Question de M. VALLET Mickaël (Charente-Maritime - SER) publiée le 10/07/2025
M. Mickaël Vallet attire l'attention de M. le Premier ministre sur le recours par les services de l'État à une société canadienne contrôlée par des capitaux américains pour assurer la veille numérique de Matignon.
Comme toute nation, la France fait ce qu'il est convenu d'appeler en bon français de l'écoute sociale, à des fins d'analyse des réseaux sociaux, d'appréhension de l'opinion publique ou pour identifier les menaces pour la sécurité nationale.
Selon la presse, le Secrétariat général du Gouvernement aurait confié la mission de veille numérique de Matignon à une entreprise canadienne, spécialisée dans l'analyse des signaux faibles, des dynamiques sociales sur les réseaux, et dans l'anticipation des mouvements d'opinion. Or cette société, bien que juridiquement canadienne, est détenue en majorité par des fonds nord-américains, dont certains liés à l'appareil de sécurité des États-Unis. Elle utilise en outre des briques technologiques, des infrastructures de traitement de données et des référentiels d'analyse partagés avec des opérateurs dépendants du droit extraterritorial américain.
Cette sous-traitance soulève des inquiétudes majeures en matière de souveraineté numérique et de sécurité nationale. En effet, les données une fois traitées dans le cadre de cette mission de veille acquièrent une valeur stratégique certaine, relative aux préoccupations sociales, aux tendances politiques, aux colères émergentes, aux campagnes d'influence étrangère ou à l'exposition des membres du Gouvernement à la critique publique. Qu'une telle matière première stratégique puisse être captée, analysée, ou stockée par un prestataire hors du périmètre européen - dans un contexte où les capacités d'ingérence informationnelle sont un enjeu central de la conflictualité contemporaine - pose un problème politique de premier ordre.
Alors même que la France dispose de compétences technologiques nationales dans le domaine de l'analyse de données ouvertes (OSINT), de l'intelligence artificielle appliquée à la sémantique sociale ou à la cybersécurité, le choix d'un prestataire étranger pour une mission aussi sensible apparaît comme une forme d'impuissance publique assumée. Il contredit en outre les engagements répétés du Gouvernement en matière de souveraineté numérique, de relocalisation industrielle et de protection des données stratégiques.
Aussi, il demande au Gouvernement de préciser les conditions juridiques, techniques et budgétaires dans lesquelles ce contrat a été passé ; d'indiquer si une analyse de conformité au règlement général sur la protection des données (RGPD) et au droit européen des données a été menée ; et surtout, d'expliquer pourquoi cette fonction essentielle à la conduite de l'action gouvernementale n'a pas été confiée à un opérateur national ou à une structure relevant directement de l'administration, dans un cadre souverain.
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En attente de réponse du Premier ministre.
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