Question de M. GROSVALET Philippe (Loire-Atlantique - RDSE) publiée le 12/06/2025

Question posée en séance publique le 11/06/2025

M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Philippe Grosvalet. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, la semaine dernière, lorsque vous étiez auditionné par la commission des affaires économiques, je vous interrogeais sur la proposition de loi instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches. C'est demain que nous examinerons ce texte, qui concerne celles et ceux qui possèdent un patrimoine supérieur à 100 millions d'euros.

Selon les travaux de Gabriel Zucman, que vous qualifiez vous-même de « brillant économiste », ces immenses fortunes échappent au caractère progressif de l'impôt sur le revenu. Vous m'aviez alors répondu, entre autres, craindre l'exil fiscal, relayant ainsi un sempiternel refrain que réfutent pourtant un ensemble d'études scientifiques, à l'instar de la tribune, publiée ce matin même dans Le Monde, cosignée par Gabriel Zucman, Olivier Blanchard et Jean Pisani-Ferry.

Je pense, au contraire, qu'une telle imposition serait l'occasion, pour ces très grandes fortunes, de faire valoir très concrètement leur fibre patriotique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. - Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Monsieur le ministre, mes chers collègues, comment expliquerons-nous aux près de 40 millions de foyers fiscaux français que les 0,005 % des contribuables les plus fortunés seraient exemptés de l'effort demandé à la Nation ? Comment leur expliquerez-vous que vous vous apprêtez à mettre en oeuvre la TVA dite sociale tout en nous privant d'un potentiel de recettes de 20 milliards d'euros ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes GEST, SER et CRCE-K. - M. Franck Dhersin et Mme Isabelle Florennes applaudissent également.)

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 12/06/2025

Réponse apportée en séance publique le 11/06/2025

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Philippe Grosvalet, quel est le défi auquel notre pays doit faire face ? C'est de produire plus !

En effet, le PIB par habitant est maintenant de près de 20 % plus faible en France que chez nos voisins en Europe, alors même que notre niveau de dépense publique est supérieur. Or si nous voulons produire plus, nous avons besoin d'entreprises et d'entrepreneurs. (Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

Voilà pourquoi, sous l'autorité du Premier ministre, nous élaborons des mesures, qui seront dévoilées à la mi-juillet, visant à soutenir les entreprises sans alourdir l'impôt sur les entreprises et sur les personnes. (M. Akli Mellouli s'exclame.)

J'ai lu la tribune que vous avez mentionnée et je confirme mon respect pour Gabriel Zucman. Cependant, si une telle taxe était mise en place, nous nous exposerions à deux risques.

Le premier est que, vu le niveau d'imposition proposé, les entrepreneurs doivent vendre, petit à petit, des parts de leur entreprise. (Protestations renouvelées sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.) Bien sûr que oui !

Le second risque, qui est le principal, quoi qu'en disent les uns et les autres, est celui de la délocalisation.

M. Rachid Temal. Un peu de sérieux !

M. Mickaël Vallet. Les voilà, les patriotes, les vrais !

M. Éric Lombard, ministre. En effet, tout comme moi, vous avez constaté l'ampleur des délocalisations qui ont eu lieu lorsque, à deux reprises, l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) était importé dans notre pays, entraînant le départ de nombreux patrimoines. Aujourd'hui, avec la libéralisation de toutes les règles et la concurrence fiscale entre les pays, à n'en pas douter, nous assisterions à l'exil des grandes fortunes, ce qui serait préjudiciable à l'investissement comme à nos ressources fiscales.

Cela étant, nous réfléchissons à la contribution des patrimoines importants à l'effort d'ensemble. (Protestations sur les travées du groupe GEST.) Je vous concède ce point, monsieur le sénateur. C'est pourquoi, avec ma collègue Amélie de Montchalin, je cherche à traiter les niches privilégiant ceux qui ont déjà les avantages de la fortune et des revenus. Nous préférons, dans ce cadre, les mécanismes de lutte contre la suroptimisation aux mesures qui risqueraient de priver notre pays de son avantage en termes d'attractivité, puisqu'il est la première destination pour les investissements en Europe depuis maintenant six ans. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et INDEP.)

M. Patrick Kanner. Il faut un engagement !

M. Hussein Bourgi. Cela fait six mois qu'on attend !

M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour la réplique.

M. Philippe Grosvalet. Au début du siècle dernier, mon groupe parlementaire accueillait une figure majeure de l'histoire des réformes fiscales de notre pays : Joseph Caillaux, ministre des finances et longtemps président de la commission des finances, ici même.

M. Emmanuel Capus. Cela n'a rien à voir avec la question !

M. Philippe Grosvalet. Il lui aura fallu batailler pendant de longues années pour convaincre le Sénat du bien-fondé de l'impôt sur le revenu, alors que les députés l'avaient voté cinq ans plus tôt.

M. Emmanuel Capus. Rien à voir !

M. Philippe Grosvalet. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la nuit porte conseil...

M. le président. Il faut conclure : le temps aussi porte conseil !

M. Philippe Grosvalet. Il nous reste vingt-quatre heures : n'attendons pas cinq années de plus, cinq années de trop, pour voter une telle mesure ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes GEST et SER. - Mmes Élisabeth Doineau et Nathalie Goulet applaudissent également.)

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