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Avis n° 385 (2009-2010) de M. Jean ARTHUIS , fait au nom de la commission des finances, déposé le 6 avril 2010

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N° 385

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 avril 2010

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l' action du Gouvernement et d' évaluation des politiques publiques ,

Par M. Jean ARTHUIS,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

2081 , 2216 , 2220 et T.A. 400

Sénat :

235 et 386 (2009-2010)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques , déposée le 18 novembre 2009, par son Président, sur le bureau de l'Assemblée nationale, apporte une réponse juridique à une difficulté née de la déclaration de non-conformité à la Constitution de certaines dispositions de la résolution du 27 mai 2009 modifiant le Règlement de l'Assemblée nationale, et, en particulier, de mesures concernant le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques.

Parce qu'elle modifie les pouvoirs des rapporteurs des commissions et les modalités des convocations des personnes auditionnées et surtout parce qu'elle touche au pouvoir accordé aux organes du Parlement de demander l'assistance de la Cour des comptes pour l'évaluation des politiques publiques, et que son champ de compétence s'étend au-delà de cette structure spécifique créée par l'Assemblée nationale, la présente proposition de loi a aussi un impact institutionnel et politique important . Comme le souligne son exposé des motifs, elle participe bien « à la mise en oeuvre du premier alinéa de l'article 24 de la Constitution qui, dans sa rédaction issue de la révision du 23 juillet 2008, fait référence à l'évaluation parmi les missions du Parlement ».

Compte tenu des liens étroits qu'elle entretient avec la Cour des comptes et de son expérience très particulière de l'exercice du contrôle, votre commission des finances s'est saisie pour avis de ce texte.

Elle s'est, tout d'abord, efforcée de préserver la capacité de la Cour des comptes de répondre aux demandes que lui transmettent les deux Assemblées, en application des textes existants (loi organique sur les lois de finances et code des juridictions financières).

Elle a aussi souhaité adapter les moyens et l'organisation de la Cour des comptes à l'élargissement de ses missions au profit du Parlement, en suggérant l'adoption de certaines dispositions du projet de loi portant réforme des juridictions financières, déposé le 28 octobre 2009 sur le bureau de l'Assemblée nationale, mais jamais inscrit à l'ordre du jour.

I. UNE PROPOSITION DE LOI DONT L'OBJET EST DE CONFORTER LES MOYENS DU COMITÉ D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES POLITIQUES PUBLIQUES (CEC) DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La proposition de loi déposée par notre collègue Bernard Accoyer, Président de l'Assemblée nationale, le 18 novembre 2009, et adoptée le 27 janvier 2010, vise un objectif précis : l'octroi de moyens spécifiques d'action au comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l'Assemblée nationale.

A. LE COMITÉ D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES POLITIQUES PUBLIQUES (CEC)

1. Une structure spécifique à l'Assemblée nationale

Le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques a été créé par la réforme du Règlement de l'Assemblée nationale en date du 27 mai 2009 (résolution n° 292)

Ce comité est chargé, sur sa propre initiative ou à la demande d'une commission permanente, de réaliser des travaux d'évaluation portant sur des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente.

Son organisation et ses compétences sont régies par les articles 146-2 à 146-7 dudit Règlement dont les dispositions principales sont détaillées dans le tableau suivant :

Règles applicables au CEC

Article 146-2

Composition

1) membres de droit :

- le Président de l'Assemblée nationale

- les présidents des commissions permanentes et celui de la commission des affaires européennes ;

- le rapporteur général de la commission des finances ;

- le député président ou premier vice-président de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ;

- le président de la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ;

- les présidents des groupes.

2) quinze députés désignés par les groupes.

Article 146-3

Pouvoirs et compétences

De sa propre initiative ou à la demande d'une commission permanente, le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques réalise des travaux d'évaluation portant sur des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente.

Le comité arrête, chaque année, le programme de ses travaux. Ce programme fixe, notamment, le nombre prévisionnel d'évaluations à réaliser. Chaque groupe peut obtenir de droit, une fois par session ordinaire, qu'un rapport d'évaluation, entrant dans le champ de compétence du comité tel qu'il est défini à l'alinéa précédent, soit réalisé.

Chaque commission concernée par l'objet d'une étude d'évaluation désigne un ou plusieurs de ses membres pour participer à celle-ci. Le comité désigne parmi eux, ou parmi ses propres membres, deux rapporteurs, dont l'un appartient à un groupe d'opposition.

Pour conduire les évaluations, les rapporteurs peuvent également bénéficier du concours d'experts extérieurs à l'Assemblée.

La mission des rapporteurs a un caractère temporaire et prend fin à l'issue d'un délai de douze mois à compter de leur désignation.

Le rapport est présenté au comité par les rapporteurs.

Les recommandations du comité sont transmises au Gouvernement. Les réponses des ministres sont attendues dans les trois mois et discutées pendant la semaine prévue à l'article 48, alinéa 4, de la Constitution.

À l'issue d'un délai de six mois suivant la publication du rapport, les rapporteurs présentent au comité un rapport de suivi sur la mise en oeuvre de ses conclusions

Article 146-4

Les conclusions des rapports des missions d'information créées en application du chapitre V de la présente partie ou des rapports d'information prévus par l'article 146, alinéa 3, sont communiquées au comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques dès que la publication du rapport a été décidée. Elles peuvent lui être présentées par le ou les rapporteurs

Article 146-5

Avis sur les études d'impact

Le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques peut être saisi pour donner son avis sur les documents qui rendent compte de l'étude d'impact joints à un projet de loi déposé par le Gouvernement. La demande doit émaner du président de la commission à laquelle le projet a été renvoyé au fond ou du Président de l'Assemblée. L'avis du comité est communiqué dans les plus brefs délais à la commission concernée et à la Conférence des présidents.

Article 146-6

Avis sur les amendements

Le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques est saisi pour réaliser l'évaluation préalable d'un amendement d'un député ou d'un amendement de la commission saisie au fond qui a été demandée conformément à l'article 98-1.

