Question de Mme CARRÈRE Maryse (Hautes-Pyrénées - RDSE) publiée le 05/06/2025

Mme Maryse Carrère appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme sur les conséquences des arrêtés ministériels des 16 novembre 2023 et 15 mai 2024 relatifs à la protection des travailleurs exposés au radon, et plus particulièrement sur leur impact sur les grottes touristiques françaises.
Dans le département des Hautes-Pyrénées où grottes, gouffres et autres lieux souterrains notamment prisés par les spéléologues constituent des sites emblématiques du patrimoine naturel, leur fréquentation s'avère être un véritable levier du tourisme local qui a permis à différentes activités économiques de s'installer dans des zones plutôt rurales et de s'y maintenir. Plus largement, le tourisme souterrain français, étant le troisième à l'échelle mondiale, comptabilise plus de 6 millions de visiteurs annuels. Or, les nouveaux textes réglementaires triplent voire quadruplent le coefficient de dose appliqué aux guides, réduisant drastiquement leur temps de travail autorisé en cavité. Les conséquences sont immédiates : charges accrues, horaires d'ouverture réduits, voire risque de fermeture pour près de la moitié des 120 grottes touristiques du pays.

La fédération du tourisme et du patrimoine souterrain (FFTS), qui regroupe 90 % des sites concernés, déplore que ces mesures aient été prises avant même la finalisation des études scientifiques en cours. Le panel d'analyse ne s'est basé que sur deux grottes, ne reflétant ni la diversité géologique ni les spécificités aérauliques des cavités françaises. Par ailleurs, aucun autre État membre de l'Union européenne n'a encore transposé ces recommandations, toujours en cours d'étude à Bruxelles. Il est également regrettable que les références sanitaires reposent sur des données issues de cohortes de mineurs d'uranium, autrement dit dans des conditions de travail très éloignées de celles des guides de grottes touristiques.
Aussi, elle souhaiterait obtenir des précisions quant à l'état d'avancement de l'étude sur le comportement du radon dans les grottes touristiques, lancée en 2022 en collaboration avec la direction générale du travail. Elle souhaite également connaître les mesures qu'elle compte mettre en place pour concilier le maintien de l'activité touristique et économique avec la protection des travailleurs sujets à l'exposition au radon, en tenant particulièrement compte des spécificités de chaque cavité.

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Transmise au Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé du travail et de l'emploi


Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé du travail et de l'emploi publiée le 09/07/2025

Réponse apportée en séance publique le 08/07/2025

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, auteure de la question n° 588, transmise à Mme la ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi.

Mme Maryse Carrère. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les conséquences des arrêtés ministériels des 16 novembre 2023 et 15 mai 2024 relatifs à la protection des travailleurs exposés au radon et, plus particulièrement, sur leur impact sur les grottes touristiques françaises.

Dans les départements des Hautes-Pyrénées et du Lot, où grottes, gouffres et autres lieux souterrains constituent des sites emblématiques du patrimoine naturel, la fréquentation de ces derniers se trouve être un véritable levier du tourisme local, qui a contribué à ce que différentes activités économiques s'implantent dans des zones plutôt rurales, puis s'y maintiennent.

Plus largement, le tourisme souterrain français, le troisième à l'échelle mondiale, attire plus de 6 millions de visiteurs par an.

Or les nouveaux textes réglementaires triplent, voire quadruplent le coefficient de dose appliqué aux guides, réduisant drastiquement leur temps de travail autorisé dans les cavités souterraines. Les conséquences sont immédiates : des charges accrues ; des horaires d'ouverture réduits ; le risque d'une fermeture de près de la moitié des cent vingt grottes touristiques du pays, avec, par suite, une précarisation des salariés.

La Fédération française du tourisme et patrimoine souterrain, qui regroupe 80 % des sites concernés, déplore que ces mesures aient été prises avant même la finalisation des études scientifiques en cours. Le panel d'analyse s'est limité à deux grottes et ne reflète donc ni la diversité géologique ni les spécificités aérauliques des cavités françaises.

Par ailleurs, aucun autre État membre de l'Union européenne n'a encore transposé ces recommandations, qui sont toujours en cours d'étude à Bruxelles.

Aussi, monsieur le ministre, quel est l'état d'avancement de l'étude sur le comportement du radon dans les grottes touristiques, qui a été lancée en 2022 en collaboration avec la direction générale du travail (DGT) ?

Quelles mesures comptez-vous prendre pour concilier le maintien de l'activité touristique et économique avec la protection des travailleurs sujets à l'exposition au radon, en tenant compte particulièrement des spécificités de chaque cavité ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Madame la présidente Maryse Carrère, si vous le permettez, je communiquerai les éléments qui ont été élaborés avec la direction générale du travail, car votre question est à la fois très importante et très précise.

Je n'expliquerai pas ce qu'est le radon, puisque vous l'avez fait. Ce gaz naturel est omniprésent sur la surface de la Terre et propage des particules radioactives. S'il se dilue rapidement dans l'air extérieur, il s'accumule dans l'air intérieur, singulièrement dans les lieux confinés tels que les grottes, où sa concentration peut parfois atteindre jusqu'à plusieurs milliers de becquerels par mètre cube.

Pour mesurer l'exposition au radon, il est nécessaire de calculer la dose de rayonnements auxquels un travailleur est exposé. Au-delà d'une dose de 6 millisieverts par an, l'employeur est tenu d'adopter une démarche de prévention renforcée. Pour faciliter ce calcul, des coefficients de doses sont mis à disposition par l'arrêté ministériel du 16 novembre 2023.

Cet arrêté prévoit deux coefficients - 3 et 6 -, en fonction de l'activité physique, qui valent pour tous les lieux de travail et non pas spécifiquement pour les grottes. Ces coefficients sont des modèles théoriques établis par la commission internationale de protection radiologique, qui est l'autorité scientifique de référence, citée par la directive Euratom.

Le coefficient de 6 se justifie par le fait que plus le débit respiratoire d'un travailleur est important, plus celui-ci inhale du radon et plus il est irradié. Il convient de noter que le code du travail n'impose pas aux employeurs dans les grottes touristiques d'avoir systématiquement recours au coefficient de 6. Il appartient à ces derniers d'apprécier l'activité physique liée à chacun des postes de travail exposant au radon.

Pour les grottes touristiques, l'arrêté du 30 juin 2021 relatif aux lieux de travail spécifiques pouvant exposer des travailleurs au radon ouvre à un employeur qui ne souhaite pas recourir à ces coefficients théoriques la possibilité d'adopter l'une de ces deux méthodes de substitution : soit le mesurage de l'énergie effectivement dégagée par le radon, soit l'utilisation d'un coefficient spécifique aux grottes touristiques établi par l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), sur le fondement des mesurages commandés par le ministère du travail et effectués dans la grotte de Saint-Marcel, en Ardèche, et celles d'Isturitz et d'Oxocelhaya, en Nouvelle-Aquitaine.

La Fédération du tourisme et du patrimoine souterrain, que vous avez mentionnée, est régulièrement informée de l'avancée de ces travaux, qui sont en voie de finalisation. Le rapport sera présenté dès qu'il sera finalisé, comme le Gouvernement s'y était engagé.

Si le Gouvernement comprend les inquiétudes exprimées par cette fédération, la priorité reste la protection de la santé des travailleurs particulièrement exposés au risque professionnel lié à l'exposition au radon.

Madame Carrère, je vous propose, si vous le souhaitez, de fixer un rendez-vous pour que nous évoquions ensemble cette question.

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