Question de M. BARROS Pierre (Val-d'Oise - CRCE-K) publiée le 12/06/2025

M. Pierre Barros interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la fourniture d'armes et l'aide militaire accordées par la France à Israël.

En effet, dans sa décision provisoire sur l'affaire de génocide opposant l'Afrique du Sud à Israël, la Cour internationale de justice (CIJ) a déclaré le 26 janvier 2024 qu'Israël commettait « vraisemblablement » un génocide à Gaza et lui a ordonné de prendre « toutes les mesures en son pouvoir » pour empêcher des actes qui pourraient être assimilés à un génocide contre les Palestiniens de l'enclave.

Aujourd'hui, certains pays comme les Pays-Bas, la Belgique ou l'Espagne ont suspendu leur livraison de matériel militaire à Israël.

Depuis le 7 octobre 2023, date du massacre perpétré par le Hamas sur le territoire israélien, sur ordre du gouvernement de Netanyahou, l'armée israélienne a bombardé sans distinction la bande de Gaza, zone la plus densément peuplée du monde.

Par ailleurs, on observe une fermeture totale de l'enclave, ce qui s'apparente à une punition collective : les Gazaouis sont privés d'eau, d'électricité et de nourriture. Les livraisons de nourriture et d'aide humanitaire sont très largement encadrées et donc réduites, exposant la population à la famine.

Le bilan humain est extrêmement lourd: plus de 53 000 morts, au moins 121 000 blessés. 95% des écoles ont été endommagées.

La France est signataire du traité sur le commerce des armes, qui lui interdit de continuer à exporter du matériel militaire si elle a connaissance « que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l'humanité, des violations graves des conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d'autres crimes de guerre ».

Pourtant, d'après les révélations des médias Disclose et The Ditch, 14 tonnes de pièces détachées pour cartouches de fusil mitrailleur, fabriquées en France par l'entreprise Eurolinks, devaient être livrées à l'entreprise de défense israélienne IMI (Israel Military Industries). Un cargo israélien devait faire escale à Fos le 5 juin 2025, avant de repartir pour le port d'Haïfa. Seule l'intervention de la CGT des Ouvriers Dockers et des Personnels portuaires du Golfe de Fos a empêché cela.

Cette opération n'est pas isolée : il s'agit selon la CGT de la troisième expédition de ce type depuis 2025. Les liens entre IMI et Eurolinks ne sont pas récents. Déjà en mars 2024, le média Disclose révélait qu'Eurolinks avait exporté 100 000 maillons vers Israël.

Aussi, fort de ces nouveaux éléments, il souhaite savoir pourquoi la France poursuit sa livraison d'armes et de matériel militaire depuis le 7 octobre et demande le déploiement d'un embargo sur les armes pour se conformer au droit international.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 11/09/2025

La politique française relative à l'exportation de matériel de guerre repose sur un dispositif de contrôle parmi les plus aboutis et les plus stricts, fondé sur un principe de prohibition conduisant à soumettre l'ensemble des activités dans le domaine de l'armement à autorisation préalable délivrée par les autorités étatiques compétentes. Chaque demande d'exportation fait ainsi l'objet d'un examen interministériel rigoureux conduit dans le respect de nos engagements internationaux, en particulier le Traité sur le commerce des armes (TCA), la position commune 2008/944/PESC modifiée, l'ensemble des conventions ratifiées par la France en matière d'interdiction de l'emploi de certaines armes, ou encore les mesures d'embargo instaurées par le Conseil de sécurité des Nations unies, l'Union européenne (UE) et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). L'objectif est clair : aucune demande qui serait incompatible avec nos engagements européens et internationaux ne saurait être acceptée. Cette évaluation s'applique avec une extrême rigueur aux exportations vers Israël, de la même manière que pour tous les autres pays, en tenant compte des derniers développements sur le terrain et de l'usage qui peut être fait de ses biens. Nous refusons systématiquement l'exportation de tout matériel susceptible d'être détourné et employé de façon contraire au droit international humanitaire. Dans le contexte de l'intensification des opérations israéliennes dans la bande de Gaza en 2024, en dépit des appels répétés de la communauté internationale au cessez-le-feu, la France a progressivement durci les contrôles d'exportations de matériel de guerre à destination d'Israël. Nous n'autorisons aucune exportation d'armes ou munitions destinées à être employées par l'armée israélienne dans la bande de Gaza, au Sud-Liban ou dans les territoires palestiniens occupés. Notre ligne ne souffre d'aucune ambiguité : la France ne vend pas d'armes à Israël. Il faut également rappeler que la France est historiquement un partenaire marginal d'Israël en matière d'exportations de matériel militaire (moins de 0,5 % de nos exportations de défense en 2023). Les matériels exportés vers Israël sont des composants auxquels les Commissions interministérielles pour l'étude des exportations de matériel de guerre (CIEEMG) et des biens à double usage (CIBDU) accordent une vigilance toute particulière, explorant toutes les éventualités d'usage. L'exportation de ces composants se fait au cas par cas, et dans deux cas de figure uniquement : l'exportation de matériels à des fins défensives - comme par exemple des composants pour le Dôme de fer qui protège les populations civiles face aux roquettes du Hamas et aux tirs balistiques iraniens ; et l'exportation de composants pour assemblage final en Israël, avant réexportation vers des pays tiers selon des modalités qui respectent tout autant les engagements internationaux de la France. De cette manière, la France contribue à l'exercice du droit d'Israël à se protéger des attaques sur son sol, tout en s'assurant que les composants qu'elle exporte en Israël ne puissent pas être intégrés dans des systèmes utilisés dans les opérations israéliennes en cours à Gaza et dans les Territoires palestiniens occupés (TPO). La livraison Eurolinks à destination d'Israël correspond au cas du réexport. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a déjà eu l'occasion, à de nombreuses reprises, d'apporter publiquement des éléments de réponse pour faire la lumière sur le même dossier par le passé. Les maillons correspondent à la partie métallique qui relie les munitions entre elles afin de permettre le fonctionnement de certaines armes automatiques. La licence associée à cette commande avait été délivrée à la société française Eurolinks pour un export vers la société israélienne IMI, en 2021 : c'est cette licence qui a donné lieu à des livraisons en 2023. La licence avait été accordée pour des maillons qui sont réexportés depuis Israël vers d'autres pays, dont la France, et non pour une utilisation par les forces armées israéliennes, à Gaza ou ailleurs. Pour ce qui concerne les livraisons de maillons du 3 avril 2025, du 22 mai 2025, ainsi que celle initialement prévue le 5 juin : la France impose une obligation de réexportation. Il s'agit donc du même schéma que la précédente livraison citée ci-dessus. Il va sans dire que l'urgence aujourd'hui est d'obtenir d'un cessez-le-feu immédiat et permanent dans la bande de Gaza et la libération inconditionnelle de tous les otages. La France continue d'oeuvrer à la mise en place de la solution à deux Etats, qui est la seule à pouvoir instaurer une paix et une sécurité durables pour les Israéliens et les Palestiniens.

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