2. L'ardente obligation du troisième pilier

Votre rapporteur pour avis tient d'abord à réaffirmer son attachement très vif aux régimes de retraite par répartition. Il estime qu'ils jouent un rôle essentiel dans le contrat social français et qu'il n'est pas imaginable de les remettre en cause.

La première réforme des retraites est donc une consolidation des régimes de répartition qui passera notamment par un allongement de la durée de la vie active.

Cette réforme pourra aller de pair avec d'autres mesures comme l'idée d'une généralisation du fonctionnement par points (sur le modèle de ce qui se fait pour les régimes complémentaires) ou celle d'un rapprochement des situations, notamment d'ouverture de droits, des régimes de la fonction publique et des salariés du privé.

Mais ces réformes ne pourront suffire. Il faudra bien arriver à faire comprendre la nécessité de l'établissement, pour les salariés du secteur privé, d'un mécanisme d'épargne permettant de mettre en place une retraite surcomplémentaire : le troisième pilier.

a) Gesticulation : le scandale de l'abrogation de la loi Thomas (article 19 A)

La loi n° 97-277 du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite, d'origine parlementaire, a été adoptée par le Parlement en février 1997. Suite au changement de gouvernement en mai 1997, elle n'a pas reçu ses décrets d'application et est donc inapplicable depuis plus de deux ans et demi. C'est une situation relativement inédite dans laquelle tout un dispositif législatif, régulièrement adopté, promulgué par le Président de la République, et publié au Journal officiel , reste inappliqué par la seule volonté du gouvernement. Le " délai raisonnable " de parution des textes d'application ne tient plus. Et le gouvernement a clairement fait savoir son intention d'abroger cette loi qui ne correspond pas à ses attentes.

Le gouvernement avait l'obligation juridique de publier les décrets ; il ne l'a pas fait. Il s'était engagé à proposer un système alternatif ; il ne l'a pas fait. Il avait claironné son souhait de l'abroger, voilà qu'il approuve la proposition de le faire. Le principal acte en matière de réforme du système de retraite présent dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 ressemble donc à un renoncement, celui à un système attendu de tous et qui aurait été un succès. Au lieu de cela, le gouvernement a préféré l'échec et son constat.

A l'Assemblée nationale, en gage à une frange de la majorité plurielle particulièrement agitée, le gouvernement a décidé, un peu comme on lance un " os à ronger ", de proposer d'abroger définitivement cette loi. Une telle mesure devait figurer dans d'autres textes législatifs mais soit elle en fut retirée, soit le projet de loi a tardé à venir en discussion.

Cette abrogation est critiquable à bien des points de vue.

On pourrait certes se féliciter de voir la fin de ce scandale législatif que représente la vie formelle d'un texte adopté mais non appliqué pour des raisons politiques. Mais comment ne pas voir dans le contraste entre le silence des propositions concrètes du gouvernement en matière de retraites et le mauvais signal donné par cette abrogation un signe de plus de l'inaction gouvernementale sur le sujet ! Et les retraites ? Sa seule proposition est donc de supprimer l'une des principales possibilités de conforter les régimes par répartition !

Ensuite, on peut se demander si une telle disposition figure bien à sa place dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Certes, il peut exister un lien financier dans la mesure où la loi Thomas s'accompagnait d'avantages fiscaux et sociaux. Mais comment penser qu'il y aura plus de recettes ou moins de dépenses par cette abrogation puisque la loi n'était pas appliquée et n'avait pas vocation à l'être.... Il s'agit d'un simple prétexte et votre rapporteur pour avis espère que le Conseil constitutionnel déclarera non conforme à la Constitution cet article 19 A.

Enfin, quelle image donne-t-on du débat politique si, pour acheter une absence de vote contraire, on lâche ainsi telle ou telle mesure, au gré des influences et des humeurs ?

Votre rapporteur pour avis estime que cette abrogation de jure constitue un caprice irresponsable du gouvernement qui, pour se sauver lui-même, sacrifie l'avenir tout entier du système français de retraite.

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