Article146-7

Propositions d'ordre du jour

Le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques peut faire des propositions à la Conférence des présidents concernant l'ordre du jour de la semaine prévue par l'article 48, alinéa 4, de la Constitution. Il peut, en particulier, proposer l'organisation, en séance publique, de débats sans vote ou de séances de questions portant sur les conclusions de ses rapports ou sur celles des rapports des missions d'information créées en application du chapitre V de la présente partie ou des rapports d'information prévus par l'article 146, alinéa 3

Comme le souligne le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la présente proposition de loi, la création du CEC a marqué l'aboutissement de la restructuration des instances parlementaires chargées du contrôle et de l'évaluation , qui a été actée par la loi n°2009-689 du 15 juin 2009 1 ( * ) .

Elle s'est accompagnée, en effet, de la suppression des instances suivantes :

- office parlementaire d'évaluation de la législation ;

- délégations parlementaires à l'aménagement et au développement durable du territoire ;

- délégation parlementaire dénommée Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé ;

- délégation parlementaire pour les problèmes démographiques ;

- délégations parlementaires pour la planification.

La mise en place du CEC et la définition de ses règles de fonctionnement ont également été inspirées par la volonté d'assurer des pouvoirs nouveaux à l'opposition.

Les droits de l'opposition sont ainsi garantis par la possibilité pour chaque groupe d'obtenir de droit, une fois par session ordinaire, qu'un rapport d'évaluation, entrant dans le champ de compétence du comité, soit réalisé et par le fait que sur chaque étude, deux rapporteurs sont nommés, dont l'un appartient à un groupe d'opposition.

2. La définition des pouvoirs spécifiques du CEC a été partiellement annulée par le Conseil constitutionnel.

Par sa décision du 25 juin 2009 (n°2009-581 DC) sur la résolution tendant à modifier le Règlement de l'Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel a jugé contraires à la Constitution trois dispositions dont deux, à l'article 129, concernant directement le CEC.

La première en ce qu'elle prévoyait que la présentation des rapports du CEC , organisée en présence des responsables administratifs de la politique publique concernée, « donne lieu à un débat contradictoire ». Il a considéré que les missions du comité ne pouvaient porter que sur le contrôle de l'action du Gouvernement et l'évaluation des politiques publiques et qu'elles consistaient en un simple rôle d'information.

La seconde, qui disposait que le comité peut demander l'assistance de la Cour des comptes pour l'évaluation des politiques publiques, a été jugée contraire à la Constitution au motif que « si la Cour des comptes a vocation à assister ledit comité dans l'évaluation des politiques publiques, il n'appartient pas au règlement mais à la loi de déterminer les modalités selon lesquelles un organe du Parlement peut demander cette assistance ».

Il a également censuré l'article 121 de la résolution relatif aux modalités selon lesquelles les personnes entendues par une commission d'enquête sont admises à prendre connaissance du compte rendu de leur audition et à faire part de leurs observations. Le Conseil constitutionnel a, en effet, jugé que ces dispositions (qui, sur le fond, n'étaient pas modifiées par rapport à la rédaction antérieure du Règlement de l'Assemblée nationale) relevaient désormais du domaine de la loi 2 ( * ) .

Le Conseil constitutionnel a émis, par ailleurs, trois réserves d'interprétation sur le texte du nouveau règlement de l'Assemblée nationale relatif au CEC.

En premier lieu, il a rappelé qu'en application de l'article 57 de la LOLF et de l'article L.O. 111-9 du code de la sécurité sociale, qui réservent respectivement aux commissions chargées des finances et aux commissions saisies au fond des lois de financement de la sécurité sociale , le suivi, le contrôle de l'exécution des lois de finances et de financement ainsi que l'évaluation de toute question relative aux finances publiques et de la sécurité sociale, ces domaines étaient exclus du champ de compétence du CEC.

Il a aussi précisé que le principe de la séparation des pouvoirs interdit que les rapporteurs du CEC puissent bénéficier du concours d'experts placés sous la responsabilité du Gouvernement pour conduire les évaluations.

Il a enfin renvoyé à sa jurisprudence constante en soulignant que les recommandations du comité transmises au Gouvernement comme le rapport de suivi de leur mise en oeuvre ne sauraient, en aucun cas, adresser une injonction au Gouvernement .

B. LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI ET LES AMÉLIORATIONS APPORTÉES PAR L'EXAMEN À L'ASSEMBLÉE NATIONALE.

Déposée le 18 novembre 2009 par le Président de l'Assemblée nationale, la présente proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques, reprend, sous réserve des indispensables aménagements, les dispositions censurées par le Conseil constitutionnel.

1. La proposition de loi initiale

L'article premier est relatif aux modalités de convocation des personnes auditionnées devant les instances parlementaires de contrôle de l'action du Gouvernement ainsi qu'aux pouvoirs des rapporteurs . Il prévoit, dans ce domaine, d'assimiler les règles applicables aux instances de contrôle et celles respectivement applicables aux commissions spéciales et permanentes ainsi qu'aux commissions d'enquête et commissions des finances.

L'article 2 reprend, sans les modifier, les dispositions du règlement de l'Assemblée nationale relatives aux comptes rendus des auditions des commissions d'enquête afin de leur donner valeur législative en les insérant dans l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958.

L'article 3 vise à modifier le code des juridictions financières pour attribuer aux instances parlementaires d'évaluation des politiques publiques le pouvoir de saisir la Cour des comptes d'une demande d'assistance donnant lieu à remise d'un rapport qui pourra être rendu public. Dans sa version initiale, il prévoyait, dans des termes identiques à ceux de l'article 8 du projet de loi portant réforme des juridictions financières 3 ( * ) , de permettre aux Présidents des deux assemblées ainsi qu'aux présidents des instances parlementaires d'évaluation de demander à la Cour des comptes une évaluation d'une politique publique.

2. L'examen par l'Assemblée nationale

La proposition de loi a fait l'objet d'un rapport au fond de la commission des lois et d'un rapport pour avis de la commission des finances.

Le texte adopté à l'issue de ces travaux a été sensiblement modifié à l'exception de l'article 2 qui a été retenu dans sa rédaction initiale.

