N° 269

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 30 avril 2003

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, habilitant le Gouvernement à simplifier le droit ,

Par M. Gérard BRAUN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale
( 12 ème législ.) : 710 , 752 et T.A. 132

Sénat
: 262 , 266, 267 et 268 (2002-2003)


Administration.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire a déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale un projet de loi 1( * ) habilitant le gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit .

Ce projet avait été annoncé par M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale en juillet dernier : le gouvernement devait demander au Parlement le droit de « légiférer par ordonnance pour simplifier nos législations ».

Selon l'exposé des motifs, cette habilitation constitue « un effort vigoureux de simplification coordonnée à l'échelon gouvernemental », et elle permet de mettre en oeuvre « un programme de codification ambitieux ». Il faut noter que la codification constitue un aspect de la simplification, puisqu'elle facilite l'accès au droit.

La perspective de telles réalisations ne peut donc qu'être accueillie très favorablement. Ainsi, dans son rapport spécial sur les crédits de la Fonction publique et de la réforme de l'Etat pour 2003 2( * ) , votre rapporteur avait dressé un tableau nuancé du chemin accompli, jusqu'alors, en matière de simplifications :

« Concernant les particuliers, des progrès ont été enregistrés, notamment avec la suppression de la certification conforme et de la fiche individuelle d'état civil en 2001.

Certaines mesures constituent des simplifications apparentes, par la mise en place d'une interface gérant la complexité ; il en va ainsi de l'aide à l'établissement des fiches de paie par Internet pour les entreprises employant jusqu'à 9 salariés, ou par un « tiers de confiance » pour les entreprises employant jusqu'à 3 salariés. Le bénéfice pour les particuliers n'en est pas moins réel.

Votre rapporteur spécial observe que, concernant les trains de mesures de simplification décidées lors des réunions de la commission pour les simplifications administratives (COSA) des 17 avril 2001 et 13 février 2002, la priorité semble accordée aux téléprocédures . Le 28 janvier 2002, la DIRE 3( * ) a adressé à tous les ministères une note traçant le cadre des plans pluriannuels de développement de l'administration électronique, qui doivent amener en 2005 à la généralisation des téléprocédures pour les démarches administratives relevant de leurs ressorts respectifs. Le nouveau gouvernement aura à coeur d'élargir cette orientation qui peut sembler réductrice.

Par ailleurs, un bien meilleur équilibre s'est instauré entre les prérogatives de l'administration et les droits des administrés. Des progrès considérables ont été accomplis ces vingt-cinq dernières années, qu'il s'agisse du droit d'accès aux documents administratifs, de la motivation des décisions, de leur régime (le régime des décisions implicites d'acceptation tend à se généraliser), ou encore de la fin de l'anonymat des fonctionnaires
».

Ainsi, parce que le constat de la complexité n'est pas nouveau, et que les simplifications opérées par le passé, pour significatives que furent certaines d'entre elles, n'ont pas été, dans leur ensemble, à la hauteur des ambitions qui les précédaient, il est apparu qu'il ne suffisait pas de décider de simplifier, il fallait d'abord simplifier la simplification .

Aussi, le gouvernement a résolu de procéder par ordonnance , ce qui constitue un gage de rapidité, et permet vraisemblablement d'éviter certains écueils.

Il n'est certes pas facile, pour un parlementaire, de concevoir sans quelque regret le dessaisissement, quoique provisoire et circonscrit, du Parlement . Et même sans quelque méfiance. Ainsi, M. Guy Carcassonne stigmatise, en des termes certes exagérés, les ordonnances, « cette législation de chefs de bureau » 4( * ) , au regard de la qualité de l'oeuvre du législateur naturel, qui est et reste le Parlement.

Cependant, d'une part, il faut bien admettre que les simplifications requises présentent bien souvent un caractère technique marqué, pour le traitement duquel le gouvernement est sans doute mieux armé . En effet, les simplifications administratives requièrent l'expertise continue de l'ensemble des administrations concernées.

