RAPPORT DE MISSION

FAIT

au nom du groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique Centrale

sur son déplacement au Burundi et au Rwanda du 1 er au 6 juin 2006

Par MM. André ROUVIERE, président délégué pour le Burundi,
Gérard ROUJAS, président délégué pour le Rwanda
André DULAIT et François TRUCY

Sénateurs,

Le groupe d'amitié France-Afrique Centrale est composé de : MM. Jean-Pierre CANTEGRIT, président, Joël BOURDIN, André BOYER, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Christian COINTAT, Yves DAUGE, André DULAIT, Jean FAURE, André FERRAND, François FORTASSIN, Yann GAILLARD, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Paul GIROD, Jean-Pierre GODEFROY, Michel GUERRY, Jean-François HUMBERT, Mme Christiane KAMMERMANN, M. Jacques LEGENDRE, Mme Hélène LUC, MM. Jacques PELLETIER, Philippe NACHBAR, Bernard PIRAS, Jean-Pierre PLANCADE, Jean PUECH, Gérard ROUJAS, André ROUVIERE, Mme Catherine TASCA, MM. Henri TORRE, André TRILLARD, François TRUCY, Alex TURK, Jean-Marie VANLERENBERGHE.

COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

La délégation était composée de :

- M. André Rouvière (Soc. - Gard), président, président délégué pour le Burundi

- M. Gérard Roujas (Soc. - Haute Garonne), président délégué pour le Rwanda

- M. André Dulait (UMP - Deux Sèvres)

- M. François Trucy (UMP - Var)

La délégation était accompagnée par Mme Alix Ollivry, secrétaire exécutif du groupe d'amitié.

Remerciements :

Les ambassades de France à Bujumbura et à Kigali ont apporté un soutien efficace pour l'organisation de cette mission.

Les plus vifs remerciements doivent être adressés tout particulièrement à M. Dominique Decherf, ambassadeur de France à Kigali, à M. Daniel Zeldine, premier conseiller à Bujumbura, et à M. Serge Pinson.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat français a engagé, depuis quelques mois, une coopération étroite avec le jeune Sénat du Burundi, qui a notamment pris la forme d'actions de formation de ses cadres.

Ce rapprochement et les relations d'amitié qui se sont établies au fil des rencontres ont conduit le groupe d'amitié France-Afrique centrale à accepter avec enthousiasme l'invitation de ses homologues du Burundi à se rendre dans leur pays.

Compte tenu de la proximité des deux pays et de leur histoire proche et pourtant singulière, il a été décidé de compléter de déplacement par une visite de quelques jours au Rwanda.

Une délégation de quatre sénateurs a entrepris ce voyage, le premier du groupe d'amitié vers ces deux destinations depuis 1985, du 1 er au 6 juin 2006, avec deux objectifs : nouer des liens durables avec les sénateurs burundais et rwandais et mieux comprendre ces deux pays éprouvés par l'histoire.

Cette visite a tenu ses promesses. Au Burundi, l'accueil chaleureux qui a été réservé aux sénateurs français a confirmé les relations d'amitié fortes qui existent entre les deux institutions. La possibilité de développer des jumelages et des actions de coopération décentralisée a été longuement évoquée lors des rencontres avec les autorités locales. Souhaitons que ce mode de coopération constitue une prochaine étape des relations entre la France et le Burundi dans les années à venir.

Au Rwanda, la visite de la délégation sénatoriale, porteuse d'un message d'amitié et de solidarité, a constitué une nouvelle preuve de la volonté de la France de rétablir des liens de confiance avec le Rwanda, dans le respect de la justice et sans méconnaître l'histoire.

burundi : conforter les espoirs d'un peuple meurtri

Chronologie

- 1896 : le royaume du Rwanda-Urundi est intégré au protectorat colonial allemand.

- 1918 : le royaume est placé sous mandat de la société des nations et administré par la Belgique.

- 1961 : assassinat du prince Louis Rwagasore, fondateur de l'UPRONA.

- Juillet 1962 : indépendance du Burundi .

- Novembre 1966 : coup d'Etat militaire qui met fin à la monarchie et porte au pouvoir le colonel Micombero.

- 1972 : répression militaire visant essentiellement les élites hutues, en représailles à la formation d'une rébellion hutue par des leaders exilés en Afrique de l'Est.

