B. LE PROJET DE LOI  DOIT MARQUER UNE NOUVELLE ÉTAPE POUR PROTÉGER LES PARTICULIERS

Le titre VI relatif à la protection des consommateurs comprend, dans les six chapitres qui le composent, pas moins de 18 articles. 10 articles ont été ajoutés au cours des débats à l'Assemblée nationale. Certains de ces articles visent à améliorer les conditions de mise en oeuvre des dispositions de la loi Lagarde du 1 er juillet 2010, en tirant un bilan des premiers mois de son application, qu'il s'agisse des procédures de surendettement (articles 22 et 22 bis ) ou de l'ouverture de la concurrence pour les assurances souscrites en cas de crédit immobilier (article 18).

La principale mesure, tangible pour les consommateurs comme pour l'économie de la banque de détail, figure à l'article 17 du présent projet de loi. Elle propose de plafonner les commissions d'intervention que les banques facturent en cas d'incident de fonctionnement du compte.

1. Ajuster la loi Lagarde en fonction de ses premières évaluations

Si le projet de loi ne modifie pas les dispositions relatives au crédit renouvelable telles qu'elles ont été introduites par la loi dite Lagarde du 1 er juillet 2010, les évolutions éventuelles étant renvoyées à un futur projet de loi relatif à la consommation, il intervient sur deux points : les procédures de surendettement et l'assurance emprunteur.

a) Les procédures de surendettement

L'article 22 modifie les procédures de surendettement introduites, dans le code de la consommation, par la loi du 1 er juillet 2010.

Prenant acte de l'échec fréquent des procédures de conciliation, et afin de raccourcir les délais de traitement du surendettement, l'article dispose que la commission de surendettement peut directement, sans attendre les résultats de la conciliation, suspendre l'exigibilité des créances et proposer les recommandations qu'elle peut aujourd'hui émettre seulement en cas d'échec de la phase de conciliation.

Ce « court-circuitage » de la phase de conciliation serait possible à deux conditions : que la situation du débiteur ne permette pas de prévoir le remboursement de l'ensemble des dettes et que la procédure de conciliation apparaisse vouée à l'échec (refus d'abandon de créances).

A l'initiative du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, le texte prévoit également une simplification de la procédure de sortie du surendettement, avec la suppression du réexamen systématique de la situation du débiteur.

L'article 22 bis , adopté à l'initiative du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, concerne également la procédure de surendettement. Il porte spécifiquement sur le logement afin d'éviter notamment autant que possible la saisie de la résidence principale.

b) L'assurance emprunteur

Le chapitre 2 du titre VI, qui contient un seul article (l'article 18), modifie les dispositions relatives à l'assurance emprunteur.

L'article doit rendre plus opérantes les dispositions de la loi du 1 er juillet 2010 permettant à l'emprunteur de choisir librement son assurance lorsqu'il souscrit un prêt immobilier. Il est en effet apparu que la concurrence sur ces assurances et les possibilités de choix du consommateur étaient encore limitées, premièrement, par la difficulté à comparer les offres, et, deuxièmement, par l'exigence de paiement de frais supplémentaires pour que la banque prêteuse accepte de prendre en considération une offre d'assurance tierce.

Dès lors, les dispositions proposées visent à améliorer l'information de l'emprunteur en ce qui concerne le coût de l'assurance (codification des présentations de coût de l'assurance, harmonisation des notices d'information).

Elles cherchent à éliminer les obstacles qui conduisent aujourd'hui l'emprunteur à ne pas se pencher davantage sur les offres d'assurances autres que celles de la banque prêteuse. En particulier, l'article L. 312-9 du code monétaire et financier prévoirait, dans la rédaction proposée par l'article, que le prêteur ne peut modifier son offre de prêt, ni exiger de frais supplémentaires, en cas de souscription d'un contrat d'assurance tierce.

Les amendements du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale visant à permettre une renégociation du contrat d'assurance en cours de prêt n'ont pas été suivis d'effet.

2. Améliorer l'accès des personnes les plus fragiles au service bancaire

Trois articles concernent plus spécifiquement les personnes les plus défavorisées.

- L'article 17 bis A détermine l'adoption par l'Association française des établissements de crédit d'une charte de l'inclusion bancaire applicable à tout établissement de crédit. Cette charte avait été annoncée par le Président de la République à la suite de la Conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale du 10 et 11 décembre 2012.

- L'article 17 bis B prévoit, en parallèle, la création auprès de la Banque de France d'un Observatoire de l'inclusion bancaire chargé de collecter des informations sur l'accès aux services bancaires des personnes en situation de fragilité.