A l' article premier , relatif à la convocation de personnes auditionnées par les instances de contrôle ou d'évaluation du Parlement et aux pouvoirs de leurs rapporteurs , et sur proposition de la commission des finances, la commission des lois de l'Assemblée nationale a modifié le périmètre des instances concernées. La nouvelle rédaction de cet article vise désormais les seules instances permanentes créées pour contrôler ou évaluer des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente , excluant ainsi les missions d'information.

A l' article 3 relatif à l'assistance de la Cour des comptes au Parlement pour l'évaluation des politiques publiques, la commission des lois, suivant l'avis de la commission des finances, a accepté que les Présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat exercent un filtre systématique des propositions de demande d'assistance à la Cour des comptes. Elle a prévu que les propositions de demande d'assistance pourront être formulées aussi bien par chacune des commissions permanentes , dans leur domaine de compétence, que par les instances permanentes créées pour l'évaluation de politiques publiques . Elle a également maintenu une faculté, pour le Président de chacune des assemblées parlementaires, de demander de son propre chef l'assistance de la Cour des comptes.

La commission des lois a par ailleurs prévu que le délai dans lequel la Cour des comptes devrait remettre son rapport serait déterminé par l'autorité qui la saisit, après consultation du premier président de la Cour des comptes. Elle a néanmoins fixé un délai maximal de douze mois dans lequel la Cour des comptes devrait répondre à la demande.

Le texte de la commission des lois été adopté par l'Assemblée nationale sous réserve d'un amendement de coordination à l'article 3.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. LA LIBERTÉ D'ORGANISATION DE CHAQUE ASSEMBLÉE EN MATIÈRE DE CONTRÔLE ET D'ÉVALUATION

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a modifié en profondeur la fonction de contrôle du Parlement. Elle a, en particulier, consacré :

- la reconnaissance constitutionnelle expresse de cette fonction (qui, jusqu'à présent, n'était pas désignée en tant que telle dans la Constitution) et la définition, au même titre que le vote de la loi et le contrôle de l'action du Gouvernement, d'une mission d'évaluation par le Parlement des politiques publiques (article 24) ;

- l'extension de l'assistance de la Cour des Comptes au Parlement à sa nouvelle mission d'évaluation des politiques publiques (article 47-2).

Pour autant, la nouvelle définition de la fonction de contrôle n'a pas réduit la liberté de chacune des Assemblées quant à sa propre organisation interne et au choix de ses instances de contrôle et d'évaluation .

C'est au regard de cette autonomie et de pratiques qui diffèrent sensiblement entre le Sénat et l'Assemblée nationale que doit s'apprécier la présente proposition de loi.

L'Assemblée nationale a choisi la voie des structures ad hoc . La création, par la réforme du Règlement du 27 mai 2009, du comité d'évaluation et de contrôle (CEC) pour conduire des évaluations de politiques publiques, et, d'autre part, apporter son expertise sur les études d'impact qui accompagnent les projets de loi déposés par le Gouvernement, s'inscrit dans cette tradition.

Le Sénat, pour sa part, n'a pas souhaité la création formelle de telles structures spécifiques, et s'appuie, dans sa fonction de contrôle et d'évaluation, sur les commissions permanentes et leurs rapporteurs généraux et spéciaux.

L'article 40 du règlement du Sénat 4 ( * ) dispose ainsi que :

« les commissions permanentes assurent l'information du Sénat et mettent en oeuvre, dans leur domaine de compétence, le contrôle de l'action du Gouvernement, l'évaluation des politiques publiques et le suivi de l'application des lois... La commission des finances suit et contrôle l'exécution des lois de finances et procède à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques... La commission des affaires sociales suit et contrôle l'application des lois de financement de la sécurité sociale et procède à l'évaluation de toute question relative aux finances de la sécurité sociale . »

B. LE CHAMP DES INSTANCES CONCERNÉES

La proposition de loi pose d'abord le problème de la généralisation des pouvoirs particuliers reconnus aux rapporteurs et des moyens de contrainte qu'il est possible d'exercer à l'égard des personnes auditionnées.

Certaines instances, au sein de chaque Assemblée, bénéficient de prérogatives particulières attachées aux fonctions de contrôle et d'évaluation des politiques publiques.

Ces prérogatives permettent d'exercer un contrôle sur pièces et sur place, en se faisant communiquer tous les renseignements et documents de service. Elles consistent aussi à pouvoir convoquer en audition toute personne, y compris en ayant recours à une exécution forcée, et à l'entendre sous serment. Elles comprennent enfin la faculté de formuler des demandes d'assistance à la Cour des comptes et la transmission des documents dits administratifs (référés et rapports particuliers).

Au premier rang des instances concernées par ces dispositions particulières figurent les commissions des finances et des affaires sociales et les commissions d'enquêtes .

Article 57 de la LOLF

« Les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances suivent et contrôlent l'exécution des lois de finances et procèdent à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques. Cette mission est confiée à leur président, à leur rapporteur général ainsi que, dans leurs domaines d'attributions, à leurs rapporteurs spéciaux et chaque année, pour un objet et une durée déterminés, à un ou plusieurs membres d'une de ces commissions obligatoirement désignés par elle à cet effet. A cet effet, ils procèdent à toutes investigations sur pièces et sur place, et à toutes auditions qu'ils jugent utiles.

« Tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif qu'ils demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l'administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat et du respect du secret de l'instruction et du secret médical, doivent leur être fournis.

