Question de M. SAVIN Michel (Isère - Les Républicains) publiée le 10/07/2025
M. Michel Savin attire l'attention de M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice sur l'opportunité de suspendre les droits de visite et d'hébergement d'un parent soupçonné de viol ou d'agression sexuelle sur son enfant dès le début d'une information judiciaire, plutôt qu'au seul moment de la mise en examen du parent soupçonné, afin de protéger au plus tôt les enfants victimes.
La loi n° 2024-233 du 18 mars 2024 visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales a modifié l'article 378-2 du code civil afin de rendre automatique la suspension de plein droit de « l'exercice de l'autorité parentale et [des] droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi par le ministère public ou mis en examen par le juge d'instruction » pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant « jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision de la juridiction pénale ».
Si cette évolution représente une avancée forte pour la protection des enfants victimes d'inceste, elle ne couvre cependant pas les situations où l'information judiciaire vient de débuter et où le parent soupçonné d'agression sexuelle incestueuse n'a pas encore été mis en examen.
Étant donné la longueur des procédures d'instruction, il peut donc arriver en l'état du droit, qu'un parent accusant son conjoint de viol sur leur enfant commun, soit déclaré coupable du délit de non-présentation d'enfant par un juge aux affaires familiales, alors que le parent accusé sera officiellement mis en examen quelques semaines après.
Aussi, il voudrait savoir comment le Gouvernement compte accélérer l'instruction des affaires portant sur des soupçons de viol ou d'agression sexuelle sur des mineurs au vu des risques pour la sécurité des enfants. Il voudrait également savoir si le Gouvernement compte proposer une modification législative visant à ce que le juge aux affaires familiales puisse examiner dès le début de l'information judiciaire si le niveau de preuves apporté est suffisamment préoccupant pour que les droits de visite et d'hébergement du parent accusé soient suspendus sans attendre une mise en examen formelle. Une autre possibilité serait que le tribunal correctionnel, saisi d'une plainte pour non-représentation d'enfant (que ce soit par citation directe du parent privé de son enfant ou par le parquet) sursoit automatiquement à statuer tant que l'instruction judiciaire est en cours et qu'une décision définitive n'a pas été rendue.
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Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée le 18/12/2025
Les violences faites aux enfants, soit parce qu'elles entrent dans le champ des violences intrafamiliales, soit parce qu'elles sont constitutives d'une atteinte grave aux personnes, font l'objet d'une attention particulière des parquets, encouragés en ce sens par les instructions de politique pénale générales adressées par le garde des Sceaux notamment dans la circulaire du 28 mars 2023 relative à la politique pénale en matière de lutte contre les violences faites aux mineurs. Cette circulaire insiste notamment sur la nécessité de veiller au traitement en priorité des procédures relatives aux violences faites sur mineur. En effet, les stocks de procédures dans les commissariats et les gendarmeries ne cessent de croitre et les services peuvent accumuler sans jamais réussir à traiter les dossiers. La circulaire invite donc les services d'enquêtes et les services judiciaires à s'assurer du traitement diligent de ces procédures. Par ailleurs, le décret du 23 novembre 2021 tendant à renforcer l'effectivité des droits des personnes victimes d'infractions commises au sein du couple ou de la famille a également créé un article D.47-11-3 au sein du code de procédure pénale. Désormais, lorsqu'un parent mis en cause pour non-représentation d'enfant allègue que les faits qui lui sont reprochés sont justifiés par des violences ou toutes autres infractions relevant de l'article 706-47 commises sur le mineur par la personne qui a le droit de le réclamer, le procureur de la République doit faire vérifier ces allégations avant toute poursuite pour non-représentation d'enfant. L'article précise également qu'en cas de citation directe exercée par la victime, il veille à ce que le tribunal correctionnel puisse disposer des éléments lui permettant d'apprécier la réalité de ces violences et l'application éventuelle de l'article 122-7 du code pénal relatif à l'état de nécessité. Ainsi, les procureurs de la République à l'issue de l'enquête diligentée des chefs de violences sur mineurs ou de toute autre infraction prévue par l'article 706-47 du code de procédure pénale apprécient si les circonstances de l'espèce permettent de caractériser ou non l'infraction dénoncée et si les éléments de la procédure établissent ou non la non-représentation d'enfant. Concernant le juge aux affaires familiales, ce dernier peut retirer les droits de visite et d'hébergement d'un parent en cas de motifs graves (article 373-2-1 du code civil), et ce sans attendre la mise en examen du parent, permettant ainsi de protéger l'enfant le plus rapidement possible, étant rappelé que le procureur de la République peut directement saisir le juge pour solliciter un tel retrait (article 373-2-8 du code civil). La protection des mineurs constitue une priorité d'action du ministère de la Justice. Le garde des Sceaux a chargé un groupe de travail d'élaborer un projet d'ordonnance de sûreté de l'enfant afin de protéger sans délai un enfant face à un parent agresseur.
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