Cet observatoire devra composer avec les autres dispositifs de veille concernant les personnes en situation de fragilité. Il existe ainsi déjà, par exemple, un rapport annuel sur le surendettement des ménages. On relève également un observatoire du microcrédit. Un Observatoire de l'épargne règlementée, créé, lui, par la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 17 ( * ) est « chargé de suivre la mise en oeuvre de la généralisation de la distribution du livret A, notamment son impact sur l'épargne des ménages, sur le financement du logement social et sur le développement de l'accessibilité bancaire » . En pratique, son rapport présente aussi les actions menées en faveur de l'accessibilité bancaire. L'ensemble des observatoires existants, comme celui nouvellement créé, dépendent des services de la banque de France.

- L'article 21 vise à faciliter la mise en oeuvre du droit au compte. Le rapport de Monsieur François Soulage, président du groupe de travail « Inclusion bancaire et lutte contre le surendettement », publié en novembre 2012, souligne certes que la France se situe au deuxième rang sur 27 après les Pays Bas en ce qui concerne le pourcentage « d'inclusion financière », mais avec des difficultés d'accès résiduelles au compte bancaire. Moins de 1 % de la population générale et environ 1 % des ménages en situation de pauvreté ne dispose pas de compte bancaire. Pour les bénéficiaires de minima sociaux, ce pourcentage s'établissait à 4 % en 2009. Les publics les plus fragiles ont donc encore des difficultés à faire valoir leurs droits et se heurtent à des obstacles dans l'accès au compte bancaire.

En conséquence, l'article L. 312-1 du code monétaire et financier relatif au droit au compte serait modifié sur deux points principaux. En cas de refus de compte, la remise d'une attestation par la banque serait systématique, ce qui n'est pas toujours le cas aujourd'hui. La Banque de France pourrait être saisie, pour la désignation d'un établissement bancaire en charge de l'ouverture d'un compte, au titre du droit au compte, non seulement par le demandeur ou la banque, mais aussi par le département, la caisse d'allocations familiales et le centre communal ou intercommunal d'action sociale.

3. Dessiner un cadre plus favorable pour l'information du consommateur

Deux dispositions du projet de loi permettent d'améliorer encore l'information des clients particuliers des banques.

- L'article 21 bis A, ajouté en séance publique à l'Assemblée nationale, prévoit une information gratuite du client des banques du montant et de la dénomination des frais bancaires que l'établissement entend lui prélever au minimum quinze jours avant leur prélèvement.

- L'article 21 bis , introduit à l'initiative de notre collègue député Thomas Thévenoud, prévoit une dénomination commune des principaux frais et services bancaires. Cet article a été introduit contre l'avis du ministre qui a jugé le dispositif superfétatoire. 46 termes couvrant 95 % des opérations bancaires font déjà l'objet d'une définition harmonisée.

4. Préserver l'acquis de l'Assemblée nationale en ce qui concerne le plafonnement des commissions d'intervention

L'article 17 crée le principe d'un plafond des commissions d'intervention perçues par les banques lorsqu'elles traitent des incidents bancaires. Ces commissions sont prélevées par les banques lorsqu'une opération a entraîné une irrégularité de fonctionnement du compte nécessitant un traitement particulier (présentation d'un ordre de paiement irrégulier, coordonnées bancaires inexactes, absence ou insuffisance de provision...).

La jurisprudence de la Cour de cassation a évolué dans le temps pour qualifier juridiquement ces commissions. Dans un premier arrêt du 5 février 2008, la chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré en application de l'article L. 313-1 du code de la consommation que ces commissions devaient être incluses dans le calcul du taux effectif global (TEG) du découvert au motif que la rémunération de l'intervention de la banque « n'était pas indépendante de l'opération de crédit complémentaire résultant de l'enregistrement comptable d'une transaction excédant le découvert autorisé ».

A la suite des modifications de l'article L. 313-1 du code de la consommation par la loi Lagarde du 1 er juillet 2010, la Cour de cassation offre désormais une définition juridique des commissions d'intervention sensiblement différente. En distinguant juridiquement découvert et octroi de crédit, la Cour de cassation considère que les commissions d'intervention liées à un dépassement de découvert non permanent (plus de trois mois) rémunèrent un service facturé conformément aux conditions tarifaires. Elles ne sont donc pas liées à une opération de crédit et n'entrent pas dans le calcul du TEG.

Il s'agit donc d'un service, détachable du découvert lui-même.

Le coût que revêt ce service, et l'importance que les commissions revêtent au sein du produit net bancaire des établissements, est révélateur des déséquilibres profonds de l'économie de la banque de détail.

Le rapport de MM. Constans et Pauget de 2010 sur la tarification bancaire établit que le coût global des services bancaires, si l'on inclut l'activité de prêts, et surtout de prêts immobiliers, n'est pas excessif en France par rapport aux pays étrangers, malgré de fortes variations. Le produit net bancaire par habitant bancarisé serait ainsi plus faible en France qu'au Royaume-Uni (- 52 %), qu'en Italie (- 46 %) ou même qu'en Allemagne (- 6 %).

