Question de Mme CARRÈRE Maryse (Hautes-Pyrénées - RDSE) publiée le 23/10/2025
Question posée en séance publique le 22/10/2025
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Le groupe RDSE s'associe aux mots que vous venez de prononcer en hommage à nos collègues disparus récemment, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. En un an, nous avons totalisé 180 jours sans gouvernement. Le Parlement vient de reprendre les travaux législatifs, mais pour combien de temps ? La situation reste fragile.
Dans ce brouillard, une certitude : dans l'esprit de nos concitoyens, s'il y a échec, la responsabilité sera, une nouvelle fois, collective. Car les Français souffrent d'être privés d'un cap clair.
Tenir jusqu'en 2027, comme le préconisent ceux qui sont obnubilés par l'élection présidentielle, ce n'est pas un projet pour la France.
Sans espoir pour notre pays, nos concitoyens épargneront toujours plus et les acteurs économiques investiront moins. Sans une politique de réformes équitables et cohérentes, les marchés nous épingleront et notre économie stagnera.
Le budget est la première urgence. Pour mon groupe, maîtriser les finances publiques de l'État est une nécessité, avec un objectif central de justice fiscale.
Quant à la réforme des retraites, désormais au coeur du deal budgétaire, une seule question : qui décide ? La Constitution est claire : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. » Alors, suspension ou décalage ?
Après l'étape budgétaire, quid du jour d'après ? Nous savons que 80 % des Français attendent les textes sur l'accompagnement de la fin de vie. Quel sera le calendrier ? La crise du logement gagne du terrain. À quand une véritable politique de planification, plutôt que le saupoudrage ?
Pour la souveraineté industrielle et alimentaire, les politiques de soutien doivent être interrogées, également, pour être mieux ciblées et planifiées, afin que nos entreprises et nos exploitants agricoles survivent sous un horizon clair.
Enfin, les collectivités locales ont besoin, elles aussi, d'un cap. Est-ce le bon moment pour un nouveau chapitre de décentralisation ? Interrogés, les élus locaux parlent de stabilité, de visibilité, de souplesse et évoquent une pause institutionnelle. Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, préciser vos projets quant aux relations entre l'État et nos communes, intercommunalités, départements et régions ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe SER. - Mme Solanges Nadille applaudit également.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 23/10/2025
Réponse apportée en séance publique le 22/10/2025
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Monsieur le président, qu'il me soit permis, au nom du Gouvernement, de m'associer aux mots que vous avez prononcés en hommage à des sénateurs récemment décédés : ceux-ci ont servi non seulement la République, mais aussi leur territoire.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il soit urgent de se mettre au travail est un constat largement partagé sur l'ensemble de ces travées et qui a été exprimé avec la plus grande clarté la semaine dernière lors des débats consécutifs à ma déclaration de politique générale.
Votre question m'invite, au fond, à préciser quelque peu l'agenda de travail qui pourra être celui du Gouvernement avec la Haute Assemblée, dans le respect du bicamérisme, mais également en tenant compte des particularités que le Sénat peut apporter, notamment en matière de décentralisation.
L'urgence qui s'imposera pour tout le monde sera évidemment la question budgétaire, avec les grands défis qui l'accompagnent : le rétablissement de nos finances publiques, les cibles de déficits, mais aussi, en ce qui concerne les retraites, les débats relatifs à notre démographie, à la répartition des efforts, et même au partage du travail dans la société. La suspension de la réforme n'a de sens que si ces sujets sont abordés. On ne pourra les balayer d'un revers de main. À cet égard, seul le débat parlementaire, dans le respect de la démocratie sociale, permettra d'avancer.
Viendront ensuite les questions de fiscalité, les mesures d'économie, mais aussi, même si ces mots semblent parfois avoir disparu du débat public, le soutien de l'emploi et de la croissance, qui sont les véritables leviers pour aborder la répartition de l'effort et les cibles de réduction des déficits. Autant de sujets que vous connaissez parfaitement, mais sur lesquels il me semblait important de revenir.
