Question de Mme DANIEL Karine (Loire-Atlantique - SER) publiée le 22/05/2025
Mme Karine Daniel appelle à nouveau l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la question du pass numérique.
En février 2024, elle attirait l'attention du Gouvernement sur la mise en liquidation judiciaire de la société APTIC, éditrice du pass numérique. Un an après, les inquiétudes que nous exprimions se confirment, et la situation s'aggrave.
Pour rappel, le pass numérique est un outil essentiel de lutte contre l'illectronisme. C'est un véritable levier d'inclusion pour les 13 millions de nos concitoyens encore éloignés du numérique, qu'il s'agisse de demandeurs d'emploi, de seniors, de personnes en situation de handicap ou de jeunes en difficulté.
Depuis son lancement, ce dispositif a permis à plus de 400 000 personnes d'être accompagnées, grâce à l'engagement de centaines de structures de médiation numérique sur tout le territoire. Mais depuis la défaillance d'APTIC en janvier 2024, ces structures sont dans une impasse : prestations non remboursées, chèques non honorés, incertitudes sur la pérennité du dispositif... La fracture numérique, elle, n'a pas disparu.
Or, en 2025, aucune solution pérenne et lisible n'a encore été mise en place à l'échelle nationale. Si certaines collectivités tentent de reprendre le flambeau, la coordination fait défaut, et nombre d'acteurs locaux sont contraints de réduire leurs actions, voire de cesser leur activité. Ce sont les plus fragiles qui en paient le prix.
Elle lui demande quelles mesures concrètes le Gouvernement entend prendre pour assurer la continuité et la pérennisation du pass numérique, la compensation financière due aux structures lésées par la liquidation d'APTIC et un pilotage national clair de la politique d'inclusion numérique, avec des moyens à la hauteur de l'enjeu.
Il ne peut y avoir de cohésion sociale sans accès au numérique pour toutes et tous.
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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'intelligence artificielle et du numérique publiée le 11/06/2025
Réponse apportée en séance publique le 10/06/2025
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, auteure de la question n° 553, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Karine Daniel. Ma question porte sur le pass numérique et sur l'échec de l'opérateur Aptic.
Voilà plus d'un an maintenant que nous avons assisté à la liquidation de la société Aptic, qui éditait le pass numérique, destiné notamment à lutter contre l'illectronisme. Alors que 13 millions de nos concitoyens sont éloignés du numérique, 400 000 d'entre eux avaient bénéficié de ce dispositif.
Aujourd'hui, les structures qui ont dispensé les formations et agi en faveur de l'inclusion numérique restent sans nouvelles de la société Aptic, dont elles sont créancières : elles n'ont pas été rémunérées et, pour certaines, elles sont en grande difficulté. Nous attendons une réponse à ce sujet, et une issue favorable.
Quel est le dispositif censé remplacer le pass numérique en 2025 ? Est-ce aux collectivités locales de s'y substituer, sachant que leur situation financière est difficile et que, le cas échéant, se poserait la question de l'équité d'accès à cette politique de lutte pour l'inclusion numérique ? Quelle égalité d'accès peut-on assurer dans un tel contexte ?
En somme, quelle est la pérennité du dispositif ? Quelles compensations financières sont prévues pour les structures concernées ? Quelle politique pour l'inclusion numérique ? Quelle égalité d'accès ? Il y va de la cohésion sociale.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Madame la sénatrice, la lutte contre l'illectronisme est un enjeu majeur, sur lequel le Gouvernement se mobilise depuis plusieurs années et auquel je suis particulièrement attachée, notamment à l'heure de l'intelligence artificielle.
Le pass numérique était un dispositif visant à former aux usages du numérique. Il fut généralisé en 2019 grâce au soutien apporté par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) aux collectivités territoriales pour l'achat de ces pass. Au total, plus de 21 millions d'euros - 11,6 millions de l'État, 10,2 millions des collectivités - ont été mobilisés dans l'objectif d'accompagner 440 000 personnes éloignées du numérique.
Cependant, malgré les efforts consentis, le dispositif s'est heurté à de nombreuses difficultés. La crise du covid-19 a entraîné la fermeture des lieux d'accueil durant dix-huit mois ; des contraintes juridiques obligeaient les collectivités commanditaires à constituer des régies de distribution ; des délais de latence ont été observés dans la labellisation des lieux et la distribution des pass ; le dispositif était gourmand en ressources humaines.
Dans les faits, les crédits parvenaient difficilement aux structures et seules 40 000 personnes, sur les 440 000 visées, ont pu bénéficier du pass : c'est dix fois moins que l'objectif initial. Face à l'accumulation des critiques envers le modèle proposé par Aptic, il a donc été annoncé, fin 2023, qu'aucun nouvel appel à projets ne serait lancé.
Cela étant, le Gouvernement reste très engagé dans la lutte contre l'illectronisme et déploie de nombreux autres dispositifs.
Je pense au dispositif des conseillers numériques, lancé dès 2021 pour former les Français au numérique du quotidien.
C'est un succès : 5 millions d'accompagnements ont été dispensés par les près de 4 000 conseillers numériques en poste. À l'occasion de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, vous le savez, nous avons beaucoup oeuvré pour maintenir une enveloppe de 40 millions d'euros visant à préserver ce réseau dans un contexte budgétaire très difficile. Cette enveloppe permettra de préserver la présence sur le terrain de près de 3 000 conseillers numériques. Le renforcement des modèles économiques des structures de médiation numérique reste une priorité pour assurer leur pérennité, compte tenu du contexte budgétaire que je viens d'évoquer.
Vous pouvez compter sur la mobilisation du Gouvernement et sur mon implication personnelle pour accompagner les collectivités dans cette démarche et dans ces réflexions.
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour la réplique.
Mme Karine Daniel. Je vous remercie de cette réponse, madame la ministre.
Cela étant, vous évoquez un chiffre de 3 000 conseillers numériques pour l'ensemble du territoire : voilà manifestement soulevée la question de l'accès - et de l'égalité d'accès - à ce dispositif, notamment pour les territoires ruraux et les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Par ailleurs, lorsqu'un dispositif ne marche pas ou se révèle perfectible, on cherche comment l'améliorer. Sa simple suppression ne saurait être une fin en soi, d'autant qu'elle crée des difficultés pour les structures d'accompagnement - je note qu'à cette question vous n'avez pas vraiment répondu.
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