Question de M. CHAUVET Patrick (Seine-Maritime - UC) publiée le 19/06/2025
Question posée en séance publique le 18/06/2025
M. le président. La parole est à M. Patrick Chauvet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Patrick Chauvet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. J'y associe ma collègue Catherine Morin-Desailly, qui a beaucoup travaillé sur la régulation des grandes plateformes numériques.
Vendredi dernier, le tribunal pour enfants de Nanterre a condamné deux garçons de 14 ans pour le viol, à caractère antisémite, d'une jeune fille de 12 ans. Quel est le rapport avec votre portefeuille ? Le procès a révélé, sans surprise, que les auteurs de cet acte odieux étaient abreuvés de haine sur les réseaux sociaux.
Avec l'émergence des plateformes, les cas de harcèlement, d'agressions et de violences en ligne se multiplient. Depuis vingt ans, les dangers que font peser ces réseaux sur la société sont régulièrement dénoncés. C'est pourquoi le Président de la République propose désormais d'en interdire l'accès aux moins de 15 ans.
Mais une autre question se pose, plus simple encore : ne faut-il pas, plus globalement, interdire l'anonymat, qui, bien souvent, en donnant l'illusion de l'impunité, permet le déchaînement des pulsions les plus violentes sur les réseaux ? On invoque souvent la liberté d'expression pour le justifier, mais cet argument ne tient pas. La liberté d'expression va de pair avec la responsabilité. Or l'anonymat en ligne permet trop souvent d'échapper à toute forme de responsabilité.
Dans les faits, cet anonymat est largement illusoire. Quand il faut identifier un auteur, on y parvient en retrouvant son adresse IP, mais c'est souvent trop tard, le mal étant déjà fait. Supprimer l'anonymat, c'est agir en amont, de manière préventive. Un peu de transparence peut être apaisante et contribuer à une société plus sereine.
Madame la ministre, combien de drames faudra-t-il encore ? Combien de temps allons-nous encore attendre avant d'agir ? L'interdiction de l'anonymat sur les réseaux sociaux fait-elle partie des pistes envisagées par votre ministère ? Si oui, comptez-vous interroger la Commission européenne sur la compatibilité d'une telle mesure avec le droit européen ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - Mme Catherine Conconne et M. Pierre Jean Rochette applaudissent également.)
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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'intelligence artificielle et du numérique publiée le 19/06/2025
Réponse apportée en séance publique le 18/06/2025
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur Patrick Chauvet, je vous remercie de cette question, qui est très importante, parce qu'elle touche nombre de nos concitoyens.
Le déversement de haine en ligne, c'est bien une réalité ; je sais qu'en tant que personnalité publique vous êtes directement confronté à ce phénomène. Il conduit à du cyberharcèlement, à de l'isolement, à de la détresse, et parfois au pire. Je pense notamment aux plus jeunes, qui peuvent commettre l'irréparable après des attaques en ligne.
Oui, il faut regarder la situation en face : le déversement de haine en ligne s'appuie quelquefois sur le pseudonymat, qui peut donner un sentiment d'impunité à ses acteurs. Pourtant, l'anonymat est utile à certains, qui peuvent ainsi s'exprimer alors qu'ils en seraient empêchés sans cela.
Pour autant, il faut être clair, et vous l'avez été, monsieur le sénateur, il n'y a pas d'anonymat en ligne. En effet, aujourd'hui, les plateformes sont responsables de la collecte des informations de connexion, notamment des adresses IP, et sont chargées d'en faire bon usage quand il y a besoin.
Il n'y a pas d'anonymat en ligne, pas plus qu'il n'y a d'impunité, il faut le répéter. Après que Thomas Jolly a été victime de cyberharcèlement, sept personnes ont été condamnées ; des peines de prison de plusieurs mois avec sursis ont même été prononcées.
Reste que, vous l'avez dit, la situation est ce qu'elle est. Je mesure la détresse que de nombreux concitoyens ressentent sur les réseaux sociaux face à ce qui s'y passe.
Nous avons fait beaucoup : je pense à Pharos (plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements),...
M. Alexandre Basquin. Pharos manque de moyens !
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. ... au parquet national numérique, à la loi dite Sren, visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique, qui permet le bannissement des réseaux sociaux, ou au DSA (Digital Services Act), qui fait porter la responsabilité sur les plateformes, mais qui n'est pas pleinement satisfaisant, la détresse étant, elle, bien réelle.
Oui, il faut envisager toutes les options, à commencer par interdire les réseaux sociaux avant 15 ans, pour protéger les plus jeunes. C'est un combat que je mènerai avec tous mes collègues du Gouvernement.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Nous sommes attachés à faire de notre combat contre la haine en ligne une réalité. (M. Stéphane Demilly applaudit.)
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