« Les personnes dont l'audition est jugée nécessaire par le président et le rapporteur général de la commission chargée des finances de chaque assemblée ont l'obligation de s'y soumettre. Elles sont déliées du secret professionnel sous les réserves prévues à l'alinéa précédent. »

Article 58 de la LOLF

« La mission d'assistance du Parlement confiée à la Cour des comptes par le dernier alinéa de l'article 47 de la Constitution comporte notamment :

« 1° L'obligation de répondre aux demandes d'assistance formulées par le président et le rapporteur général de la commission chargée des finances de chaque assemblée dans le cadre des missions de contrôle et d'évaluation prévues à l'article 57 ;

« 2° La réalisation de toute enquête demandée par les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle. Les conclusions de ces enquêtes sont obligatoirement communiquées dans un délai de huit mois après la formulation de la demande à la commission dont elle émane, qui statue sur leur publication ;

« ... »

Code de la sécurité sociale

« Article L.O. 111-9. - Les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat saisies au fond du projet de loi de financement de la sécurité sociale suivent et contrôlent l'application de ces lois et procèdent à l'évaluation de toute question relative aux finances de la sécurité sociale. Cette mission est confiée à leur président, au président de la mission mentionnée à l'article LO 111-10, ainsi que, dans leurs domaines d'attributions, à leurs rapporteurs et, pour un objet et une durée déterminés, à des membres d'une de ces commissions désignés par elle à cet effet. A cet effet, ils procèdent à toutes auditions qu'ils jugent utiles et à toutes investigations sur pièces et sur place auprès des administrations de l'Etat, des organismes de sécurité sociale, de tout autre organisme privé gérant un régime de base de sécurité sociale légalement obligatoire et des établissements publics compétents. Tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif qu'ils demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l'administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat et du respect du secret de l'instruction et du secret médical, doivent leur être fournis.

« Les personnes dont l'audition est jugée nécessaire par le président et le ou les rapporteurs de la commission, dans leur domaine d'attribution, ont l'obligation de s'y soumettre. Elles sont déliées du secret professionnel sous les réserves prévues au premier alinéa. »

Ordonnance n° 58 -1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires

« Art. 6. - II. - Les articles L. 135-5 et L. 132-4 du code des juridictions financières sont applicables aux commissions d'enquête dans les mêmes conditions qu'aux commissions des finances. 5 ( * )

« Les rapporteurs des commissions d'enquête exercent leur mission sur pièces et sur place. Tous les renseignements de nature à faciliter cette mission doivent leur être fournis. Ils sont habilités à se faire communiquer tous documents de service, à l'exception de ceux revêtant un caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'État, et sous réserve du respect du principe de la séparation de l'autorité judiciaire et des autres pouvoirs. Toute personne dont une commission d'enquête a jugé l'audition utile est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée, si besoin est, par un huissier ou un agent de la force publique, à la requête du président de la commission. À l'exception des mineurs de seize ans, elle est entendue sous serment. Elle est, en outre, tenue de déposer, sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal. Les dispositions du troisième alinéa de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse lui sont applicables. Toute personne qui participe ou a participé aux travaux de la Commission bancaire, du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, de l'Autorité des marchés financiers, du Conseil des marchés financiers, du Conseil de discipline de la gestion financière ou de la Commission de contrôle des assurances est déliée du secret professionnel à l'égard de la commission, lorsque celle-ci a décidé l'application du secret conformément aux dispositions du premier alinéa du IV. Dans ce cas, le rapport publié à la fin des travaux de la commission, ni aucun autre document public, ne pourra faire état des informations recueillies par levée du secret professionnel.

« III. - La personne qui ne comparaît pas ou refuse de déposer ou de prêter serment devant une commission d'enquête est passible de deux ans d'emprisonnement et de 7 500 € d'amende.

« Le refus de communiquer les documents visés au deuxième alinéa du II est passible des mêmes peines. Dans les cas visés aux deux précédents alinéas, le tribunal peut en outre prononcer l'interdiction, en tout ou partie, de l'exercice des droits civiques mentionnés à l'article 131-26 du code pénal, pour une durée maximale de deux ans à compter du jour où la personne condamnée a subi sa peine. En cas de faux témoignage ou de subornation de témoin, les dispositions des articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal sont respectivement applicables. Les poursuites prévues au présent article sont exercées à la requête du président de la commission ou, lorsque le rapport de la commission a été publié, à la requête du bureau de l'assemblée intéressée.

« IV. - Les auditions auxquelles procèdent les commissions d'enquête sont publiques. Les commissions organisent cette publicité par les moyens de leur choix. Toutefois, elles peuvent décider l'application du secret ; dans ce cas, les dispositions du dernier alinéa du présent article sont applicables. »

L'extension de ces prérogatives spécifiques à l'ensemble des instances parlementaires de contrôle serait problématique alors que le nombre de ces instances est en voie d'augmentation.

Dans sa version initiale, le texte aurait ainsi concerné, au-delà des instances antérieurement concernées et des commissions permanentes :

- à l'Assemblée nationale, le Comité de contrôle et d'évaluation des politiques publiques, les missions d'évaluation et de contrôle créées par la commission des Finances (MEC) et par la commission des Affaires sociales (MECSS), les missions d'information créées par la Conférence des présidents sur proposition du Président de l'Assemblée nationale, en vertu de l'article 145, alinéa 4 du Règlement, ainsi que les missions d'information temporaires confiées à un ou plusieurs de leurs membres par les commissions permanentes, en vertu de l'article 145, alinéa 2 du Règlement ;

-  au Sénat, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ainsi que la délégation sénatoriale à la prospective, la MECSS et les missions d'information prévues par l'article 21 du Règlement ;

-  dans chacune des assemblées, la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ;

- l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et toute autre délégation parlementaire commune aux deux Assemblées.

En ce qui concerne la convocation de personnes , le texte retenu par l'Assemblée nationale, qui restreint le bénéfice des nouvelles dispositions aux seules « instances permanentes créées au sein de l'une des assemblées du Parlement pour contrôler l'action du Gouvernement ou évaluer des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente » aboutit à écarter de cette liste les missions d'information et les délégations parlementaires communes aux deux assemblées . Le pouvoir de convoquer en audition contraignante serait donc réservé aux délégations parlementaires propres à chaque assemblée (délégations aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, délégation sénatoriale à la prospective) et au CEC de l'Assemblée nationale . Cette solution constitue un compromis satisfaisant .

En ce qui concerne les pouvoirs des rapporteurs , le texte retenu qui vise les mêmes instances , ne modifie pas la situation actuelle des rapporteurs des commissions d'enquête, ni de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques qui bénéficiaient déjà de dispositions particulières. Il est à noter cependant qu'il met sur un pied d'égalité les présidents, rapporteurs généraux et rapporteurs spéciaux de la commission des finances avec les rapporteurs des trois délégations aux collectivités territoriales et à la décentralisation, à la prospective et aux droits des femmes.

