Question de Mme SENÉE Ghislaine (Yvelines - GEST) publiée le 03/07/2025
Mme Ghislaine Senée attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur le contrôle de l'application des lois relatives au droit à la réparation.
Il y a dix ans, le délit d'obsolescence programmée était reconnu dans le droit français. L'association halte à l'obsolescence programmée a alerté les autorités judiciaires via le dépôt de deux plaintes depuis la révision de ce délit par la loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France (loi REEN), contre Apple en 2022 et contre Hewlett-Packard en 2024. Elle s'étonne du silence de la justice sur ces dossiers, en particulier de la plainte contre Apple déposée en 2022, alertant sur des pratiques de sérialisation, alarmantes pour l'accès à la réparation. La sérialisation constitue une violation du droit à la réparation et entrave sérieusement le développement du reconditionnement. Cette pratique a suffisamment inquiété le législateur européen pour s'en saisir dans la directive relative au droit à la réparation.
La France est citée comme modèle sur ces sujets en Europe et outre-Atlantique. Notre assemblée a voté il y a cinq ans des délits pour lutter contre les entraves à la réparation et au reconditionnement, prévus aux articles L. 441-3 et L. 441-4 du code de la consommation.
Les fabricants d'objets connectés qui souhaitent distribuer des produits en France ont largement eu le temps de se mettre en conformité.
Alors que nous connaissons les difficultés actuelles de la justice et des services d'enquête en manque de moyens, il est impératif d'envoyer aujourd'hui un signal clair contre les procédés visant à limiter la réparation et la durabilité des produits pour rendre notre société résiliente face au changement climatique et aux incertitudes économiques.
Elle lui demande, en lien avec le ministre de la justice, les mesures qu'elle compte mettre en oeuvre pour s'assurer de l'exécution des lois, et plus précisément de la conformité des acteurs économiques avec les interdictions légales de barrières au reconditionnement et à la réparation.
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Transmise au Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique
Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique publiée le 04/12/2025
Au niveau européen, le pacte vert pour l'Europe a conduit à l'élaboration de nombreux textes en faveur de la transition écologique vers une économie plus circulaire. La directive 2009/125/CE relative à l'écoconception des produits liés à l'énergie, ainsi que les règlements délégués adoptés pour son application, fixent des exigences spécifiques en matière d'écoconception pour les produits liés à l'énergie. Ces exigences visent la phase de conception des produits, afin d'en améliorer la durabilité et de réduire leur impact environnemental. Le règlement (UE) 2024/1781 relatif à l'écoconception des produits durables, dit « ESPR », remplace la directive précitée. Il vise à faire de la durabilité des produits la norme. Dans le prolongement de la directive 2009/125/CE, qui était limitée aux produits liés à l'énergie et se concentrait essentiellement sur la phase de conception, le règlement ESPR introduit des exigences applicables à l'ensemble des étapes du cycle de vie des produits. En complément, La directive (UE) 2024/1799 relative au droit à la réparation prévoit de faciliter le recours à la réparation des produits pour les consommateurs. Elle vise ainsi à promouvoir la durabilité des produits tout en contribuant à la réduction des déchets. Elle est actuellement en cours de transposition en droit français. Au niveau national, la France se positionne comme un acteur pionnier de l'économie circulaire en Europe et promeut activement la réparation à travers l'élaboration et le contrôle du respect des mesures législatives et réglementaires. Ainsi, la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ainsi que la loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France, contribuent à promouvoir la réparation des biens, à lutter contre l'obsolescence programmée, à encourager la durabilité des produits et à renforcer les exigences d'écoconception. Ces réglementations, favorisant la transition écologique, occupent une place centrale dans l'action de la DGCCRF. Son plan stratégique 2025-2028 comporte ainsi un axe 2 intitulé « Accompagner les transformations de l'économie et de la société » qui se déclinera en en enquêtes et actions concrètes visant à soutenir l'écoconception et la durabilité des produits. Les agents de la DGCCRF disposent de pouvoirs d'enquête qu'ils utilisent déjà depuis plusieurs années dans le cadre de contrôles portant directement sur des enjeux de transition écologique : étiquetage énergétique, indices de réparabilité et de durabilité, concurrence dans le secteur des pièces détachées des appareils électroménagers, garanties dans le secteur des produits électroniques grand public et de l'électroménager, loyauté de l'utilisation du terme « reconditionné » À titre d'illustration, s'agissant des produits reconditionnés, la DGCCRF mène des enquêtes depuis 2018 sur les téléphones mobiles multifonctions, ordinateurs et tablettes afin d'encourager les professionnels à développer une filière industrielle transparente avec un haut niveau d'exigence de qualité. Au total, depuis 2018, 381 établissements exerçant dans le secteur du reconditionné ont été contrôlés par ses agents, sur sites physiques ou via des plateformes de ventes en ligne. En outre, la DGCCRF est récemment devenue autorité de surveillance du marché en matière d'écoconception. Il lui reviendra ainsi d'assurer la mise en oeuvre effective des exigences d'écoconception prévues par la directive 2009/125/CE et le règlement (UE) 2024/1781 précédemment mentionnés. En ce qui concerne la sérialisation, un produit est considéré comme reconditionné au sens du code de la consommation (articles R. 122-4 à R. 122-6) et peut être vendu comme tel, y compris s'il a fait l'objet d'une réparation induisant l'utilisation d'une pièce générique. Pour autant, le consommateur doit être informé des changements de pièces quand celles-ci sont susceptibles d'avoir une incidence sur les caractéristiques d'origine de l'appareil. C'est notamment le cas pour le changement de batterie, susceptible d'entrainer une perte de la fonctionnalité de l'affichage de la santé de la batterie, puisque la capacité minimale de la batterie constitue une des caractéristiques essentielles du produit prévues par l'obligation d'informations précontractuelles (article L. 111-1 du code de la consommation). En outre, les pratiques des fabricants qui portent atteinte au fonctionnement de leurs produits sont susceptibles de faire l'objet de contrôles et sont alors sanctionnées. Ainsi, en 2020, à la suite d'une enquête de la DGCCRF portant sur le ralentissement du fonctionnement d'iPhone après des mises à jour du système d'exploitation iOS en 2017, la société Apple a dû acquitter une amende de 25 Meuros dans le cadre d'une transaction pénale, après accord du Procureur de la République de Paris. Enfin, la DGCCRF a également mis en place plusieurs dispositifs permettant aux consommateurs et aux professionnels de signaler les manquements aux réglementations environnementales. Ces signalements sont des sources précieuses car elles lui permettent d'identifier de potentielles fraudes aux diverses réglementations en lien avec la transition écologique.
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