D'autre part, toute codification constitue une entreprise urgente : selon les termes mêmes du Conseil constitutionnel 5( * ) , la codification « répond [...] à l' objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi », dont il importe de ne pas différer la réalisation. La technique de l'habilitation permet ainsi de pallier l'encombrement de l'ordre du jour des assemblées, sans porter de préjudice notable à la qualité de la codification, compte tenu, notamment, de l'excellence du travail de la Commission supérieure de codification.

Si l'on ajoute que M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, auditionné au Sénat le 1 er avril 2003, a indiqué qu'il souhaitait un véritable débat sur le contenu des ordonnances lors de leur ratification, et qu'il souhaitait, au surplus, une association spécifique des parlementaires 6( * ) pour la mise en oeuvre du chantier des simplifications, les préventions qui subsisteraient ont lieu de tomber .

Le régime juridique des ordonnances

L'article 38 de la Constitution dispose du régime des ordonnances en ces termes :

« Le gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.

Les ordonnances sont prises en Conseil des Ministres après avis du Conseil d'Etat. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation.

A l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif
».

En complément, l'article 41 de la Constitution dispose :

« S'il apparaît au cours de la procédure législative qu'une proposition ou un amendement n'est pas du domaine de la loi ou est contraire à une délégation accordée en vertu de l'article 38, le gouvernement peut opposer l'irrecevabilité.

En cas de désaccord entre le gouvernement et le Président de l'assemblée intéressée, le Conseil Constitutionnel, à la demande de l'un ou de l'autre, statue dans un délai de huit jours
».

Juridiquement, la loi d'habilitation s'analyse pourtant en une extension provisoire du domaine réglementaire, et non en une « délégation » du pouvoir législatif . Ainsi, avant leur ratification, les ordonnances ont une valeur réglementaire, et leur contentieux relève de la juridiction administrative. Puis, au moment de leur ratification, elles acquièrent une valeur législative, et le contenu des ordonnances, via la loi de ratification, est alors susceptible d'être soumis au contrôle du Conseil constitutionnel.

Le « délai limité » dont l'article 38 de la Constitution fait état, c'est-à-dire la durée de l'habilitation , est fixé dans le présent projet à douze mois pour la plupart des ordonnances qu'il prévoit. La « date fixée par la loi d'habilitation » au-delà de laquelle les ordonnances deviennent caduques si elles n'ont pas fait l'objet d'un projet de loi de ratification déposé devant le Parlement, est fixée à trois mois après leur publication. Les délais d'habilitation, qui sont relativement longs au regard de la pratique habituelle, apparaissent finalement raisonnables en considération des ambitions du texte.

Votre commission des finances, en liaison avec la commission des lois saisie au fond et avec les autres commissions saisies pour avis, s'est saisie pour avis de l' article 18 , des 4° et 5° de l'article 21 , et du de l'article 27 du présent projet de loi d'habilitation. Par ailleurs, la commission des lois a bien voulu déléguer à votre commission des finances l'examen de l' article 5 et du 10° de l'article 21 , qui semble en effet requérir des compétences qui apparaissent globalement de son ressort.

A l' article 5 , l'habilitation concerne la simplification des relations entre usagers et administration fiscale, et la rationalisation des modalités d'option pour certains régimes fiscaux.

A l' article 18 , le gouvernement est habilité à prendre diverses mesures relatives à la réalisation et à l'utilisation des enquêtes statistiques obligatoires concernant les professionnels.

Au 4° et au 5° de l'article 21 , il est prévu d'habiliter le gouvernement à prendre diverses mesures de simplification du droit des sociétés.

Au 10° du même article, l'habilitation concerne l'instauration d'un seuil de sensibilité pour les affaires du ressort du Conseil de la concurrence, et le relèvement du seuil de contrôle des concentrations.

Au de l'article 27, le gouvernement est habilité à prendre les mesures législatives nécessaires pour modifier et compléter le code monétaire et financier.

La durée de l'habilitation est fixée à 18 mois pour l'article 27, et à 12 mois pour les autres dispositions examinées par votre commission des finances.