Question de M. LONGEOT Jean-François (Doubs - UC) publiée le 05/06/2025
M. Jean-François Longeot attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur au sujet des maires poursuivis en justice pour avoir refusé de célébrer des mariages entre un ressortissant français et un conjoint en situation irrégulière ou visé par une obligation de quitter le territoire français (OQTF), une situation suscitant de nombreuses préoccupations chez nos élus locaux.
Certains maires de notre pays mettent en évidence les réalités de terrains liées aux mariages impliquant des étrangers en situation irrégulière ou sous le coup d'une OQTF. Nos élus locaux se trouvent confrontés à des incohérences juridiques et à une forme d'impuissance institutionnelle. Cette situation leur donne le sentiment d'être de simples exécutants de décisions administratives, parfois contraires au bon sens, ce qui entrave l'exercice de leur mandat.
Il est clair que les maires confrontés à de telles problématiques se sentent abandonnées par l'État. Leur volonté d'assurer la sincérité des unions célébrées ne doit en aucun cas être détournée ou instrumentalisée. En défendant les valeurs fondamentales de l'institution du mariage, ils se retrouvent démunis. Le mariage est un engagement entre deux personnes sincères et qui ont fait le choix de s'engager à vie ensemble, mais ne devrait jamais être utilisé comme moyen pour régulariser une situation administrative. Il est compréhensible que certains soupçons puissent s'avérer infondés, mais il est tout aussi inapproprié de condamner systématiquement les doutes ou les oppositions à ce sujet.
Les maires refusant de célébrer les mariages qu'ils estiment frauduleux font l'objet de poursuites judiciaires. Le droit français ne permet pas aux élus de refuser une union uniquement en raison du statut administratif d'un futur conjoint. Pourtant, dans ce cas, de nombreux maires cherchent avant tout à préserver la valeur symbolique et morale du mariage, refusant qu'il soit détourné à des fins administratives.
Dans ce contexte, il lui demande de préciser : comment pouvons-nous créer des protocoles permettant une collaboration entre les maires et les préfectures afin de repérer les profils douteux et exclure toutes responsabilités des maires ? Par quels moyens est-il possible de concilier respect des droits individuels, lutte contre les mariages frauduleux et protection de l'intégrité des élus locaux ? Quelles garanties juridiques peut-on mettre en place pour qu'un maire refusant un mariage en s'appuyant sur des faits concrets et en agissant en conscience soit présumé de bonne foi et protégé de toute poursuite injustifiée.
- page 2904
Transmise au Ministère de l'intérieur
Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 06/11/2025
Depuis 2003, les pouvoirs publics se sont engagés dans une politique de lutte contre les mariages simulés en renforçant les possibilités de vérifications préalables à la célébration du mariage et les conditions d'admission au séjour pour les ressortissants étrangers qui se prévalent de leur qualité de conjoint de Français. Le dispositif de lutte a priori contre les mariages frauduleux fait l'objet d'un arsenal législatif. Crée par la loi du 30 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration et modifiant le code civil, il a été renforcé par la loi du 26 novembre 2003 relative à l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, celle du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité du mariage ainsi que par la loi du 21 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Ce dispositif impose au maire de saisir sans délai le procureur de la République, lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer que le mariage est susceptible d'être annulé pour défaut d'intention matrimoniale (article 175-2 du code civil). Aux fins de vérification de la réalité de l'intention matrimoniale des époux, la publication des bancs (ou la célébration du mariage en cas de dispense de publication de bans) est subordonnée au respect de deux conditions cumulatives : la constitution d'un dossier et l'audition préalable des futurs époux (articles 63 et 171-2 du code civil). Les maires, garants de l'ordre public matrimonial, exercent leur fonction dans les limites de leurs compétences et sous le contrôle de l'autorité judiciaire. A ce titre, la circulaire relative à la lutte contre les mariages simulés publiée le 22 juin 2010 par le ministère de la justice a précisé que le refus de célébrer un mariage en l'absence d'une décision d'opposition ou de sursis à mariage du parquet constitue une voie de fait et expose le maire à la condamnation à des dommages et intérêts. Dans le cadre des demandes de titres de séjour des ressortissants étrangers conjoints de Français, le service séjour de la préfecture procède à la vérification de la régularité de l'entrée sur le territoire français et à l'effectivité de la communauté de vie avec le ressortissant français. En cas d'indices sérieux sur l'absence d'intention matrimoniale, il en informe le parquet. Enfin, le Conseil constitutionnel a rappelé, dans sa décision n° 2003-484 du 20 novembre 2003, que la liberté du mariage est une composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 et que l'irrégularité du séjour ne peut, à elle seule, faire obstacle au mariage d'un ressortissant étranger sur le territoire français.
- page 5569
Page mise à jour le