- 1976 : coup d'Etat du colonel Bagaza.

- 1987 : coup d'état du major Pierre Buyoya.

- 1992 : Pierre Buyoya amorce une ouverture politique (constitution autorisant le multipartisme).

- Juin 1993 : premières élections démocratiques de l'histoire du Burundi. Melchior Ndadaye (Hutu, FRODEBU) est élu président.

- 21 octobre 1993 : assassinat, par l'armée, du Président Ndadaye. Massacres visant, dans un premier temps, la communauté tutsie, puis répression militaire contre la communauté hutue.

- Juin 1994 : émergence d'une rébellion armée hutue, le CNDD-FDD de Léonard Nyangoma, issue d'une scission au sein de Frodebu.

- Septembre 1994 : désignation à la tête de l'Etat de Sylvestre Ntibantunganya en remplacement du Président Ntaryamira, décédé dans l'attentat contre le président Habyarimana (6 avril 1994).

- Juillet 1996 : retour au pouvoir du major Buyoya avec l'aide de l'armée. Le pays est placé sous embargo par ses voisins régionaux jusqu'en janvier 1999.

- 28 août 2000 : signature de l'accord de paix d'Arusha , en l'absence des principaux mouvements rebelles.

- Octobre 2001 : Pierre Nkurunziza et Hussein Radjabu prennent contrôle du CNDD-FDD.

- 1 er novembre 2001 : entrée en fonction du gouvernement de transition issu des accords d'Arusha.

- Avril 2003 : déploiement de la MIAB, première force de maintien de la paix de l'Union Africaine.

- 1 er mai 2003 : fin de la première phase de la transition. Le vice-président Ndayizeye succède à Pierre Buyoya.

- 16 novembre 2003 : signature d'un accord de paix entre le gouvernement et le CNDD-FDD de Pierre Nkurunziza.

- 6 janvier 2004 : mise en place de l'état-major intégré des armées (armée gouvernementale/FDD).

- Juin 2004 : déploiement, en relais de la MIAB, d'une force de maintien de la paix des Nations-Unies (Onub).

- Février 2005 : adoption par référendum de la constitution pour la période post transition.

- Juillet 2005: large victoire du CNDD-FDD aux élections législatives.

- 19 août 2005: élection de Pierre Nkurunziza à la présidence de la République.

A. UN PAYS SORTI EXANGUE D'UNE HISTOIRE CHAOTIQUE

1. Les années noires

Au lendemain de son indépendance, en 1962, le Burundi connaît des violences politiques qui dégénèrent progressivement en affrontements entre les communautés hutue (85 % des habitants) et tutsie (15 %), cette dernière détenant l'essentiel du pouvoir. Les massacres les plus importants sont, à cette époque, attribués à l'armée et visent à éliminer les élites hutues du pays.

Puis une série de coups d'Etat militaires tend à confisquer le pouvoir au bénéfice de la minorité tutsie issue de la province de Bururi (sud du Burundi). C'est cependant le Président Pierre Buyoya, originaire de cette province, qui introduit le multipartisme en 1992 et négocie pour la première fois avec les partis modérés hutus.

Cette ouverture aboutit à la tenue, en 1993, des premières élections démocratiques depuis l'indépendance, qui portent pour la première fois un Hutu à la Présidence de la République, Melchior Ndadaye, le Front démocratique burundais (Frodebu), à dominante hutue, disposant de la majorité absolue à l'Assemblée nationale. Mais le 21 octobre 1993, son assassinat par un groupe d'officiers putschistes marque le début d'une guerre civile qui s'étend progressivement dans tout le pays et durera treize ans. L'armée burundaise, dirigée par les Tutsis, ne peut, en effet, empêcher l'émergence d'une rébellion armée hutue , le CNDD-FDD, qui prend le contrôle d'une partie du territoire.

La mort simultanée des présidents burundais et rwandais dans l'attentat du 6 avril 1994, le déclenchement du génocide rwandais et ses conséquences déstabilisatrices sur le Burundi du fait de l'afflux de réfugiés qu'il entraîne, aggravent encore la situation.

Sous la pression de l'armée, Pierre Buyoya accède à nouveau au pouvoir le 25 juillet 1996. Soumis à la pression des pays voisins, il engage alors un processus de négociations politiques.