En revanche, le même rapport montre que la tarification de la banque au quotidien (gestion du compte, moyens de paiement, gestion des incidents), en raison notamment du développement des forfaits, est élevé en France. Un consommateur français ayant un profil européen moyen de consommation dépenserait chaque année un montant 14,5 % plus élevé que la moyenne des 6 principaux partenaires de la France, selon le rapport.

On constate donc, d'un côté, des approches commerciales agressives avec des emprunts immobiliers particulièrement compétitifs, destinés à gagner de la clientèle solvable, et, de l'autre, des frais sans rapport avec leur coût réel, principalement dans le cas des commissions d'intervention, qui touchent les populations les plus fragiles financièrement.

Selon l'Observatoire des tarifs bancaires, rattaché au comité consultatif des services financiers, le coût moyen (pondéré par les dépôts) des commissions d'intervention était de 8,24 euros en 2012, avec un maximum de plus de 16 euros. En cas d'incidents répétés, leur coût peut atteindre plusieurs centaines d'euros par mois. Si l'immense majorité des établissements bancaires pratiquent un plafond journalier ou mensuel, celui-ci peut-être particulièrement élevé. En moyenne pondérée, les plafonds mensuels constatés s'établissent à plus de 160 euros. Le maximum constaté pour ces plafonds mensuels est de 350 euros.

Dans le produit net bancaire, les commissions représenteraient - les estimations varient - entre plusieurs centaines de millions d'euros et 3 milliards d'euros.

A l'origine, le texte proposé par le Gouvernement prévoyait le principe d'un plafond des commissions d'intervention seulement pour les personnes en situation de fragilité. La définition de ce public est apparue particulièrement ardue.

Les députés ont souhaité aller plus loin en prévoyant le principe d'un plafond des commissions d'intervention, par opération et par mois, pour l'ensemble des clients des banques.

Il est indispensable, selon votre commission pour avis, de préserver, voire de consolider l'acquis obtenu à l'Assemblée nationale.

Certains acteurs ont fait valoir que la mesure fragiliserait les banques à réseau au profit des banques en ligne, et tout particulièrement les banques les plus denses. Une étude de janvier 2013 de l'Association nationale de défense des consommateurs et des usagers (CLCV) montre en effet des disparités de tarif selon les types de réseau. Dans le détail, il n'y a pas corrélation entre la taille du réseau bancaire et le montant des commissions pratiquées. La Banque Postale est dans la moyenne des frais bancaires, et moins chère par exemple que la BNP. Pour ce qui concerne les banques mutualistes et coopératives, s'il existe des tarifs élevés pratiqués par certaines caisses régionales, il existe également des exemples contraires, avec des tarifs bas pratiqués par d'autres caisses régionales du même réseau.

TARIF DES COMMISSIONS D'INTERVENTION SELON LE TYPE DE RÉSEAU (en euros)

Source : enquête annuelle sur les prix des services bancaires de la CCLV - janvier 2013

Pour contrer la mesure, le secteur bancaire met désormais en avant le risque d'une automatisation du traitement des incidents bancaires, avec les effets afférents pour l'emploi d'une part, pour les clients d'autre part, qui pourraient se voir opposer des rejets de paiement. Ce risque d'automatisation existe, mais une large partie des interventions des banques, en particulier sur les paiements par carte bancaire - qui représenteraient selon des associations de consommateurs, de l'ordre de 85 % du total des paiements par carte, est déjà automatisée.

En réalité, il s'agit de limiter des abus dans la tarification d'un service bancaire. Le législateur ne peut tolérer que les commissions d'intervention soient éloignées de manière abusive du coût réel du service, et que les plus fragiles assurent une fraction aussi importante du produit net bancaire.

5. Consentir des efforts de simplification et d'harmonisation du droit

- L'article 23 concerne les modalités d'utilisation du compte du défunt. Afin d'éviter les conséquences pénibles du blocage du compte en cas de décès, l'article permet le remboursement des obsèques à partir du compte du défunt au profit de la personne qui pourvoit aux funérailles. Cette faculté serait ouverte sous un plafond, fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie, et à concurrence du solde créditeur du compte. L'article prévoit aussi des dispositions permettant de faciliter la clôture du compte du défunt.

- L'article 24 procède à un aménagement rédactionnel à l'article L. 311-9 du code de la consommation relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.

- Enfin, l'article 25 tire les conséquences d'une décision de la Cour de Justice de l'Union européenne du 1 er mars 2011 « Test-Achat » relative à la différenciation des taris d'assurance en fonction des sexes. La Cour de justice a estimé que de telles pratiques n'étaient pas conformes à la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et au principe de non-discrimination entre hommes et femmes. L'article dispose donc que, pour les nouveaux contrats d'assurance conclus à partir du 21 décembre 2012, il n'est plus possible de déroger au principe d'égalité entre les hommes et les femmes en matière de souscription d'assurances.


* 17 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

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