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IV. RECOURS À LA DÉCLARATION D'URGENCE : SIMPLE RÉPONSE À LA SURCHARGE DE L'ORDRE DU JOUR DES ASSEMBLÉES, SANS EFFET SUR LA CÉLÉRITÉ DU SUIVI RÉGLEMENTAIRE ?

La commission des affaires économiques souligne « l'efficacité discutable » , sur le rythme du suivi réglementaire, du recours à la déclaration d'urgence :

« Au cours de l'année parlementaire 2007-2008, 4 des 11 lois adoptées dans les domaines de compétence de la commission des affaires économiques ont fait l'objet d'une déclaration d'urgence. Trois d'entre elles ont été promulguées entre les mois de juin et d'août 2008 18 ( * ) ; elles n'ont encore bénéficié d'aucun de leurs textes d'application. S'agissant de la quatrième, la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, deux des trois décrets attendus ont été publiés au début du mois de juin dernier (soit dans un délai inférieur à six mois), auxquels s'ajoute d'ailleurs un décret en Conseil d'Etat publié au mois d'août au titre des mesures « non prévues ».

Comme la commission l'avait constaté l'année dernière, la déclaration d'urgence a donc, initialement, un effet sur le raccourcissement des délais de publication des textes d'application .

En revanche, la déclaration d'urgence n'a pas d'incidence, à terme, sur le taux d'application des lois . On constate en effet que si le taux d'application des lois votées après déclaration d'urgence décolle plus vite que celui des autres lois, il plafonne ensuite rapidement à un taux équivalent à celui des lois votées sans déclaration d'urgence.

Ainsi, le taux moyen d'application des lois votées après déclaration d'urgence entre janvier 2006 et janvier 2007 19 ( * ) plafonne à 79,2 %, contre 81 % pour les lois adoptées sans déclaration d'urgence sur la même période 20 ( * ) . Ce résultat n'est pas satisfaisant et doit être corrigé à l'avenir. Il n'est pas acceptable que certaines des dispositions des lois votées après déclaration d'urgence attendent plus de deux ans leurs textes d'application.

La commission des affaires sociales estime que l'influence de la déclaration d'urgence, sur la publicité des textes réglementaires d'application, est malaisée à évaluer.

Elle note :

« La procédure d'urgence ayant par définition pour objet d'accélérer l'adoption des lois, on pourrait légitimement penser qu'une fois la loi votée, le Gouvernement en tire les conséquences en hâtant la mise en oeuvre réglementaire des lois examinées dans ce cadre.

Or, les résultats observés sur la session écoulée nous invitent une nouvelle fois à la plus grande prudence en la matière : si le taux d'application des dispositions adoptées après déclaration d'urgence plafonne à 33 %, soit un niveau trois fois inférieur aux mesures votées selon la procédure de droit commun 21 ( * ) , ce résultat incombe quasi exclusivement à la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (13 mesures attendues), non applicable au 30 septembre 2008. 22 ( * ) »

Commission des affaires sociales :
application des dispositions législatives appelant un suivi réglementaire
selon leur procédure d'adoption en 2007-2008

Lois votées après déclaration d'urgence

Lois votées,
de droit,
en urgence

Lois votées selon la procédure de droit commun

Total

Nombre de dispositions appelant un texte d'application, dont

27

51

5

83

publiées

9

26

5

40

à publier

18

25

0

43

Taux d'application

33 %

51 %

100 %

48 %

45 %

La commission des affaires sociales aboutit à ces conclusions :

« A la lumière des chiffres des quatre dernières sessions, il n'est pas possible d'établir de corrélation directe entre déclaration d'urgence et célérité d'application des lois. Selon les années et les aléas statistiques (une loi votée selon cette procédure en toute fin de session extraordinaire n'aura que peu de chances de recevoir ses textes d'application), la déclaration d'urgence peut sembler avoir un effet d'accélération positif (comme en 2004-2005), neutre (2005-2006), voire contre-productif (2006-2007 et 2007-2008).

Elle n'est en tous les cas pas un gage d'application rapide des lois concernées et paraît plus répondre aux contraintes résultant de la surcharge de l'ordre du jour des assemblées qu'à la volonté gouvernementale d'appliquer totalement et rapidement des lois concernées.

Commission des affaires sociales : évolution, de 2004-2005 à 2007-2008, des taux d'application des lois selon leur procédure de vote

Taux Session

d'application parlementaire

au 30 septembre

de chaque année

2004-2005

2005-2006

2006-2007

2007-2008

Lois votées après déclaration d'urgence

36 %

50 %

17 %

33 %

Lois votées, de droit, en urgence

15 %

37 %

41 %

51 %

Lois votées selon la procédure de droit commun

9 %

67 %

35 %

100 %

Quant à l'urgence de droit, en vigueur pour l'examen des lois de financement de la sécurité sociale, elle n'a pas d'impact significatif sur la célérité de leur suivi réglementaire : leur taux d'application au 30 septembre de chaque année se situe au mieux dans la moyenne des lois adoptées en vertu de la procédure de droit commun, comme en 2006-2007, mais le plus souvent en deçà (51 % contre 100 % cette année). »

La commission des affaires culturelles est la seule à noter que « le recours à la procédure d'urgence s'accompagne d'une célérité dans le suivi réglementaire ».

La commission des lois dénombre, parmi 4 lois prescrivant des mesures réglementaires, relevant de sa compétence, adoptées en 2007-2008 après déclaration d'urgence :

- 3 lois partiellement applicables, au taux moyen unitaire d'application de 43 %, en nette augmentation par rapport aux résultats correspondants de 2006-2007 (12 %) et de 2005-2006 (17 %) ;

- 1 loi non applicable : loi du 3 juillet 2008 portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire.

* 18 Loi du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés, loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire et loi du 1 er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement.

* 19 Loi relative à la sécurité et au développement des transports du 5 janvier 2006, loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006, loi relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux du 14 avril 2006, loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire du 13 juin 2006, loi de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs du 28 juin 2006 et loi relative au secteur de l'énergie du 7 décembre 2006.

* 20 Loi portant diverses dispositions relatives au tourisme du 14 avril 2006, loi portant engagement national pour le logement du 13 juillet 2006, loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 et loi portant création d'un établissement public de gestion des équipements publics du quartier d'affaires dit de "La Défense" du 27 février 2007.

* 21 Même si l'on doit considérer la faiblesse de l'échantillon statistique (5 mesures attendues, toutes parues, pour les deux lois votées sans recours à la procédure d'urgence)

* 22 Le ministre du travail, M. Xavier Bertrand, a annoncé, le 8 octobre 2008, sur la chaîne Canal + que « tous les décrets d'application de cette loi seraient publiés avant la fin du mois d'octobre 2008 ».

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