Question de Mme CORBIÈRE NAMINZO Evelyne (La Réunion - CRCE-K) publiée le 03/07/2025
Mme Evelyne Corbière Naminzo attire l'attention de Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'augmentation du recours à l'emploi contractuel depuis les années 2000. Cette augmentation est affirmée non plus comme un impératif de réajustement technique mais comme une volonté politique de développer la coexistence de titulaires et de contractuels. C'est d'ailleurs par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique que le Gouvernement s'est doté des moyens légaux pour répondre à ce choix politique.
En effet, nous sommes contraints de constater le très faible apport d'une telle flexibilisation. J'en appelle pour preuve notamment sa totale incapacité à endiguer la crise de recrutement et assurer correctement le remplacement des personnels absents qui obère pourtant gravement l'avenir du service public de l'éducation.
C'est pourquoi à nos yeux, là où le concours et la formation initiale permet aux enseignants d'assumer une véritable liberté pédagogique, la contractualisation traduit surtout une volonté de créer une forme d'aliénation, de réduction des coûts, et plus globalement d'un renoncement progressif et la casse du cadre statutaire des enseignants.
En outre, l'emploi statutaire permet en réalité une bien meilleure adaptation aux besoins territoriaux que l'emploi contractuel. Les enseignants supportent un lourd sacrifice lié à l'obligation de garantir une présence de fonctionnaires sur tout le territoire, ce qui les contraint souvent à commencer leur carrière loin du lieu de vie auquel ils aspirent, parfois pendant une grande partie de leur parcours professionnel.
En revanche, la satisfaction des contractuels d'obtenir un poste dans leur région de résidence ne contribue en rien à assurer une continuité territoriale. Il apparaît donc clairement que l'idée reçue selon laquelle la précarisation serait nécessaire pour l'intérêt général est loin d'être une évidence.
Dans ce contexte, le droit à la mobilité des titulaires est durement remise en cause par le recrutement massif de contractuels, elle lui demande donc de lui indiquer la part de contractuels enseignants par type de contrat (contrat à durée déterminée ou contrat à durée indéterminée) par degré (primaire, second degré), par académie et par discipline.
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Réponse du Ministère auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 09/07/2025
Réponse apportée en séance publique le 08/07/2025
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, auteure de la question n° 663, adressée à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le ministre, nous constatons depuis les années 2000 une augmentation du recours à l'emploi contractuel au sein de l'éducation nationale.
Cette augmentation est assumée non plus comme un impératif de réajustement technique, mais bien comme une volonté politique de développer la coexistence de titulaires et de contractuels pour assurer les mêmes missions. C'est d'ailleurs par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique que le Gouvernement s'est doté des moyens légaux pour répondre à ce choix politique.
Or, nous le voyons bien, l'apport d'une telle flexibilisation est très faible. J'en veux pour preuve la totale incapacité dans laquelle nous nous trouvons pour endiguer la crise de recrutement, ou même pour assurer correctement le remplacement des personnels absents.
Cette situation obère gravement l'avenir du service public de l'éducation. Là où le concours et la formation initiale permettent aux enseignants d'assumer une véritable liberté pédagogique, la contractualisation, qui vise à réduire les coûts, risque au contraire de créer une forme d'aliénation.
Plus globalement, dans un contexte de renoncement progressif, nous assistons à la casse du cadre statutaire des enseignants. L'emploi statutaire permet en réalité une bien meilleure adaptation aux besoins territoriaux que l'emploi contractuel.
Les lauréats ultramarins aux concours nationaux, notamment les enseignants, supportent un lourd sacrifice lié à l'obligation de garantir une présence de fonctionnaires sur tout le territoire. Ils sont souvent contraints à commencer leur carrière loin du lieu de vie auquel ils aspirent, et cette situation dure parfois pendant une grande partie de leur carrière professionnelle. La précarisation ne répond en rien à l'intérêt général.
Dans ce contexte, le droit à la mobilité des titulaires est durement remis en cause par le recrutement massif de contractuels.
Par conséquent, j'aimerais connaître, monsieur le ministre, la part de contractuels enseignants par type de contrat - CDD ou CDI -, par degré - primaire, second degré -, par académie et par discipline.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Corbière Naminzo, la fonction publique d'État est confrontée à l'augmentation du nombre de ses agents contractuels et les difficultés de recrutement n'épuisent pas cette tendance. À cet égard, France Stratégie évoque, dans un rapport de 2024, un réel « défi de l'attractivité ».
L'éducation nationale n'est pas en reste. C'est pourquoi Mme la ministre d'État a lancé, dès son arrivée, une refonte du recrutement et de la formation des professeurs.
Cela étant, le recours aux contractuels est moins massif à l'éducation nationale que dans d'autres pans de la fonction publique d'État. La part de contractuels s'élève à 2 % dans le premier degré et à 10 % dans le second, contre en moyenne 20 % ailleurs.
Le recours aux titulaires demeure nécessaire pour garantir la continuité des enseignements, dans certains territoires ou dans certaines disciplines. En résultent deux points de vigilance.
Premièrement, nous veillons aux conditions de recrutement et de formation des contractuels. À ce titre, des progrès notables ont été accomplis afin d'accompagner les contractuels vers la réussite au concours. Une attention particulière est également portée à leur formation pour leur garantir, comme à leurs collègues titulaires, la possibilité d'investir pleinement leur liberté pédagogique.
Deuxièmement, nous entendons trouver le juste équilibre entre fidélisation des contractuels et respect des droits des fonctionnaires, en matière de mobilité comme d'affectation. La direction générale des ressources humaines du ministère a donc rappelé cette exigence aux recteurs : il faut veiller à ce que les modalités d'affectation ne conduisent pas à privilégier le choix des contractuels par rapport à ceux des titulaires. Ce rappel traduit la volonté du ministère de garantir aux titulaires une priorité lorsqu'ils souhaitent faire valoir leur droit à la mobilité.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour la réplique.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre réponse. Sachez toutefois qu'à La Réunion, par exemple, de nombreux lauréats aux concours nationaux renoncent au poste auquel ils ont droit, préférant devenir contractuels.
Il faut mettre fin à cette situation tout à fait scandaleuse. Non seulement les titulaires doivent pouvoir exercer leur droit à la mobilité, mais l'enseignement doit redevenir une véritable priorité du service public.
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