Question de M. MALHURET Claude (Allier - Les Indépendants) publiée le 03/07/2025

Question posée en séance publique le 02/07/2025

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Claude Malhuret. Monsieur le ministre des armées, lors du dernier sommet de l'Otan, les principaux pays européens ont annoncé leur objectif de consacrer 3,5 % de leur PIB à la défense.

Cette appréhension des périls qui planent sur l'Europe et de la nécessité d'une montée en puissance de ses capacités militaires est à saluer. Elle le serait encore plus si elle n'était aussi tardive et s'il n'avait pas fallu l'injonction des États-Unis pour la provoquer.

Toutefois, des divisions profondes sont apparues entre Européens, masquées tant bien que mal par un communiqué d'une maigreur inaccoutumée, véritable haïku diplomatique.

La France prône une autonomie stratégique selon laquelle les Européens doivent s'équiper et produire sur le sol européen, tandis que l'Allemagne préfère simplement un pilier européen plus fort au sein de l'Otan. Cette position l'a emporté dans la définition du programme européen pour l'industrie de la défense (Edip), qui est largement ouvert aux industriels extraeuropéens.

Nous ne pouvons qu'approuver la position de la France, qui souhaite développer son industrie d'armement. Mais comment pourrait-elle avoir gain de cause si elle ne s'en donne pas les moyens ? Le 7 juin 2022, le Président de la République, évoquant l'Ukraine, a déclaré solennellement : « Nous entrons en économie de guerre. » Trois ans plus tard, nous en cherchons vainement le moindre signe.

Le syndicat professionnel de l'aérospatial indique que les commandes du ministère des armées ont diminué de 33 % entre 2023 et 2024. En 2025, faute de nouvelles commandes de l'État, les PME ont de sérieux problèmes de trésorerie et les grands groupes doivent payer leurs fournisseurs pour des contrats qui devraient déjà avoir été signés.

Monsieur le ministre, dans le contexte d'une augmentation des budgets de défense, mais aussi d'une concurrence accrue avec nos partenaires, États-Unis et Allemagne en tête, quelle est la stratégie de la France pour soutenir ses industries de défense ? Dans l'immédiat, quand les commandes décidées pour 2025 seront-elles affermies ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

- page 7156


Réponse du Ministère des armées publiée le 03/07/2025

Réponse apportée en séance publique le 02/07/2025

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre des armées.

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Monsieur le président Malhuret, votre question recouvre trois aspects.

Le premier, ce sont les commandes. Il s'agit en quelque sorte d'un droit de suite aux trois heures d'auditions qui se sont tenues hier sous la présidence de Cédric Perrin en commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. En la matière, le vote d'une motion de censure à l'Assemblée nationale avait entraîné un retard de deux mois : l'année budgétaire du ministère des armées a commencé le 2 mars au lieu du 2 janvier. Comme je l'ai dit en commission hier, ce retard a été rattrapé.

La loi de programmation militaire (LPM) prévoit 268 milliards d'euros de commandes, dont 20 milliards d'euros cette année. Ce sont des chiffres inédits. J'ajoute que, en matière d'export, nos résultats sont très prometteurs pour la troisième année consécutive et avoisinent les 20 milliards d'euros.

Globalement, les commandes sont bien là, et même de manière historique. C'est incontestable. Surtout, nous travaillons avec nos partenaires à l'export.

Le second aspect et le véritable sujet, c'est le développement de l'économie de guerre. Vous dites - je vous reconnais bien là ! -, que l'on en cherche les résultats. Il suffit de voir l'accélération du rythme de production dans les usines de KNDS à Bourges ou à Roanne, dans celles de Dassault Aviation, où est produit le Rafale, ou encore dans celles de MBDA, où est produit le Mistral, pour se convaincre qu'un travail supplémentaire est bel et bien réalisé.

La leçon que nous devons collectivement retenir est la suivante : la valeur industrielle se détruit vite, mais elle est beaucoup plus lente à reconstruire. Nous voyons bien les conséquences des fameux « dividendes de la paix » : la révision générale des politiques publiques (RGPP), ou encore la délocalisation de certaines filières, dont celle de la production de munitions.

Délocaliser et détruire des industries prend quelques mois ; les reconstruire prend plusieurs années. C'est pourquoi nous entrons actuellement dans le dur, en matière tant d'innovation que de production. Au reste, nous avons beaucoup à apprendre de l'industrie civile, notamment de la filière automobile, sur les questions d'organisation. Ce n'est pas qu'une affaire d'argent ; ce serait faux de le dire.

Le troisième aspect est un débat en tant que tel : quelle doit être la place de l'Otan dans la défense européenne ? Consacrer 3,5 % du PIB à la défense, soit, mais il convient avant tout de partir, comme nous l'avons toujours fait, de nos besoins militaires réels en fonction du degré de menace et de notre propre modèle d'armée. Les discussions sur le programme Edip ne sont pas terminées et nous devons pousser pour faire valoir nos positions.

En tout état de cause, ce sujet mérite à mon avis un débat ad hoc ici même au Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. - M. François Patriat applaudit également.)

- page 7156

Page mise à jour le