Question de Mme MARTIN Pauline (Loiret - Les Républicains) publiée le 05/06/2025
Mme Pauline Martin rappelle à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles que depuis le 1er janvier 2025, avec la réforme du revenu de solidarité active (RSA) et l'instauration de 15 heures d'activité hebdomadaire obligatoires, un nouveau barème de sanctions s'applique aux bénéficiaires en cas de manquement à leurs engagements liés à ce contrat social. En cas de refus de contractualiser, de mise à jour ou de non-respect des engagements, l'organisme référent peut suspendre tout ou partie du RSA pour une durée déterminée. Dans plus de 30 % des cas, ce rôle est assuré par les conseils départementaux et le contrôle de ces obligations relève du président du conseil départemental. Or, à la lecture du projet de décret relatif à ce barème - qui doit prochainement intervenir après avis du Conseil d'État, conformément à la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi - un doute s'impose : ce barème respecte-t-il réellement l'esprit de la loi votée par le Parlement ? Ou traduit-il un infléchissement, voire un assouplissement, des sanctions initialement prévues ? La comparaison entre l'ancien et le nouveau barème montre un basculement vers une logique de suspension, et non plus de suppression. Est-ce conforme à l'intention des parlementaires qui souhaitaient durcir les conséquences en cas de manquement à ce contrat social ? Le nouveau barème prévoit une suspension de 30 à 100 % pendant 1 à 4 mois, mais permettrait au bénéficiaire de recouvrer rétroactivement son allocation s'il régularise sa situation. On voit ainsi s'instaurer une forme de « droit au rattrapage », là où le Parlement voulait affirmer des obligations claires, assorties de conséquences fermes. Elle lui demande si ce décret en projet ne risque pas de vider la loi de sa portée effective et, plus largement, s'il ne crée pas un décalage préoccupant entre l'intention du législateur et sa traduction réglementaire.
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Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins publiée le 11/06/2025
Réponse apportée en séance publique le 10/06/2025
M. le président. La parole est à Mme Pauline Martin, auteure de la question n° 589, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Pauline Martin. Monsieur le ministre, depuis le 1er janvier 2025, avec la réforme du revenu de solidarité active (RSA) et l'instauration de quinze heures d'activité hebdomadaires obligatoires, un nouveau barème de sanctions s'applique aux bénéficiaires.
En cas de refus de contractualiser, de mise à jour ou de non-respect des engagements, l'organisme référent - notamment le conseil départemental - peut suspendre tout ou partie du RSA pour une durée déterminée. Or la lecture du décret instaurant ce nouveau barème fait naître un doute : celui-ci respecte-t-il réellement l'esprit de la loi votée par le Parlement ? ou traduit-il un infléchissement, voire un assouplissement des sanctions initialement prévues ?
La comparaison entre l'ancien et le nouveau barème montre un basculement d'une logique de suppression vers une logique de suspension.
En effet, si le nouveau barème prévoit une suspension de 30 % à 100 % pendant un à quatre mois, il permettrait au bénéficiaire de recouvrer rétroactivement son allocation s'il régularise sa situation. On voit ainsi s'instaurer une forme de droit au rattrapage, là où nous voulions affirmer des obligations claires, assorties de conséquences fermes.
Monsieur le ministre, ce décret ne risque-t-il pas de vider la loi de sa portée effective ? Plus largement, ne crée-t-il pas un décalage préoccupant entre l'intention du législateur et sa traduction réglementaire ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice, vous vous demandez si le décret du 30 mai 2025, qui rénove le barème de sanction des demandeurs d'emploi, est bien fidèle à l'esprit de la loi pour le plein emploi.
Vous vous interrogez notamment sur le nouveau mécanisme de suspension-remobilisation, qui permet la suspension de l'allocation en cas de manquement et prévoit le reversement des sommes dues en cas de remobilisation du demandeur d'emploi.
Je vous rappelle que la loi est particulièrement précise en matière de sanctions et que le décret en a surtout traduit les orientations.
Pour ce qui concerne les bénéficiaires du RSA, c'est bien la loi qui prescrit cette mécanique en cas de premier manquement, ainsi que le reversement des sommes dues en cas de remobilisation, dans la limite de trois mois. Les débats parlementaires, sur ce point, ont été nourris.
Le décret étend cette mécanique à tous les demandeurs d'emploi, qu'ils soient ou non bénéficiaires du RSA. Cette extension n'est pas prévue en tant que telle par la loi, mais elle est fidèle à son esprit : celui d'une équité entre tous les demandeurs d'emploi, ce qui implique d'harmoniser les barèmes.
Le décret fixe aussi les bornes dans lesquelles peut s'exercer cette possibilité, de 30 % à 100 %. Vous conviendrez que l'on peut difficilement aller au-delà de ce dernier taux...
De manière générale, nous avons travaillé étroitement sur ce barème avec les acteurs et opérateurs qui seront chargés de sa mise en oeuvre, à savoir les départements, France Travail et les missions locales. Nous avons souhaité laisser de vraies marges de manoeuvre aux acteurs pour adapter les décisions de sanction aux situations, qui sont diverses.
Par ailleurs, le conseiller qui aura décidé d'une suspension aura évidemment son mot à dire quant aux conditions qui permettent de reprendre le versement : ce peut être, par exemple, la présence à un rendez-vous ou la participation à une action précise d'insertion.
En réalité, le décret peut être perçu comme un assouplissement sur certains points et comme un durcissement sur d'autres. Mais, encore une fois, il ne fait que reprendre, sur de nombreux points, ce qu'a prescrit le législateur de manière assez précise.
Surtout, en prévoyant un barème harmonisé, en privilégiant toujours la remobilisation à la radiation, en laissant des marges de décision aux acteurs de terrain, nous pouvons dire qu'il est fidèle à l'esprit de la loi pour le plein emploi.
M. le président. La parole est à Mme Pauline Martin, pour la réplique.
Mme Pauline Martin. Monsieur le ministre, je connais bien la pathologie qui contamine les ministères, consistant à modifier la substance du remède. J'en appelle donc à votre vigilance.
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