C. LE PRINCIPE DE RÉALITÉ APPLIQUÉ À LA COUR DES COMPTES ET À SES MOYENS

L'extension du droit de demander des missions d'assistance à la Cour des comptes est plus radicale que celle des compétences en termes d'auditions ou de pouvoirs de contrôle des rapporteurs.

Elle concerne, en effet, non seulement « toute instance permanente créée au sein d'une des deux assemblées parlementaires pour procéder à l'évaluation de politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente », mais aussi les commissions permanentes autres que la commission des finances et celle des affaires sociales, et les Présidents de chacune des Assemblées.

Il y a fort à craindre que cette extension n'aboutisse à une augmentation du nombre de demandes incompatible avec les moyens humains de la Cour des comptes ce qui amènera celle-ci à devoir trier entre les différentes demandes émanant de chacune des assemblées et au sein même de chaque assemblée.

Ce risque est d'autant plus important que, comme le Conseil constitutionnel l'a rappelé dans sa décision n°2001-448 DC du 25 juillet 2001 sur la LOLF, il appartient aux autorités compétentes de la Cour des comptes de faire en sorte que l'équilibre voulu par le constituant dans les fonctions d'assistance de la Cour des comptes (entre le Parlement et le Gouvernement) ne soit pas faussé au détriment de l'un de ces deux pouvoirs. En conséquence, le tri effectué par la Cour s'exercera toujours au sein des demandes émanant du Parlement .

On peut en outre s'interroger sur la réelle capacité du Président de chacune des Assemblées à effectuer une coordination et un filtrage efficace des demandes présentées sachant que celles-ci pourront émaner d'instances dont la création aura été obtenue par des groupes politiques au titre de leurs nouveaux « droits de tirage ». En tout état de cause, si les demandes d'assistance formulées par les commissions des finances et des affaires sociales en application de la LOLF et du code de la sécurité sociale ne feront pas l'objet du filtrage présidentiel prévu à l'article 3 de la proposition de loi, on peut s'interroger sur ce qui empêcherait ces deux commissions de formuler des demandes d'assistance supplémentaires au titre de la nouvelle procédure.

Votre commission des finances n'a pas jugé opportun de restreindre l'effet de la présente proposition de loi en excluant son application au Sénat et en limitant son objet au seul comité d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale. La faisabilité juridique d'une telle modification est en outre très douteuse.

Mais elle a considéré indispensable de fixer certaines bornes à l'extension des pouvoirs spécifiques des instances de contrôle et d'évaluation .

Elle souhaite ainsi, d'une part, préserver les spécificités actuelles des commissions des finances et des affaires sociales et, d'autre part, écarter le risque que la Cour des comptes, devant l'afflux de demandes, soit amenée à effectuer une sélection des demandes sur des critères que le Parlement ne maîtriserait pas.

Elle a donc retenu, en ce sens, deux dispositions qui prévoient :

- que les demandes formulées au titre de la nouvelle procédure ne peuvent concerner ni l'exécution des lois de finances ni une question relative aux finances publiques (reprenant ainsi la jurisprudence du Conseil constitutionnel) ;

- qu'une priorité d'examen par la Cour des comptes s'applique aux demandes d'assistance et aux enquêtes visées à l'article 58 de la LOLF et à l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières (qui sont antérieurs et ont valeur de dispositions organiques).

D. RENFORCER LA MISSION D'ASSISTANCE DE LA COUR DES COMPTES AU PARLEMENT EN GARANTISSANT UNE APPROCHE GLOBALISÉE DES COMPTES PUBLICS

Le projet de loi portant réforme des juridictions financières a été déposé le 28 octobre 2009 sur le bureau de l'Assemblée nationale mais n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour des Assemblées.

Ce texte était présenté à la fois comme mettant en oeuvre les nouvelles missions confiées à la Cour des comptes par l'article 47-2 de la Constitution à la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et comme répondant à la volonté exprimée par le Président de la République le 5 novembre 2007, à l'occasion du bicentenaire de la Cour des comptes, de doter la France d'un grand organisme d'audit public et d'évaluation 6 ( * ) .

Votre commission des finances a considéré que l'examen de la proposition de loi « Accoyer » pouvait être l'occasion de débloquer, au moins en partie et en écartant toutefois les dispositions relatives aux compétences juridictionnelles de la Cour des comptes, certaines des dispositions de ce projet en ce qu'elles ne sont pas sans lien avec le contrôle et l'évaluation des politiques publiques.

Dans ces limites, les amendements respecteraient bien la règle définie à l'article 48 du Règlement du Sénat qui dispose que « les amendements sont recevables s'ils s'appliquent effectivement au texte qu'ils visent ou, en première lecture, s'ils présentent, s'agissant de dispositions additionnelles, un lien, même indirect, avec le texte en discussion ».

En particulier, et ce point a été souligné par la commission des finances à de nombreuses occasions et souvent regretté par les rapporteurs spéciaux à l'origine des demandes d'assistance en application de l'article 58-2° de la LOLF , la séparation fonctionnelle de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes constitue un obstacle important à l'évaluation des politiques publiques . Alors que les compétences sont partagées entre l'Etat et les différents niveaux de collectivités territoriales, il est essentiel d'avoir une appréciation globale des politiques publiques et des interventions sur les territoires.

Au titre des mesures favorables à la mise en oeuvre des travaux d'évaluation des politiques publiques, figurent les dispositions suivantes du projet de loi portant réforme des juridictions financières :

- la définition de la compétence qu'exercerait désormais la Cour des comptes (compte tenu de l'unité organique de l'ensemble des juridictions financières) dans le contrôle de la gestion des principaux acteurs locaux ;

- l'insertion, dans le code des juridictions financières, du principe de trois compétences de la Cour des comptes : l'évaluation des politiques publiques, la certification des comptes des administrations publiques, le contrôle des actes budgétaires et de l'exécution des budgets des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des établissements publics de santé ;

- l'unification organique de la Cour des comptes et des chambres régionales et la création de chambres des comptes ayant en principe un ressort interrégional ;

- la création d'un cadre statutaire unique et commun aux magistrats exerçant au siège et en région ;

- l'expérimentation légale de la certification des comptes des collectivités locales.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 6 avril 2010, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis , sur la proposition de loi n° 235 (2009-2010), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d' évaluation des politiques publiques .

