance aux opioïdes progresse en France et, avec elle, l'incapacité de notre système à offrir des réponses à la hauteur de la crise.
Ce n'est pas une dérive marginale. C'est un fléau qui traverse tous les territoires, des grandes villes aux zones rurales, et qui coûte chaque année des vies, des hospitalisations, des réincarcérations. Ce drame humain se double d'un désastre social.
Vous l'avez rappelé avec justesse : les consommations d'opioïdes sont en forte progression dans notre pays, avec des conséquences humaines, sociales et économiques dramatiques.
Il s'agit non pas seulement d'un problème de médicaments, mais bien d'une problématique complexe, multifactorielle, qui exige une mobilisation globale, cohérente et durable de l'ensemble des acteurs.
Le Gouvernement partage pleinement votre constat, lequel a justifié le lancement, en mars 2023, d'une stratégie interministérielle contre la conduite addictive. Celle-ci s'inscrit dans une logique d'action jusqu'en 2027 et repose sur trois piliers : prévention, prise en charge et réduction des risques et des dommages.
Ce cadre d'action donne toute sa place aux innovations thérapeutiques lorsqu'elles apportent des réponses plus adaptées à certains profils de patients.
Vous avez raison de souligner le potentiel du Buvidal, forme de buprénorphine à action prolongée. Il constitue, selon de nombreux professionnels, une avancée thérapeutique utile pour certains patients, en complément de l'offre existante. C'est pourquoi le ministère de la santé, s'appuyant sur les équipes de la direction générale de la santé, suit avec attention son développement, son évaluation et son accessibilité.
Je tiens à souligner qu'une première enveloppe pérenne de 1 million d'euros a été mise en place dès l'an dernier afin de soutenir les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) volontaires pour amorcer le déploiement de ce traitement dans les territoires. Cette enveloppe a été répartie en fonction des besoins exprimés localement.
Nous sommes toutefois lucides : cette première étape ne permet pas encore de répondre à l'ensemble des besoins, notamment pour garantir une équité d'accès sur tout le territoire. Les disparités régionales que vous mentionnez sont bien réelles et préoccupantes.
Le Gouvernement entend y remédier ; c'est le sens des travaux qui ont été engagés pour réexaminer les modalités de financement du traitement dans le cadre d'arbitrages budgétaires concernant les crédits alloués aux Csapa. Vous pouvez compter sur ma détermination dans ce dossier.
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