Question de Mme BOYER Valérie (Bouches-du-Rhône - Les Républicains) publiée le 10/07/2025

Mme Valérie Boyer appelle l'attention de M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice sur la souffrance du personnel judiciaire et le manque de moyens dans la justice.
Le 23 août 2021, Charlotte Guichard, 29 ans, jeune magistrate, s'est suicidée à cause de la pression liée à l'exercice de son métier. Son décès a mobilisé nos magistrats dans le but d'alerter le Gouvernement sur le manque chronique de moyens alloués à la justice.
Quelques mois plus tard, le 23 décembre 2021, Dominique s'est suicidée dans l'enceinte même du tribunal d'Argentan, dans l'Orne. Chacun de ces drames personnels souligne la situation critique dans laquelle se trouve l'ensemble de l'institution judiciaire.
Ces événements inquiétants et tragiques, sont les les effets d'un surmenage généralisé, conséquence directe d'un manque important d'effectifs, laissant le personnel judiciaire avec une charge de travail conséquente, au détriment de leur santé physique et psychologique.
Au-delà des délais de plus en plus longs dans le traitement des affaires judiciaires, le manque de moyens dans la justice relève d'une véritable maltraitance institutionnelle, à la fois contre les justiciables, mais également contre ceux qui oeuvrent à son bon fonctionnement, notamment les greffiers et les magistrats.
Depuis les années 2010, les organisations syndicales de magistrats alertent le ministère de la justice et l'opinion publique sur leurs conditions de travail. Dès février 2015, l'Union syndicale des magistrats (USM) a publié un livre blanc intitulé « Souffrance au travail des magistrats. État des lieux, état d'alerte ». Il fait suite à un autre livre blanc publié en 2010, consacré à « l'état de la Justice ».
Le 10 Février 2025, les magistrats publiaient dans Le Monde une tribune appelant à recruter près de 20 000 magistrats supplémentaires pour combler ce déficit structurel. Ces propos appuient explicitement les données fournies par la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ). Selon elle, la France compte seulement 11,3 juges et 3 procureurs pour 100 000 habitants, contre 22 juges et 12 procureurs en moyenne sur le territoire de l'Union Européenne. Ce ratio place la France au bas de l'échelle européenne, mettant en exergue la pression quotidienne que subit notre système judiciaire.
Bien que la moyenne du budget alloué à la justice en Europe soit passée de 78,09 euros par habitant en 2020 pour atteindre 85,4 euros par habitants en 2024, la CEPEJ relève que « la part du budget allouée à la justice dans la majorité des pays européens reste faible par rapport à d'autres secteurs publics ».
Enfin, la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation pour la justice 2023-2027 prévoyait initialement 10 000 recrutements supplémentaires, dont 1 500 magistrats et 1 500 greffiers, et une augmentation de 440 millions d'euros de crédits pour la justice. Mais ce plan est compromis par des coupes budgétaires, avec une revue à la baisse de 327,9 millions euros dans le projet de loi de finances pour 2025. Ce coup de frein brutal risquerait de neutraliser complètement cet effort, dégradant davantage les conditions de travail des personnels judiciaires, déjà au bord de l'épuisement.
Les objectifs affichés restent loin d'être atteints et la situation actuelle pèse lourdement sur la santé mentale et physique des personnels judiciaires.
Elle demande donc au Gouvernement comment il compte garantir le maintien intégral des engagements prévus dans la programmation 2023-2027 (à savoir les 10 000 recrutements annoncés et le respect des augmentations budgétaires), malgré les réductions envisagées. Elle souhaite également connaître les mesures prévues afin d'assurer une publication régulière d'indicateurs fiables concernant la santé mentale des magistrats et greffiers, tels que les taux d'absentéisme, de maladies professionnelles, de burn-out et de suicide.

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En attente de réponse du Ministère de la justice .

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