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis , a évoqué le caractère inhabituel des conditions de l'examen de cette proposition de loi par la commission des finances. Compte tenu de la date de réunion de la commission des lois, saisie au fond, et de la suspension prochaine des travaux du Sénat, la commission des finances est, en effet, conduite à se prononcer sur le texte transmis par l'Assemblée nationale, et non sur le texte de la commission saisie au fond.

Il a précisé qu'il sera présent lors de la réunion de la commission des lois pour y faire valoir les positions prises par la commission des finances.

Il a ensuite observé que la proposition de loi, déposée par le président de l'Assemblée nationale le 18 novembre 2009 et adoptée le 27 janvier 2010, est étroitement liée à la création du comité d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale (CEC) résultant de la réforme de son Règlement en date du 27 mai 2009.

Le comité est chargé, sur sa propre initiative ou à la demande d'une commission permanente, de réaliser des travaux d'évaluation portant sur des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente.

Par sa décision du 25 juin 2009 sur la modification du Règlement de l'Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel a toutefois jugé contraires à la Constitution deux dispositions concernant directement le CEC. La première prévoyait que la présentation des rapports du comité était organisée en présence des responsables administratifs de la politique publique concernée et « donnait lieu à un débat contradictoire »; la seconde, que le comité peut demander l'assistance de la Cour des comptes pour l'évaluation des politiques publiques. Le Conseil constitutionnel a estimé sur ce point qu'il n'appartenait pas au Règlement d'une assemblée, mais à la loi, de déterminer les modalités selon lesquelles un organe du Parlement peut demander cette assistance.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis , a indiqué que, pour le même motif, le Conseil constitutionnel a retenu l'inconstitutionnalité d'un article de la résolution concernant les modalités selon lesquelles les personnes entendues par une commission d'enquête sont admises à prendre connaissance du compte rendu de leur audition et à faire part de leurs observations.

La présente proposition de loi reprend les dispositions qui ont été censurées, pour des motifs de forme, par le Conseil constitutionnel. Elle constitue ainsi une réponse à une difficulté et un besoin spécifiques à l'Assemblée nationale, mais qui s'appliquera de fait aux deux assemblées et peut poser un certain nombre de questions.

Il a notamment relevé que, en raison du nombre important d'instances de contrôle et d'évaluation existant au sein des assemblées, telles que les délégations parlementaires, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, ou les missions d'information, l'élargissement du droit de demander l'assistance de la Cour des comptes présentait le risque, d'une part, de pénaliser les procédures actuelles qui fonctionnent bien et que la loi organique réserve aux commissions des finances et des affaires sociales et, d'autre part, de placer la Cour des comptes dans la situation de ne plus pouvoir faire face à ces demandes d'assistance.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis, a ensuite présenté les dispositions des trois articles de la proposition de loi.

Il a estimé que le texte voté par l'Assemblée nationale pour l'article premier, relatif aux modalités de convocation des personnes auditionnées devant les instances parlementaires de contrôle de l'action du Gouvernement ainsi qu'aux pouvoirs des rapporteurs, constitue un compromis satisfaisant puisqu'il ne vise que les seules instances permanentes créées pour contrôler ou évaluer des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente.

L'article 2 qui reprend, sans les modifier, les dispositions du Règlement de l'Assemblée nationale relatives aux comptes rendus des auditions des commissions d'enquête afin de leur donner valeur législative, ne soulève aucune difficulté particulière.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis , s'est félicité des améliorations apportées par l'Assemblée nationale à l'article 3, qui attribue aux instances parlementaires d'évaluation des politiques publiques le pouvoir de saisir la Cour des comptes d'une demande d'assistance donnant lieu à remise d'un rapport qui pourra être rendu public. Il a noté, en particulier, que les Présidents des deux assemblées seront chargés de filtrer les propositions de demande d'assistance à la Cour des comptes qui émaneront de chacune des commissions permanentes, dans leur domaine de compétence, et des instances permanentes créées pour l'évaluation de politiques publiques.

Il s'est déclaré préoccupé par le risque que ces dispositions aboutissent à une augmentation du nombre de demandes, incompatible avec les moyens humains dont dispose la Cour des comptes, soulignant en outre que celle-ci, comme le Conseil constitutionnel l'a rappelé dans une décision du 25 juillet 2001, doit faire en sorte que l'équilibre voulu par le constituant dans les fonctions d'assistance, entre le Parlement et le Gouvernement, ne soit pas faussé au détriment de l'un de ces deux pouvoirs.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis , a donc estimé nécessaire de fixer certaines bornes à l'extension des pouvoirs des instances de contrôle et d'évaluation, en précisant que les demandes formulées au titre de la nouvelle procédure ne peuvent concerner ni l'exécution des lois de finances ni une question relative aux finances publiques, et en établissant une priorité d'examen par la Cour des comptes des demandes d'assistance et des enquêtes visées à l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et à l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières.

Il a suggéré ensuite que l'examen de la proposition de loi permette de reprendre certaines dispositions, en lien avec le contrôle et l'évaluation des politiques publiques, du projet de loi portant réforme des juridictions financières, déposé le 28 octobre 2009 sur le bureau de l'Assemblée nationale mais jamais inscrit à l'ordre du jour des assemblées.

Il a évoqué, en particulier, les difficultés rencontrées à l'occasion des enquêtes menées en application de l'article 58-2° de la LOLF. La séparation organique de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes ne permet pas, en effet, une appréciation globale des politiques publiques et des interventions sur les territoires alors que les compétences sont partagées entre l'Etat et les différents niveaux de collectivités territoriales.

Un débat s'est ouvert.

