Question de Mme OLLIVIER Mathilde (Français établis hors de France - GEST) publiée le 03/07/2025
Mme Mathilde Ollivier appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation préoccupante des agents de droit local français employés dans nos représentations diplomatiques, particulièrement au Sénégal. Depuis 2022, une dizaine d'agents français de l'ambassade de France au Sénégal se voient contraints de percevoir leur salaire exclusivement en francs CFA, mettant fin à un dispositif de paiement partiel en euros en vigueur depuis 1992. Cette mesure, appliquée de manière rétroactive et sans période de transition, engendre des préjudices financiers considérables estimés annuellement à l'équivalent de deux mois de salaire en frais de transfert bancaire. Les agents concernés, qui avaient organisé leur vie financière sur la base de ce dispositif trentenaire, se trouvent dans l'impossibilité d'honorer leurs engagements bancaires et leurs obligations fiscales françaises sans subir des pertes financières massives.
Bien qu'il ne soit pas entièrement applicable en l'état, cette décision méconnaît plusieurs principes fondamentaux du droit français : le principe de confiance légitime, reconnu comme principe général du droit par le Conseil d'État, en raison de la suppression brutale et imprévisible d'un dispositif sur lequel les agents avaient fondé leurs engagements financiers en France, le principe de sécurité juridique, consacré par la jurisprudence constitutionnelle, par cette modification rétroactive des conditions d'emploi sans motif d'intérêt général suffisant, et le principe d'égalité de traitement, par l'application différenciée de cette mesure selon les postes diplomatiques, puisqu'au Gabon une clause de non-rétroactivité a été respectée pour les agents déjà en fonction.
Une réponse ministérielle du 13 janvier 2022 à une précédente question écrite sur ce sujet présentait des incohérences majeures qui affaiblissent la position de l'administration. Celle-ci invoque la soumission au droit local tout en maintenant l'imposition des agents de droit local en France. Elle minimise également l'impact financier tout en reconnaissant implicitement l'existence de transferts d'argent complexes et très coûteux. Elle justifie enfin la mesure par l'équité entre agents de nationalités différentes tout en ignorant que les agents français ont des obligations fiscales spécifiques qui les distinguent objectivement de leurs collègues sénégalais. Trois ans après l'entrée en vigueur de cette mesure, les agents concernés subissent un préjudice et une perte financière cumulée considérables, compromettant leur capacité à honorer leurs engagements bancaires et fiscaux. Cette situation contrevient aux engagements pris par l'État lors de leur recrutement et aux encouragements explicites donnés en 2018 par l'administration elle-même pour l'ouverture de comptes bancaires en zone SEPA. L'administration avait alors incité ces agents à structurer leurs finances autour de ce dispositif de paiement en euros, pour ensuite le supprimer de manière rétroactive sans aucune période de transition ni concertation.
En conséquence, elle demande au ministre d'expliquer pour quels motifs l'administration n'a pas appliqué ici la clause de non-rétroactivité mise en oeuvre au Gabon, de préciser quelles mesures correctives le Gouvernement entend prendre pour réparer le préjudice subi et rétablir le respect des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, d'indiquer dans quels délais une révision de cette décision peut être envisagée au regard de l'aggravation continue du préjudice, et enfin d'expliquer la situation consistant à maintenir l'imposition française de ces agents tout en invoquant leur soumission exclusive au droit local sénégalais.
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En attente de réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
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