Question de Mme GARNIER Laurence (Loire-Atlantique - Les Républicains) publiée le 29/05/2025
Mme Laurence Garnier attire l'attention de M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation sur la conséquence du classement en zone agricole "A" dans le cadre de l'élaboration d'un plan local d'urbanisme. Le plan d'occupation des sols (POS) a été remplacé par le plan local d'urbanisme (PLU) dans le cadre de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (dite loi SRU). Toutefois, les plans d'occupation des sols (POS) ont longtemps continué à être appliqués avant la mise en place progressive des PLU.
Avant la généralisation des PLU, les directives centrales préconisaient déjà de diminuer l'urbanisation des « écarts » avec pour conséquence le déclassement de certaines zones des hameaux de « U » (zone à urbaniser) à « A » (espace agricole).
En conséquence, ce changement de zone a affecté les ressources de nombreuses communes rurales dans la mesure où toutes les ventes immobilières de propriétés dans ces zones « A » ont privé les communes concernées des droits de mutation afférents au profit des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER).
La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (loi ALUR) et la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (loi climat et résilience) ont renforcé les contraintes en compliquant aujourd'hui la finalisation des nouveaux PLU en cours de validation en amplifiant le mouvement initié précédemment : seuls les centre-bourgs sont ainsi classés en zone « U »; les hameaux, dans de nombreux cas (par exemple la commune de Saint-Molf en Loire-Atlantique est confrontée à cette situation), ont désormais été classé en zone « A ».
Ce mouvement généralisé du passage en zone A et la perte de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) au profit des SAFER est une conséquence perverse des lois précitées et aboutit d'une part à un enrichissement sans cause des SAFER dont l'objet est la régulation des prix de vente des terres agricoles ou des espaces forestiers (certainement pas du prix des habitations), et d'autre part, et surtout, à un appauvrissement insupportable des ressources des communes qui se voient amputées d'une part significative de leurs ressources.
Elle lui demande comment le Gouvernement entend corriger cette anomalie qui fracture encore un peu plus nos territoires ruraux délaissés au profit des entités urbaines. Il est impératif de répondre concrètement aux difficultés soulevées par élus locaux.
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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé de la ville publiée le 11/06/2025
Réponse apportée en séance publique le 10/06/2025
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, auteure de la question n° 560, adressée à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Mme Laurence Garnier. Madame la ministre, quand les maires élaborent leur plan local d'urbanisme (PLU), ils sont incités, parfois contraints, à déclasser des espaces à urbaniser, classés « U » dans leurs documents d'urbanisme, pour les basculer en espaces agricoles, classés « A ».
Cette bascule a vocation à préserver les espaces naturels et agricoles dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux, dite loi zéro artificialisation nette (ZAN), laquelle exigerait d'ailleurs quelques évolutions ; c'est l'objectif de la proposition de loi sénatoriale visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace), mais je ne m'y attarde pas.
Ces changements de classement ont des conséquences très importantes pour les finances des communes concernées. En effet, lorsqu'une parcelle relève d'un classement en zone à urbaniser, sa vente entraîne la perception de droits de mutation, dont une partie abonde les finances communales. Au contraire, lorsqu'elle est basculée en zone agricole, les communes sont privées de ces droits de mutation au profit de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer).
C'est le cas, par exemple, de la commune de Saint-Molf, dans la Loire-Atlantique, dont le maire a dû convertir des espaces à urbaniser en espaces agricoles. Ce faisant, il enrichit la Safer et appauvrit sa propre commune. Voilà la forme de schizophrénie que l'on exige de nos élus locaux...
Madame la ministre, comment comptez-vous corriger cette anomalie, afin de redonner à nos communes l'autonomie financière nécessaire pour mener à bien leurs projets ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Madame la sénatrice Laurence Garnier, comme vous le savez, l'urbanisme est l'une des compétences principales des collectivités locales. Ainsi, les décisions qui sont prises pour l'élaboration des PLU s'appuient sur le code de l'urbanisme et sur les lois que vous avez citées, mais ces choix sont aussi et surtout pris en fonction de l'appréciation de la configuration des lieux et des circonstances locales.
En l'occurrence, en ce qui concerne les hameaux existants, le choix de leur zonage doit faire l'objet d'une justification précise dans le rapport de présentation du PLU. Le juge administratif en contrôle les erreurs manifestes d'appréciation. Le classement d'un hameau en zone A ne peut ainsi se justifier qu'en cas de potentiel agricole, par exemple en raison de la qualité du site ou de son éloignement de l'enveloppe urbaine.
Dans son projet de PLU, arrêté en janvier dernier, la commune de Saint-Molf, que vous évoquez, a fait le choix de classer certains hameaux en zone A, avec un sous-secteur Aap spécifique. Cette décision a été prise, parce que la collectivité avait déterminé qu'un certain nombre de ses hameaux devaient être protégés au vu de leur potentiel de continuité écologique.
Du reste, le classement en zone A d'un terrain ne signifie aucunement une perte automatique de la perception par les collectivités des droits de mutation à titre onéreux en cas de vente ; cela signifie simplement que les Safer peuvent y exercer leur droit de préemption, comme sur une zone délimitée naturelle et forestière, une zone agricole protégée ou encore un périmètre de protection des espaces agricoles et naturels périurbains. Plus globalement, les Safer peuvent exercer leurs prérogatives - préemption, mais surtout acquisitions amiables par substitution - sur les biens ruraux, terres et exploitations agricoles, impliquant ainsi une exonération pour les acquéreurs de versement des droits de mutation.
Si les Safer sont effectivement intervenues en 2023 sur 20 % des terrains vendus, ces opérations sont soumises à contrôle strict des commissaires de gouvernement chargés de l'agriculture et des finances, qui vérifient précisément la légitimité de l'intervention des Safer au regard des missions de services et de l'absence de perception de ces droits.
Le Gouvernement se réfère donc à ces textes de loi et aux opérations de contrôle menées par lesdits commissaires.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour la réplique.
Mme Laurence Garnier. Je vais prendre le temps de relire votre réponse, qui est très technique - c'est toujours le cas en matière d'urbanisme. Je me permets toutefois de vous faire part du désarroi du maire de Saint-Molf et de nombre de ses collègues devant cette situation. Ils estiment qu'il s'agit plus d'une contrainte que d'un choix libre.
Les communes ne perçoivent plus la taxe d'habitation et ont perdu leur autonomie financière ; il est temps de restaurer leur autonomie fiscale.
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