M. Jean-Claude Frécon a indiqué que, dans ses fonctions de rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l'Etat », il a souvent mis en garde contre le risque d'une trop forte augmentation des demandes d'assistance formulées auprès de la Cour des comptes. Il a déclaré n'être pas complètement opposé à la réforme des chambres régionales, soulignant la justesse des objectifs poursuivis mais regrettant aussi les conditions de rapidité avec lesquelles elle est examinée.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis , a salué les travaux du rapporteur spécial et est revenu sur les contraintes particulières du calendrier d'examen de la proposition de loi. Il a précisé qu'il ne propose pas de reprendre les dispositions relatives aux fonctions juridictionnelles de la Cour des comptes et des chambres régionales.

M. Edmond Hervé a considéré que les chambres régionales sont les protectrices des collectivités territoriales à qui elles apportent une aide indispensable. Il s'est vivement inquiété des effets de la réforme sur la situation des petites communes. Il a souligné que les chambres régionales des comptes peuvent constituer une alternative au rôle croissant des agences de notation. Il s'est enfin déclaré préoccupé de la disparition programmée des chambres régionales.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis , a indiqué que la réforme ne préjuge le nombre des chambres interrégionales qui pourra être retenu. Il a fourni des indications chiffrées sur les effectifs de certaines chambres régionales qui n'atteignent pas un seuil critique leur permettant d'assurer leurs missions dans de bonnes conditions. Il a également insisté sur l'évolution des fonctions de la juridiction financière en direction de la certification et de l'audit.

Mme Michèle André a souligné que la proposition de réforme des juridictions financières s'inscrit dans un contexte d'inquiétude des collectivités territoriales et de baisse des effectifs dans les préfectures.

Puis la commission a procédé à l'examen des amendements proposés par le rapporteur pour avis.

A l'article 3, elle a adopté deux amendements visant à préserver les périmètres de compétences spécifiques aux deux commissions des finances et des affaires sociales et à prévoir que la Cour des comptes assure la priorité du traitement des demandes d'assistance formulées par ces mêmes commissions, au titre de dispositions législatives organiques.

Elle a ensuite adopté, à la majorité, un amendement reprenant les dispositions du projet de loi portant réforme des juridictions financières, qui permettront de donner à la Cour des comptes les moyens effectifs de répondre aux exigences de sa mission d'assistance au Parlement et d'évaluation des politiques publiques : affirmation de la compétence de la nouvelle Cour des comptes issue de l'unification organique de la juridiction financière dans le contrôle de la gestion des acteurs locaux, création de chambres des comptes interrégionales et d'un cadre statutaire unique et commun aux magistrats exerçant au siège et en région, expérimentation de la certification des comptes des collectivités locales.

Enfin, elle a adopté un amendement de coordination complétant l'intitulé de la proposition de loi et donné un avis favorable à l'adoption du texte ainsi amendé.

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

ARTICLE 3

Après l'alinéa 2,

insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les demandes formulées au titre de l'alinéa précédent ne peuvent porter ni sur le suivi et le contrôle de l'exécution des lois de finances ou de financement de la sécurité sociale ni sur l'évaluation de toute question relative aux finances publiques ou aux finances de la sécurité sociale.

ARTICLE 3

Après l'alinéa 2,

insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La Cour des comptes assure la priorité du traitement des demandes d'assistance formulées en application de l'article 58 de la loi organique n°2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances et de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 3

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A. Le code des juridictions financières est ainsi modifié :

I. L'article L. 111-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En outre, la Cour des comptes exerce, selon la procédure définie par le présent code, le contrôle de la gestion des collectivités territoriales et de leurs groupements, ainsi que des établissements publics locaux à caractère administratif. »

II. Après l'article L. 111-3, sont insérés trois articles ainsi rédigés :

« Art. L. 111-3-1 . - La Cour des comptes contribue à l'évaluation des politiques publiques dans les conditions prévues par le présent code.

« Art. L. 111-3-2 . - La Cour des comptes s'assure que les comptes des administrations publiques sont réguliers, sincères et donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière, soit en certifiant elle-même les comptes, soit en rendant compte au Parlement de la qualité des comptes des administrations publiques dont elle n'assure pas la certification.

« Art. L. 111-3-3. - La Cour des comptes concourt au contrôle des actes budgétaires et de l'exécution du budget des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des établissements publics de santé. »

III. Après l'article L. 112-1, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 112-1-1 . - La Cour des comptes est composée de chambres.

« Les chambres en région, dénommées chambres des comptes, ont un ressort interrégional, sauf si des particularités géographiques justifient un ressort différent. Leur ressort et leur siège sont fixés par décret.

« Sans préjudice des autres missions qui peuvent leur être confiées au sein de la Cour des comptes, et dans le respect du pouvoir d'organisation des travaux exercé par son premier président, elles exercent seules dans leur ressort la compétence de jugement des comptes des comptables publics des collectivités territoriales et de leurs établissements publics et la mission de contrôle budgétaire de ces collectivités et établissements définie au chapitre II du titre Ier du livre VI de la première partie du code général des collectivités territoriales et celle de contrôle de la gestion des collectivités territoriales régie par le second alinéa de l'article L. 111-3 du présent code.

« Leur président est un conseiller-maître qui ne peut simultanément présider une autre chambre de la Cour des comptes. »

IV. L'intitulé du livre II est ainsi rédigé :

« Livre II. - Les chambres territoriales des comptes ».

V. Les titres I er , II, III et IV du livre II sont supprimés.

VI. L'article L. 120-1 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 120-1 . - Les membres de la Cour des comptes ont la qualité de magistrats.

« Ils ont vocation à être affectés dans une des chambres de la Cour des comptes définies à l'article L. 112-1-1.

« Les magistrats du siège sont inamovibles. Ils ne peuvent, sans leur consentement, même en avancement, recevoir une affectation les faisant passer d'une chambre des comptes à une autre chambre ou inversement, non plus qu'une affectation entraînant un changement de résidence administrative. »

VII. Après l'article L. 120-1, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 120-1-1 . - Les grades des magistrats de la Cour des comptes sont : premier président, président de chambre, conseiller maître, conseiller référendaire et auditeur et, pendant la période de transition prévue à l'article .. de la loi n° - du tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques, président de section, premier conseiller et conseiller.