Vous m'interrogez également sur la proposition de loi relative à la fin de vie. Déposé il y a déjà plusieurs mois, ce texte poursuit son parcours dans le cadre de la navette parlementaire. J'en ai parlé avec le président du Sénat et le ministre chargé des relations avec le Parlement, dont l'engagement sur ce texte est connu, et qui aura d'ailleurs l'occasion d'y revenir en conférence des présidents. Ce texte mérite d'être examiné jusqu'au bout.
Je souhaite néanmoins préciser - car je ne l'avais jamais fait publiquement - que l'ensemble des membres du Gouvernement bénéficieront d'une liberté totale de ton, de position et de parole sur ce sujet qui touche à l'intime, qui renvoie à des expériences personnelles et parfois douloureuses. Dans la manière dont le Gouvernement dialoguera avec les différentes forces politiques, je tenais à rappeler cette liberté, qui constitue à la fois un signe de modernité et un retour à un esprit, consistant à respecter la conscience de chacun, que l'on a connu jadis dans la vie gouvernementale.
En ce qui concerne la décentralisation, le préalable est constitué par vos travaux de ces derniers jours, avec la ministre Françoise Gatel, sur le statut de l'élu. Il eût été inconcevable, à quelques mois des élections municipales et à quelques semaines du congrès des maires, d'envisager de nouveaux transferts de compétences et de responsabilités sans s'interroger sur les conditions d'engagement de celles et ceux qui servent la République au quotidien. C'est du simple bon sens. Le débat n'est pas clos : la navette doit se poursuivre, idéalement selon un calendrier qui permette une adoption en amont du congrès des maires. Si l'Assemblée nationale en décide autrement, nous nous conformerons bien entendu à la règle.
Des avancées ont été accomplies. Ayant moi-même été ministre en charge des collectivités territoriales, je mesure le chemin parcouru sur des sujets tels que les retraites ou la protection juridique des élus. Le texte que vous examinez reprend de nombreux travaux menés au Sénat ces dernières années, sur toutes les travées, et il ne faudrait pas manquer cette étape.
Viendra ensuite la question non seulement de la décentralisation, mais également de la réforme de l'État. J'ai indiqué au président du Sénat, qui a personnellement supervisé certains travaux préparatoires, qu'un texte sera présenté en conseil des ministres au mois de décembre. Le Sénat sera naturellement saisi en premier, conformément à la Constitution. Toutefois, je crois souhaitable que nous travaillions différemment, en alimentant l'avant-projet bien avant sa présentation en conseil des ministres, afin de parvenir à une réflexion la plus aboutie possible.
La discussion pourra se prolonger jusqu'à la campagne municipale, voire au lendemain de celle-ci, et chacun le comprendra ; viendront ensuite les élections sénatoriales, puis d'autres élections encore. Nous sommes à un moment historique pour engager la réforme de l'État et un mouvement de décentralisation. Je ne souhaite pas le faire à marche forcée, mais à bonne cadence, car je connais notre vie institutionnelle et politique : si nous ne le faisons pas, cette réforme sera renvoyée à plus tard, et ce serait une occasion manquée.
Enfin, on ne peut parler des territoires sans évoquer l'outre-mer. Sur la question de la Nouvelle-Calédonie, j'ai entendu, non pas ici, mais dans une autre assemblée, qu'il serait curieux que le Parlement s'en mêle. Pourtant, quiconque connaît le processus institutionnel calédonien sait que le peuple français s'y est toujours impliqué, soit par référendum, soit par l'intermédiaire de ses représentants. Historiquement, lorsqu'un accord local était trouvé, il était intégré dans la procédure parlementaire, voire dans une révision constitutionnelle. Cela n'avait d'ailleurs pas empêché des voix dissonantes de s'exprimer, au début des années 2000, car il n'existe pas de mandat impératif.
Il est clair que la vie parlementaire doit s'emparer de cette question, en tenant compte de toute la complexité propre à la Nouvelle-Calédonie. J'ajoute que l'adoption du projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer est très attendue dans l'ensemble des territoires ultramarins. Les problématiques institutionnelles y sont certes importantes, mais la question économique et sociale y demeure un préalable à beaucoup de discussions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. - M. Marc Laménie applaudit également.)
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