C. LES NOUVEAUX MODES DE RÉGULATION SPÉCIALISÉS

Le projet de loi de financement instaure quatre nouveaux mécanismes de régulation des dépenses d'assurance maladie : pour les dispositifs médicaux à usage personnel, à l'article 23, les arrêts de travail et les prescriptions de transport, à l'article 18, les dépenses du secteur médico-social, à l'article 25, et les prestations d'un niveau trop important, à l'article 19.

1. Le tarif de prise en charge des dispositifs médicaux à usage individuel (article 23)

Le mécanisme actuel de régulation des dépenses de dispositifs médicaux à usage individuel passe aujourd'hui par le tarif interministériel des prestations sanitaires (TIPS) défini à l'article L. 162-7 du code de la sécurité sociale. Il couvre ainsi toutes les dépenses de petits appareillages, d'accessoires, de pansements, etc. Ce mécanisme n'a pas donné toute satisfaction puisque la commission des comptes de la sécurité sociale a attiré l'attention en septembre 1999 sur la forte hausse des dépenses prises en charge à ce titre par le régime général : elles sont passées de 775 millions de francs en avril 1998 à 900 millions de francs en avril 1999. En 1998, la CNAMTS a remboursé 9,8 milliards de francs au titre du TIPS. Il convient néanmoins de relativiser ces chiffres, l'année 1999 ayant vu un changement de périmètre avec l'intégration au TIPS des prestations de l'Antadir (insuffisance respiratoire) auparavant incluses dans l'objectif quantifié national des cliniques privées. La hausse n'en reste pas moins forte.

A cette progression des dépenses s'ajoutent plusieurs dysfonctionnements qui justifient une remise à plat du TIPS : cohabitation de remboursement à tarif de responsabilité et prix libre, et de prix imposés, procédure d'admission au remboursement complexe et peu satisfaisante, remboursement de biens médicaux non inscrits explicitement, etc.

Le Gouvernement a souhaité revoir la régulation tarifaire et y adjoindre un double souci de cohérence vis-à-vis des procédures existantes en matière de produits de santé et plus particulièrement de médicaments ; comme vis-à-vis des exigences croissantes de sécurité sanitaire.

Le nouveau dispositif sépare donc deux phases. La première renvoie à l'évaluation du dispositif avant sa commercialisation. Elle sera aux mains de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Puis vient la phase économique de l'admission au remboursement, aux mains du Comité économique du médicament dénommé désormais Comité économique des produits de santé. Ce dernier négociera avec les professionnels les tarifs de remboursement et les prix des produits. L'article 23 du projet de loi de financement lui donne des outils de régulation par le pouvoir de signer des conventions avec les professionnels. Par ailleurs, il pourra appliquer l'évaluation du service médical rendu de la même manière que pour les spécialités pharmaceutiques. Enfin, l'article prévoit que le ministre peut se substituer au Comité économique et aux professionnels pour la fixation du prix en cas d'échec des négociations.

Il existe quelques différences avec les médicaments : le Comité économique propose le prix au ministre qui décide au bout du compte ; les délais de conventions ne sont pas identiques ; les procédures de remise ne sont pas détaillées ; est créé un système de déclaration du chiffre d'affaires et de suivi des dépenses trois fois par an.

Votre rapporteur pour avis se félicite que la régulation se porte sur un secteur où de nombreux abus ont été dénoncés et qui n'était pas satisfaisant. Il regrette néanmoins que le souci de cohérence n'ait pas été poussé à son terme qui aurait du conduire à une assimilation des dispositifs médicaux à usage individuels aux procédures appliquées pour les médicaments. Par ailleurs, il regrette qu'une fois encore la régulation de dépenses pourtant supportées par les régimes obligatoires d'assurance maladie leur échappe.

2. L'encadrement des dépenses d'indemnités journalières et des frais de transport  (article 18)

La commission des comptes de la sécurité sociale a dénoncé dans son rapport de septembre 1999 l'augmentation forte et continue des dépenses engagées au titre de la prise en charge des indemnités journalières maladie et des frais de transport.

Dépenses d'indemnités journalières de la branche maladie du régime général

(en milliards de francs)

1997

1998

1997/1998

1999

1998/1999

23,21

24,74

+ 6,6 %

26,15

+ 5,7 %

Il convient de relativiser une partie de la hausse en matière d'indemnités journalières par la reprise économique et sa conséquence sur l'évolution de la masse salariale : se cumulent donc un effet prix et un effet volume. Cependant, le besoin de l'instauration d'une régulation n'est guère discutable et faisait partie des recommandations de la CNAMTS dans son plan stratégique.