« Le grade de président de chambre est un grade fonctionnel. Ce grade peut comprendre plusieurs catégories dépendant des fonctions exercées, définies par décret en Conseil d'État. »

VIII - L'article L. 121-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les présidents de chambre sont nommés parmi les conseillers maîtres ayant au moins trois ans de services effectifs dans ce grade. Pour ces nominations, une liste comprenant plusieurs noms est transmise, après avis des présidents de chambres et du procureur général près la Cour des comptes, par le premier président de la Cour des comptes.

« Le premier président affecte à la présidence d'une chambre de la Cour des comptes un président de chambre pour une durée de six ans, ou pour la durée restant à courir jusqu'à la limite d'âge qui lui est applicable si elle est inférieure. Au terme de la durée de six ans, ce magistrat a vocation à occuper un emploi de président d'une autre chambre de la Cour des comptes. A défaut, il peut, après avis des présidents de chambres et du procureur général près la Cour des comptes, se voir confier par le premier président toute autre fonction d'encadrement ou de responsabilité ou les fonctions correspondant au grade de conseiller maître. »

B. La Cour des comptes coordonne une expérimentation de dispositifs destinés à assurer la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes des collectivités et établissements territoriaux dont les produits de fonctionnement excèdent 200 millions d'euros pour l'exercice 2008. Cette expérimentation est ouverte pour une durée de cinq ans commençant trois ans après la publication de la présente loi.

Les collectivités territoriales peuvent se porter candidates à cette expérimentation auprès du ministre chargé des collectivités territoriales, dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi. Le ministre chargé des collectivités territoriales se prononce sur les candidatures, après avoir pris l'avis du ministre chargé des comptes publics et du premier président de la Cour des comptes, dans le délai de quatre mois suivant leur dépôt.

Une convention est conclue entre le premier président de la Cour des comptes et l'exécutif de la collectivité territoriale participant à l'expérimentation, après avis du ministre chargé des collectivités territoriales et de celui chargé des comptes publics. Elle en définit les modalités de mise en oeuvre et précise les moyens en crédits, ou en personnels, ou à ce double titre, qui l'accompagnent. Elle précise également les normes comptables applicables.

L'expérimentation fait l'objet d'un bilan intermédiaire au terme des trois ans mentionnés ci-dessus, puis d'un bilan définitif au terme de huit ans. Ces bilans font l'objet d'un rapport du Gouvernement qui le transmet au Parlement, avec les observations des collectivités territoriales concernées et de la Cour des comptes.

C. A l'issue d'un délai de quinze ans à compter de la publication de la présente loi, les présidents de section et premiers conseillers sont nommés dans un autre grade de la Cour des comptes dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

Chaque année, à compter de l'entrée en vigueur du décret pris pour l'application de l'article L. 112-1-1 du code des juridictions financières issu de la présente loi, sont nommés conseillers référendaires cinq présidents de section ou premiers conseillers, âgés de trente-cinq ans au moins et justifiant, à la date de nomination, de dix ans au moins de services publics effectifs. Ces nominations sont prononcées sur proposition du premier président de la Cour des comptes, après avis du conseil supérieur de la Cour des comptes. La nomination dans le grade de conseiller référendaire ne peut intervenir dans la chambre des comptes dans laquelle le magistrat est affecté au moment de sa promotion.

Les conditions d'application des deux alinéas qui précèdent sont définies par décret en Conseil d'État.

Les procédures juridictionnelles engagées devant les chambres régionales des comptes à la date d'entrée en vigueur de la présente loi et qui n'ont pas été inscrites au rôle de ces chambres, sont, à cette date, transmises à la Cour des comptes.

Les procédures administratives engagées devant les chambres régionales des comptes à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, et sur lesquelles une délibération n'est pas encore intervenue, sont, à cette date, transmises à la Cour des comptes.

Il est délibéré sur les affaires qui ne sont pas transmises à la Cour des comptes en application des alinéas précédents selon les dispositions du code des juridictions financières applicables aux chambres régionales des comptes avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

Les procédures relatives aux appels formés avant l'entrée en vigueur de la présente loi devant la Cour des comptes contre les décisions juridictionnelles des chambres régionales des comptes sont poursuivies jusqu'à leur terme selon les dispositions du code des juridictions financières applicables avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

Compléter l'intitulé de la proposition de loi par les mots :

et à garantir les moyens de leur mise en oeuvre

* 1 Loi tendant à modifier l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative.

* 2 La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a constitutionnalisé les commissions d'enquête, dont l'organisation et le fonctionnement sont réglés par la loi et les conditions de création par le Règlement de chaque assemblée (article 51-2 nouveau).

* 3 Projet de loi n° 2001 portant réforme des juridictions financières déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 28 octobre 2009.

* 4 Modifié par l'article 12 de la résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat pour mettre en oeuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat, adoptée le 2 juin 2009.

* 5 Article 132-4 : La Cour des comptes procède aux enquêtes qui lui sont demandées par les commissions des finances et par les commissions d'enquête du Parlement sur la gestion des services ou organismes soumis à son contrôle, ainsi que des organismes et entreprises qu'elle contrôle en vertu des articles L. 133-1 et L. 133-2.

Article 135-5 : Les communications de la Cour des comptes aux ministres, autres que celles visées aux articles L. 135-2 et L. 135-3, et les réponses qui leur sont apportées sont transmises aux commissions des finances et, dans leur domaine de compétence, aux commissions chargées des affaires sociales de chacune des assemblées parlementaires à l'expiration d'un délai de réponse de deux mois. Elles sont également communiquées, à leur demande, aux commissions d'enquête de chacune des assemblées parlementaires. En outre, le premier président communique à ces mêmes destinataires, à leur demande, les autres constatations et observations définitives de la Cour des comptes, ainsi que les réponses qui leur ont été apportées.

* 6 Extrait du compte rendu du Conseil des ministres du 28 octobre 2009.

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