Question de M. KANNER Patrick (Nord - SER) publiée le 26/06/2025
Question posée en séance publique le 25/06/2025
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, la France a besoin de stabilité dans un contexte international terrifiant ; les Français réclament plus de justice sociale, plus de justice fiscale et une amélioration de leur pouvoir d'achat ; le 19 décembre dernier, à Matignon, lors d'une réunion avec les formations politiques que vous aviez convoquée, vous affirmiez que « le déblocage du pays nécessite de reprendre la réforme du régime des retraites », une réforme injuste imposée brutalement par Mme Borne et rejetée par 85 % de nos concitoyens.
Or, depuis quarante-huit heures, vous vous retrouvez l'otage de l'intransigeance assumée, provocatrice, irresponsable, d'un patronat arc-bouté sur ses intérêts financiers à court terme et refusant de privilégier le paritarisme, gage d'une démocratie sociale efficace.
Des avancées concrètes étaient à portée de main : reconnaissance des carrières hachées, notamment pour les femmes, élargissement du compte pénibilité, accès anticipé à la retraite sans décote, financement sécurisé. La CFDT, la CFTC et la CFE-CGC étaient prêtes à s'engager, le patronat non ; et vous, monsieur le Premier ministre ?
Soyons clairs : nous restons fermement opposés à l'injustice structurelle qu'est l'augmentation de l'âge légal de départ à la retraite. Cet impôt sur la vie, nous continuerons toujours de le combattre avec détermination. Mais l'esprit de responsabilité et l'intérêt de millions de Français nous commandent de donner une chance à la politique des petits pas.
J'en viens à ma question, qui rejoint celle que mon collègue Boris Vallaud vous a posée hier après-midi.
Monsieur le Premier ministre, dans votre lettre du 16 janvier, vous vous disiez prêt à présenter au Parlement les avancées issues des travaux des partenaires sociaux, même sans accord global. Allez-vous donc sortir de l'ambiguïté, de l'impasse actuelle et redonner le dernier mot au Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST. - MM. Ian Brossat et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
Réponse du Premier ministre publiée le 26/06/2025
Réponse apportée en séance publique le 25/06/2025
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le président Patrick Kanner, vous avez rappelé quel était le cadre de la situation et je veux dire à cet égard des choses extrêmement précises.
M. Rachid Temal. Ah !
M. François Bayrou, Premier ministre. Premièrement, il est faux de dire que le « conclave », comme on l'a appelé,...
M. Rachid Temal. Comme vous l'avez appelé !
M. François Bayrou, Premier ministre. ... a été un échec : au contraire ! (Exclamations et applaudissements ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Bernard Jomier. « Il n'a pas marché ! »
M. François Bayrou, Premier ministre. Et nous verrons, je l'espère dans quelques heures, que tel n'est pas le cas.
Vous avez rappelé, à très juste titre, que des avancées très importantes ont été acceptées et voulues - consenties, en tout cas - par tous les acteurs présents autour de la table, les syndicats de salariés que vous avez cités et les représentants des entreprises. Ces avancées très importantes - j'y insiste - allaient dans le sens de ce que souhaitent le Gouvernement et aussi, me semble-t-il, la Nation, c'est-à-dire un équilibre du régime des retraites et le traitement plus juste de certaines situations - je pense par exemple à celle des femmes ayant eu des enfants, sujet très important. (Mme Monique Lubin s'exclame.)
Comme vous le savez, hier matin, après avoir constaté que les participants à cette réunion s'étaient séparés sans accord, je les ai tous invités à venir me rencontrer. Ils sont tous venus, jusqu'à hier soir assez tard.
Je considère, pour ma part, que le chemin existe pour ne rien perdre des avancées qui ont été consenties. Je vais donc continuer à travailler avec eux jusqu'à demain après-midi. Et, demain après-midi, je dirai aux Français quel accord nous pouvons trouver. S'il demeure des points de désaccord, le Gouvernement les tranchera.
Mme Audrey Linkenheld et M. Rachid Temal. Et le Parlement ?
M. François Bayrou, Premier ministre. Ainsi serai-je absolument fidèle au texte que vous avez imparfaitement cité.
M. Fabien Gay. Ah !
M. François Bayrou, Premier ministre. Je me suis engagé, dans l'hypothèse où cet accord emporterait des dispositions législatives, à ce qu'elles soient soumises au Parlement :...
M. Rachid Temal. Dans tous les cas !
M. François Bayrou, Premier ministre. ... elles le seront et le Parlement aura toutes les occasions de s'exprimer sur ce sujet, pour le plus grand bien du pays ; il y va du sentiment moral que nous devons éprouver à l'égard des générations futures. (Vifs applaudissements sur des travées des groupes UC et RDPI.)
M. Rachid Temal. Ce n'est pas sérieux !
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, je ne suis pas vraiment convaincu : j'aurais aimé que vous me répondiez plus clairement en m'assurant que le Parlement réexaminerait l'ensemble de ce dossier des retraites.
Vous vous engagez aujourd'hui à présenter quelques dispositions au Parlement. Je ne sais si c'est la menace de censure qui, en l'espèce, a du bon et vous fait avancer. (Oh ! sur des travées du groupe Les Républicains. - M. Loïc Hervé s'exclame.)
Quoi qu'il en soit, monsieur le Premier ministre, sachez que vous avez intérêt à parler aux républicains, au sens large du terme, de ce pays, plutôt que de vous lier au bon vouloir du Rassemblement national, stratégie qui a coûté cher à votre prédécesseur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Page mise à jour le