Question de M. HUSSON Jean-François (Meurthe-et-Moselle - Les Républicains) publiée le 26/06/2025

Question posée en séance publique le 25/06/2025

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - Mme Colombe Brossel et MM. Ian Brossat et Franck Dhersin applaudissent également.)

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, cela ne vous surprendra pas, ma question porte sur la fraude aux arbitrages de dividendes, dite fraude « CumCum »,...

M. Albéric de Montgolfier. Un scandale !

M. Jean-François Husson. ... et sur le texte d'application du dispositif de lutte antifraude que le Sénat a adopté à l'unanimité - je vous le rappelle - lors de l'examen du dernier projet de loi de finances.

Monsieur le ministre, à deux reprises, le président de la commission des finances, Claude Raynal, et moi-même vous avons écrit pour vous indiquer notre opposition au texte d'application - une instruction - que vous comptiez publier ; mais vous avez décidé de passer outre.

J'ai découvert, à l'occasion du contrôle sur place et sur pièces que j'ai effectué à Bercy jeudi dernier, que vos administrations elles-mêmes vous recommandaient de ne pas publier ce texte. Je les cite : « Les directions de la législation fiscale et des finances publiques sont d'avis de ne pas répondre à la Fédération bancaire française sur ce point qui était le plus controversé au Sénat [...] et compte tenu de l'intention du législateur. »

Ma question est donc simple : de quelle légitimité démocratique vous prévalez-vous pour maintenir ce texte d'application alors qu'il est refusé par le Parlement, ce que même vos administrations semblent comprendre ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, RDSE, SER, GEST et CRCE-K.)


Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 26/06/2025

Réponse apportée en séance publique le 25/06/2025

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le rapporteur général de la commission des finances, je vous remercie de me donner l'occasion d'apporter des précisions sur le sujet dont vous parlez.

La fraude dite « CumCum » consiste, pour un non-résident, à éviter l'imposition sur les dividendes en transférant les titres à un intermédiaire qui, lui, n'est pas tenu de payer la retenue à la source. Voilà ce dont il s'agit.

Quel est l'objet du texte incriminé ? Il est de lutter contre la fraude - et, en la matière, je partage évidemment tout à fait votre objectif - tout en permettant à nos entreprises de continuer d'accéder au financement de marché.

Je veux dire avant tout que nous n'avons pas attendu les révélations faites par la presse en 2018 pour conduire des contrôles : dans le respect du secret fiscal, auquel je suis tenu,...

M. Fabien Gay. Oh !

M. Éric Lombard, ministre. ... je puis vous dire que les premiers contrôles ont été réalisés en 2017 et ont conduit à plusieurs dépôts de plainte ainsi qu'à une dénonciation fiscale auprès du parquet national financier. Le 28 mars 2023, cinq établissements bancaires ont fait l'objet de perquisitions dans le cadre d'enquêtes visant des délits de fraude fiscale aggravée et de blanchiment. La main de l'État ne faiblira pas !

Pour ce qui est du texte d'interprétation que vous évoquez, paru au Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) le 17 avril dernier, je veux commencer par rappeler qu'il est normal que l'administration commente les dispositions fiscales nouvelles d'une loi de finances.

Pour ce qui est des précisions qui font aujourd'hui polémique, le Gouvernement a eu l'occasion, lors des débats parlementaires, de souligner la nécessité de préciser le dispositif envisagé, et le texte a fait l'objet d'une concertation avec les banques de la place, mais également avec vous-même. Et, comme vous le signalez, nous avons eu plusieurs échanges oraux et écrits pour préciser les choses.

Pour ce qui est de l'avis de l'administration dont vous faites état, celle-ci n'a pas suggéré de ne pas publier ce texte : elle s'est prononcée sur une précision que, en effet, j'ai préféré maintenir contre son avis, ce qui est mon droit, me semble-t-il, en tant que ministre.

Enfin, et pour conclure, j'indique qu'un recours a été porté contre ce texte devant le Conseil d'État, lequel, en définitive, dira le droit. Mais je suis convaincu qu'en agissant ainsi nous avons respecté le Parlement tout en faisant droit à la nécessité d'expliciter les choses devant le contribuable. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, ce n'est pas une surprise, vous ne m'avez pas convaincu. Du reste, vos administrations, lorsque je les ai auditionnées, m'ont malheureusement confirmé n'avoir reçu, depuis 2018 - vous n'êtes donc pas le seul ministre incriminé -, ni instructions ni commande politique en vue d'insérer dans un projet de loi de finances un article visant à lutter contre la fraude CumCum.

Je rappelle qu'il y en a désormais pour 4,5 milliards d'euros de redressements : cette délinquance en col blanc, nous n'en voulons pas ; elle est inacceptable ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE, SER, CRCE-K et GEST.)

Monsieur le Premier ministre, j'ai entendu hier le doute sérieux que vous avez exposé devant l'Assemblée nationale au sujet de cette fraude massive que nous condamnons. Vous avez rappelé votre attachement au respect du Parlement, qui est souverain par le vote qu'il exprime au nom du peuple français.

M. Bruno Sido. Oui !

M. Jean-François Husson. Reprenant votre principe d'action en matière de finances publiques, et vous rappelant ces vérités, nous vous permettons - mieux : nous vous demandons - d'agir en retirant ce texte. Notre République en serait grandement honorée ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDSE, SER, CRCE-K et GEST.)

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