Le nouveau dispositif étend au régime général ce qui existe déjà pour les régimes d'assurance maladie des travailleurs indépendants : la motivation de l'acte d'arrêt de travail par le praticien prescripteur. Les médecins devront désormais indiquer les " éléments d'ordre médical justifiant l'interruption de travail " ainsi que, pour les prescription de transport, " les éléments d'ordre médical précisant le motif du déplacement et justifiant le mode de transport prescrit " . Ces indications, couvertes par le secret médical, sont bien entendu destinées au service du contrôle médical des caisses. Par ailleurs, le médecin doit indiquer les éléments permettant son identification.

Votre rapporteur pour avis se satisfait de cette mesure de nature à éviter les abus et à donner aux prescripteurs des moyens de résister aux demandes pressantes de nombreux patients en matière d'arrêts de travail.

3. Contrôle des assurés ayant un niveau de prescriptions trop élevé  (article 19)

Tous les rapports sur la sécurité sociale et l'assurance maladie ont dénoncé la possibilité qu'offre le système français pour un assuré de multiplier les consultations médicales, assorties à chaque fois de prescriptions, aux frais de l'assurance maladie. Pour cette raison a été créé le ticket modérateur, ont été faits les essais de carnet de santé, a été proposée la carte vitale 2 qui contiendra des informations à caractère médical.

En attendant cette dernière innovation technique, l'article 19 du projet de loi de financement crée la possibilité pour le contrôle médical de convoquer un patient ayant bénéficié de remboursements trop importants afin de procéder à une " évaluation de l'intérêt thérapeutique, compte tenu de leur importance, de soins " dispensés en dehors des affections de longue durée.

Votre rapporteur pour avis est favorable à une telle mesure qui a un intérêt médical (éviter les contre-indications de l'interaction de plusieurs prescriptions) et économique (limiter le " nomadisme médical "). Il regrette cependant que le nouvel article 19 soit muet sur les sanctions encourues par le patient en cas de non parution à la convocation et de constatation d'abus caractérisés. Un mécanisme de contrôle sans sanction risque ainsi de se transformer en voeu pieux .

4. Respect des objectifs de dépenses par les établissements et services médico-sociaux (article 25)

Le secteur médico-social connaît une très forte progression de ses dépenses depuis 1997, qu'accentue le taux de 4,9 % retenu pour leur objectif d'évolution pour 2000 :

Dépenses du secteur médico-social comprises dans le champ de l'ONDAM

(en milliards de francs)

Dépenses 1997

Dépenses 1998

Variation 1997/1998

Dépenses 1999

Variation 1998/1999

Prévisions 2000

Variation 1999/2000

40,4

43

+ 6,4 %

44,7

+ 4%

46,9

+ 4,9 %

Depuis 1997, ce secteur a multiplié également les dépassements par rapport à l'objectif inscrit dans l'ONDAM en loi de financement de la sécurité sociale :

Les dépassements du secteur médico-social

Dépenses 1997 / objectif 1997

Dépenses 1998 / objectif 1998

Dépenses 1999 / objectif 1999

+ 200 millions de francs

+ 1,5 milliard de francs

+ 800 millions de francs

De plus, ces dépenses font l'objet d'une très lourde inertie. Pour 1999, 99,4 % de celles consacrées aux handicapés et 99 % de celles consacrées aux personnes âgées étaient systématiquement reconduites.

Les dépenses de ce secteur font l'objet depuis la loi de financement pour la sécurité sociale pour 1999 d'un mécanisme de régulation par le système de l'enveloppe opposable. La régulation se fait donc a posteriori au vu de la comparaison des résultats de l'exercice par rapport à l'ONDAM. Une partie de ces dépenses pèse sur les départements qui ont la charge des structures pour adultes handicapés et personnes âgées.

Cette enveloppe nationale est répartie entre régions puis entre départements par les préfets de région selon le système de la dotation globale, du prix de journée et des forfaits de soins. Le préfet notifie ainsi avec le budget le montant du prix de journée et des forfaits qui seront admis au remboursement de l'assurance maladie. Il peut refuser à un établissement son habilitation pour recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale ou l'autorisation de délivrer des soins remboursables.

Ce refus se fonde sur les conséquences des coûts de fonctionnement pour les charges de l'Etat, des départements ou des organismes sociaux.

Ce dernier mécanisme ayant été supprimé par une erreur de rédaction de l'article 52 de la loi portant création d'une couverture maladie universelle, il était indispensable de le réintroduire dans le code de la sécurité sociale.

Votre rapporteur pour avis rappelle à ce propos que la procédure d'urgence - appliquée au projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle - ayant pour conséquence de limiter les délais d'examen des textes par le Parlement favorise certainement ces erreurs préjudiciables à la sécurité juridique et à l'image de l'Etat.

Par ailleurs, tout en se réjouissant qu'un effort particulier soit fait en faveur de ce secteur dans la loi de financement pour 2000 déplore qu'aucune mesure ne vienne sanctionner le dépassement systématique des dépenses prévues pour ce secteur dans l'ONDAM.

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