Question de M. LAFON Laurent (Val-de-Marne - UC) publiée le 12/06/2025

Question posée en séance publique le 11/06/2025

M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Laurent Lafon. Hier matin, une jeune femme, surveillante au collège Françoise-Dolto de Nogent, a été assassinée, poignardée par un adolescent de 14 ans. Elle s'appelait Mélanie, avait 31 ans et était mère d'un petit garçon de 4 ans.

En notre nom à tous, M. le président du Sénat a rendu à cette jeune femme un hommage que je tiens à prolonger par cette question.

Le meurtre de Mélanie n'est malheureusement pas un cas isolé. On ne compte plus, hélas ! les homicides à l'arme blanche commis par des adolescents ou par de jeunes adultes. On ne compte plus, hélas ! leurs victimes : Elias, Lorène, Thomas, Sékou, Inès, Mélanie, Enzo... Ma crainte est d'en oublier.

La multiplication de ces homicides montre que nous sommes confrontés, non pas à des faits divers isolés, mais à un fait de société. Nous sommes face à une vague qui n'en finit pas de monter, au point de nous submerger.

Songeons que l'auteur de ce meurtre était inconnu des services de police comme de la justice ; qu'apparemment il n'était pas suivi par les services sociaux ou médicaux ; et qu'il est passé, en l'espace de quelques semaines, d'une violence que l'on pourrait qualifier de classique, ou d'ordinaire, entre adolescents, au meurtre d'un adulte.

Monsieur le Premier ministre, personne ici ne vous dira qu'il est facile de relever le défi auquel nous devons collectivement faire face : celui d'une violence débridée ; d'une violence qui touche une partie de notre jeunesse, pour laquelle le monde virtuel, celui des jeux vidéo et d'internet, se confond avec le monde réel, faisant sauter tous les verrous entre la violence imaginée et le passage à l'acte, entre la violence verbale et une violence physique extrême.

Cela étant, nous ne pouvons rester inactifs. Vous avez, dès hier, annoncé plusieurs mesures. Pourriez-vous revenir cet après-midi sur deux questions que nous sommes nombreux à nous poser dans cet hémicycle : premièrement, peut-on aller jusqu'à limiter, voire interdire, les réseaux sociaux aux plus jeunes ? Deuxièmement, comment responsabiliser davantage les parents ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 12/06/2025

Réponse apportée en séance publique le 11/06/2025

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le président Laurent Lafon, le président du Sénat vient de dire à quel point ce drame nous a tous emplis d'effroi.

Mme la ministre d'État Élisabeth Borne était hier auprès des éducateurs et des parents d'élèves de ce collège de Nogent, en Haute-Marne. Nous parlons d'une petite ville de 3 500 habitants et d'un établissement de taille familiale, qui compte 320 élèves. C'est dire si les clichés habituellement répandus, cantonnant ces violences dans certains milieux urbains et sociaux, sont en l'occurrence inopérants.

Vous avez tout à fait raison de parler d'un débordement de violence. Ce phénomène se traduit dans les chiffres : le nombre d'homicides commis par des mineurs a été multiplié par trois ou quatre au cours de la dernière décennie. En outre - je suis évidemment d'accord avec vous -, on ne peut pas éluder ce problème. On ne peut pas se contenter de déplorer.

En la matière, il y a trois directions à suivre.

Premièrement, il faut s'intéresser aux armes. Qu'il s'agisse de la détention ou du port d'armes par des mineurs, en particulier par des adolescents, nous sommes face à une véritable vague. Cette situation n'est pas normale. Nous allons donc interdire la vente de ces armes aux mineurs, même si cette mesure ne suffira pas à empêcher des drames comparables à celui d'hier.

En parallèle, nous allons multiplier les contrôles de port d'arme - je rappelle que l'assassinat survenu hier a précisément eu lieu lors d'un tel contrôle, mené par gendarmerie. Nous en avons conduit 6 500 au cours des trois derniers mois : ils ont permis la saisie de près de 200 couteaux et de plus de 200 autres armes par destination.

Nous allons interdire la vente de ces armes par des procédés assez simples. En particulier - il s'agit, à ce titre, de la mesure la plus importante -, on ne pourra plus livrer via internet des colis contenant ce type d'arme sans la signature d'un adulte. Dès lors, le contrôle de l'achat ne posera plus de difficulté.

Deuxièmement, nous devons nous intéresser aux auteurs de ces actes, car il n'y a pas seulement l'arme : il y a aussi la main qui tient l'arme.

Nous avons un énorme travail à conduire pour la protection de la santé mentale des jeunes, et en particulier des collégiens. (M. Olivier Cigolotti acquiesce.) Le collège peut être un moment où tout dérive, où l'adolescence bascule, parfois, comme vous le disiez, en quelques jours.

Ce garçon était référent harcèlement dans son collège. Cela signifie qu'il était investi de confiance pour lutter contre le harcèlement. Il n'était pas considéré comme un enfant à problème.

À cet égard, tous les signes avant-coureurs doivent être identifiés. Il faut mener un travail de formation de tous les enseignants, et même des élèves, pour que l'on détecte immédiatement les jeunes qui sont en train de basculer. Lorsqu'un élève se referme sur lui-même, lorsqu'il ne parle plus, il y a un risque, il y a un danger.

Troisièmement et enfin, il faut traiter la question des réseaux sociaux.

Comme vous le savez, nous avons réussi à imposer aux sites pornographiques de vérifier l'âge de leurs visiteurs ; mais, en la matière, l'épreuve de force se poursuit entre le Gouvernement français et les responsables de ces sites. Il n'est pas facile de faire respecter la loi.

Peut-on aller plus loin en matière de numérique ? Le Président de la République s'est prononcé à plusieurs reprises pour l'interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans. Cette question est certes de la compétence de l'Union européenne, mais le chef de l'État l'a répété hier soir : si l'Union européenne ne nous suit pas, nous prendrons nos responsabilités en ouvrant ce chemin pour la France. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, INDEP et UC.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour la réplique.

M. Laurent Lafon. Merci, monsieur le Premier ministre, de votre réponse.

Je tiens également à vous signaler une proposition de loi que notre assemblée a votée à l'unanimité. Par ce texte, nous ne prétendons pas résoudre tous les problèmes ; nous souhaitons simplement envoyer un certain nombre de messages à ceux qui sont les plus affectés par la situation, à savoir le personnel éducatif au sein de nos établissements scolaires.

Cette proposition de loi vise à protéger nos écoles. Elle n'attend que d'être examinée par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

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