Question de M. DEMILLY Stéphane (Somme - UC) publiée le 03/07/2025
M. Stéphane Demilly attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur la vive inquiétude exprimée par les chasseurs, notamment ceux pratiquant la chasse du gibier d'eau, depuis les annonces du 20 juin 2025 faisant état de la préparation par le ministère d'un décret visant à instaurer de nouveaux moratoires sur plusieurs espèces d'oiseaux chassables.
Cette décision arbitraire est très mal vécue par les 150 000 chasseurs de gibier d'eau qui, grâce à ce mode de vie emblématique de notre patrimoine culturel immatériel, préservent et entretiennent près de 13 000 hectares de zones humides en France.
Cette annonce suscite légitimement une forte incompréhension, dans la mesure où aucune demande en ce sens n'a été formulée par la Commission européenne, qui a reconnu, dans ses échanges avec les autorités françaises, ne pas disposer à ce jour de données scientifiques suffisantes et consolidées pour fonder une telle mesure de restriction.
Par ailleurs, un précédent moratoire avait déjà été reconduit par arrêté du ministère en date du 2 septembre 2024, concernant notamment la chasse du courlis cendré, de la barge à queue noire et de la tourterelle des bois, jusqu'au 30 juillet 2025.
Alors même que cette mesure temporaire reste en vigueur, le ministère semble désormais vouloir étendre l'interdiction à de nouvelles espèces, sans que les fédérations de chasse, les élus locaux ni les représentants territoriaux n'aient été véritablement consultés.
Dans les Hauts-de-France, région fortement marquée par la culture cynégétique et les traditions liées à la chasse du gibier d'eau sur le littoral, ce projet est perçu comme une décision unilatérale, prise sans base scientifique transparente et sans concertation.
En conséquence, il lui demande de bien vouloir préciser si elle entend surseoir à l'adoption de ces moratoires dans l'attente de données scientifiques consolidées et d'un dialogue apaisé avec le monde de la chasse.
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Transmise au Ministère délégué auprès de la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, chargé de la transition écologique
Réponse du Ministère délégué auprès de la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, chargé de la transition écologique publiée le 04/12/2025
La France participe activement aux travaux du NADEG (Nature Directives Expert Group), groupe d'experts de l'Union européenne institué par la Commission européenne pour suivre la mise en oeuvre des directives Oiseaux et Habitats, composé des autorités nationales des différents Etats-membres ainsi que des représentants des chasseurs d'une part et des associations de protection de la nature d'autre part. En 2021, une Task Force for the Recovery of Birds (TFRB) a été constituée au sein du NADEG, avec pour mission d'analyser la durabilité de la chasse de 33 espèces d'oiseaux migrateurs, la durabilité des espèces sédentaires relevant de la responsabilité des Etats membres. Les conclusions scientifiques, présentées le 8 novembre 2024, ont identifié sept espèces comme présentant un risque élevé de non-durabilité de la chasse. Pour quatre d'entre elles (fuligule milouin, canard siffleur, caille des blés, grive mauvis), un moratoire immédiat a été recommandé par la Commission européenne sur proposition de la task force, dans l'attente de la mise en place d'une gestion adaptative. Pour trois autres (sarcelle d'hiver, canard souchet, canard pilet), une réduction des prélèvements de moitié a été préconisée. Ces propositions visent à assurer la conformité des pratiques avec l'article 7 de la directive Oiseaux. En effet, pour une espèce migratrice, les observations nationales peuvent différer des observations européennes. C'est bien au niveau supra-national que l'action est pertinente pour préserver l'espèce. Dans un courrier aux membres du groupe NADEG, la Commission européenne a confirmé en juin dernier que la prise de mesures conservatoires concernant ces 7 espèces était attendue dès la saison 2025/2026 en parallèle d'autres actions en faveur des habitats dans l'attente de la mise en place d'un modèle de gestion adaptative pour 3 d'entre elles prévu à l'automne. Sur la base de ces éléments, le Conseil national de la chasse et de la faune sauvage (CNCFS) s'est réuni le 16 juillet dernier et a voté l'instauration de plafonds de prélèvements pour la caille des blés d'une part, et pour les canards de surface, fuligules, macreuses, garrots et nettes. Il s'est également prononcé sur la prolongation d'un an des moratoires concernant la barge à queue noire et le courlis cendré, et la mise en place d'un moratoire de 5 ans pour l'eider à duvet en danger critique d'extinction sur le territoire métropolitain. Ce dispositif s'accompagne de l'obligation de déclaration des prélèvements pour l'ensemble des anatidés (à l'exception du canard colvert et des oies). Ces mesures permettent de répondre à la fois à la demande de la Commission européenne de réduction de la pression de chasse ainsi qu'au besoin d'avoir de meilleures connaissances, indispensables pour apprécier la situation réelle de chaque espèce à l'échelle biogéographique. Par ailleurs, en raison de son état de conservation préoccupant, le fuligule milouin sera intégré à la liste nationale des espèces soumises à gestion adaptative dès cette année afin d'adapter la pression de chasse à l'état de la population. Compte tenu d'une progression de la population pour la tourterelle des bois de 40% depuis 2021 en Europe après plusieurs années de moratoire, la réouverture à la chasse de la tourterelle des bois a été votée avec un quota de 10 560 oiseaux pour la saison 2025-2026, dans le cadre d'une gestion adaptative européenne. Ce résultat témoigne de l'efficacité d'une approche fondée sur la connaissance, la concertation et l'engagement partagé. Ce modèle a vocation à être étendu, y compris pour d'autres espèces comme le canard siffleur, la caille des blés ou le fuligule milouin, à partir de 2026. Ce cadre vise à assurer la viabilité des populations d'oiseaux migrateurs tout en reconnaissant le rôle important joué par les chasseurs dans la gestion et la préservation des milieux. Il s'agit d'une approche évolutive, qui sera ajustée en fonction des connaissances scientifiques disponibles et des échanges européens à venir. Le Gouvernement reste pleinement mobilisé pour que la régulation cynégétique repose sur des données partagées, une concertation transparente et une exigence de durabilité, à l'échelle tant nationale qu'européenne. La préservation de la biodiversité et la durabilité des pratiques cynégétiques sont des priorités constantes du Gouvernement, qui veille à concilier exigences écologiques et respect des traditions rurales.
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